Chapitre 62 ✅

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Ça devait bien faire quatre heures que j'étais là, assis sur une branche d'un arbre à la lisière de la forêt, à fixer le mur autour de la ville en luttant contre le sommeil, quand il y eut enfin du mouvement.

Je relevai la tête subitement ; les grandes portes de béton s'ouvraient doucement pour laisser sortir une petite équipe de dix personnes. Ils portaient tous cette combinaison blanche, ce qui voulait signifier, en toute logique, qu'il comptait aller loin. Jusqu'au village de Télio, exactement.

Je les regardai s'éloigner, me mordant la lèvre nerveusement. J'avais prévu que, si des gardes venaient, je me serais mis sur leur chemin, j'aurais essayé par tous les moyens de leur faire comprendre... en discutant, en suppliant, en les menaçants et, pour dernier recours, en les tuants. Mais là... ils étaient nombreux. Et s'ils décidaient de me tuer en premier, qu'est-ce qui leur en empêcherait ? Moi, seul contre dix ? Mauvaise idée. Même Télio en serait venu à cette conclusion.

Au bout d'un moment, ils furent assez loin pour que je ne puisse plus les voir. Je lançai un dernier regard en direction du mur, puis tapotai le dos de Bernadette pour la réveiller et qu'elle dégage de mon épaule. Aussitôt fait, je posais mon pistolet en équilibre sur la branche, puis me transformai. J'essayai ensuite de le tenir avec mes pattes arrière - c'était plutôt précaire, mais j'y parvins. Priant pour que le poids ne me fasse pas dégringoler les quatre mètres qui me séparaient du sol, je me laissai tomber dans le vide pour m'envoler et suivre les gardes, restant en lisière de la forêt pour ne pas être vue, même s'ils étaient encore loin devant.

Il ne me fallut même pas une minute pour les rattraper, me retrouvant un peu devant eux. Je me transformai, dos contre un arbre, et me penchai pour prendre le pistolet, mais figeai alors que mes doigts n'étaient plus qu'à quelques centimètres de la crosse. Non, vaudrait mieux pas. À dix contre un, s'ils voulaient me tuer, je ne pourrais pas me défendre, et mon seul avantage serait de m'envoler, chose que je ne pourrais pas faire aisément si je devais me trimbaler ce flingue.

À moins que je reste caché. Ce serait plus simple que d'aller directement me mettre devant eux.

J'inspirai longuement, essayant de me détendre, sans vraiment y arriver. Je courais droit vers une mission suicide, alors que personne ne m'avait demandé de le faire.

Finalement, je pris le pistolet et me redressai. Je lançai un dernier regard vers les hommes en combinaisons blanches, qui n'était plus qu'à cinq mètres de moi, avant de m'appuyer à nouveau contre l'arbre, espérant passer inaperçue.

— Hé, les gardes ! criai-je dans leur direction.

Quelques chauvesouris, qui s'étaient obstinées à me suivre, s'agitèrent. Je fermai les yeux et me concentrai sur mon ouïe pour remplacer ma vue, ne voulant pas prendre le risque de sortir la tête de ma cachette. J'entendis les hommes s'arrêter de marcher, le léger cliquetis de leurs armes quand ils posèrent la main dessus.

— Miö ? C'est toi, là-dedans ? demanda l'un d'entre eux.

— Ouais. J'ai un compromis à vous proposer.

Ils s'approchaient lentement vers moi, un pas à la fois. Ils s'imaginaient que, parce que je ne les voyais pas, je ne connaissais rien de leurs mouvements. Tout le monde à Digora était au courant que j'avais une ouïe exceptionnellement développée, mais rares étaient ceux qui savaient que je pouvais m'en servir pour regarder.

— Ah ouais ? Dis-nous ce que t'as en tête.

— Vous nous laissez tranquilles, mon... Mon jumeau et moi. On va partir loin, et on ne reviendra plus jamais. Nous ne serons plus un problème pour vous, ce sera comme si on était déjà mort.

Miö (En Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant