tome 2 - Chapitre 47 ✅

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Télio et moi, nous nous sommes promenées dans la forêt. Prenant n'importe quelle direction, tournant en rond, nous arrêtant où le paysage était beau. Je n'avais pas hâte de quitter les bois, mais notre prochaine destination était le village de Télio, et lui appréhendait d'y retourner. Il avait peur – et je pouvais bien le comprendre – d'avouer à sa tante et sa mère ce qu'il avait fait.

— Et elles savent que tu as déjà tué Jeremy ? demandai-je.

Télio haussa les épaules en soupirant. Il était couché directement dans l'herbe, dans une clairière que nous avions trouvée il y avait une dizaine de minutes. J'étais un peu plus loin, jouant au funambule sur une grosse branche isolée des autres, sur un arbre devant bien avoir une centaine d'années, vu sa largeur.

Nous avions passé la journée entière dans cette forêt. Il était tout juste six heures du matin quand nous nous étions enfuis de chez le roi ; le soleil était à peine visible à l'horizon, et maintenant c'était l'inverse, commençant à faire de plus en plus sombre.

— Ouais, Shell le sait, et elle l'a surement répété à ma mère, dit Télio. Mais j'avais dit que je t'avais donné la grippe, et que toi, tu l'avais transmis à Jeremy... vu comme ça, je suis pas tellement responsable. Même pratiquement pas. De ce point de vue, la coupable, c'est ma mère !

— Tu n'as pas mentionné lui avoir fourré un morceau de papier toilette plein de ma bave contaminée dans sa bouche ?

— Non, dit Télio dans une grimace. C'est qu'un détail. Elles n'ont pas besoin de savoir.

Je levai les yeux au ciel en soupirant. Une écharde s'enfonça dans mon talon et la douleur me fit tomber de ma branche. Je me transformai pour éviter la chute et atterris à côté de Télio, avant de m'assoir et de retirer le bout de bois de ma peau. Une petite goutte de sang coula de la blessure, et le temps qu'elle parcoure la longueur de mon pied, la plaie s'était déjà refermée.

— Des souliers, ce serait pas du luxe, dit Télio.

Nous nous étions empalé les pieds au moins une dizaine de fois à tour de rôle, et Télio avait toujours répété cette phrase. Quelques heures plus tôt, il s'était même foulé la cheville en marchant sur un gros caillou.

— Tu crois que ça a encore un lien avec cette histoire de clonage ? Le fait qu'on guérisse si rapidement.

— Surement, dis-je en m'adossant au tronc de l'arbre derrière moi. Tout autant que notre don de métamorphose.

— Celui-là, je l'avais deviné depuis longtemps. Je me demandai seulement... comment le vieux a bien pu faire en sorte que nous guérison aussi vite.

— C'est ça, ta question ? pouffai-je. Pour moi, la métamorphose, c'est bien plus intrigant.

— Et bien plus amusant, dit Télio avec un clin d'œil.

Son sourire disparut presque aussitôt qu'il était apparu. Il ferma à nouveau les paupières, poussa un long soupir, puis se redressa avant de me faire face. Sa combinaison noire était tachée un peu partout de terre et d'herbe, de petites brindilles et bourgeons de feuilles parsemaient ses cheveux roux.

— Je commence a être sérieusement affamé. Je crois qu'on a plus le choix. Il faut rentrer à la maison...

Télio se leva et je l'imitai, soulagé. La faim me tiraillait depuis un moment déjà, même si je savais que la seule nourriture que je serais en mesure de trouver là-bas était des réserves de patates. Pourquoi cette histoire n'avait-elle pas eu lieu en été, plutôt qu'en printemps ?

— Je reviens tout de suite, dit Télio.

Mon jumeau se transforma en hibou et s'envola en quelques battements d'ailes. Je restai à terre, prenant tout le temps de m'étirer et de regarder une dernière fois la clairière et la forêt autour de moi, cherchant vainement un arbre fruitier.

Miö (En Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant