Chapitre 89

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Encore Télio...

C'était une gentille balade dans le désert, avec ce tout nouveau clone qui me tapait sérieusement sur les nefs. Il n'avait aucune conscience du monde en dehors de la ferme, toutes ses connaissances lui venaient directement du vieux. Et tout comme le paternel, il était particulièrement débile, et vif quand on s'y attendait le moins. Dans son cas, c'était pour crier « CROÂ » dès que l'occasion se présentait. S'il n'avait pas eu Riley dans les bras, je l'aurai frappé depuis longtemps pour qu'il se la ferme.

Ça faisait tout juste une demi-heure que nous avions quitté la ferme. Selon mes calculs, il devrait rester encore une heure et demie de marche avant d'arriver à mon village déserté. Une petite pause, et deux heures en plus avant Digora.

- Écoute, Léo, dis-je en m'arrêtant de marcher pour me mettre face à lui. Si tu veux rencontrer mes amis, il va falloir que tu te développes un minimum de sens social. Arrête, premièrement, de crier comme un foutu corbeau !

- Je suis un corbeau, dit Léo avec une petite grimace.

- Non, tu es humain. Tu vois ? Quand tu seras vraiment un corbeau, tu pourras crier autant que tu voudras. Autrement, tu te la fermes. OK, tu peux parler, mais tu vas rayer « croâ » de ton dictionnaire. Je suis à peu près sûr qu'il n'y figure pas, de toute façon.

- OK, soupira platement Léo.

Je me remis à marcher. Léo me suivit, flattant le dos de Riley distraitement.

- Et toi, tu te transformes en quoi ?

- En hibou. Et non, je ne crie pas « hou, hou » pour insulter tout le monde.

- C'est même pas une insulte, pouffa Léo. Ça veut dire bonne nuit.

Je lui lançai un regard désespéré, sans rien ajouter. Il est con, ou il le fait exprès ?

- Ça ne veut rien dire, dis-je enfin. Les hiboux n'ont pas assez de corde vocale pour faire autre chose que « hou, hou ».

- C'est quoi, des cordes vocales ?

- Oh, peu importe ! m'énervai-je. Comment t'as été élevé par un fou de biologie et ne pas savoir ce qu'est des cordes vocales ?! Même moi, je le sais !

- Je n'ai pas été « élevé » par le vieux ! s'énerva Léo. Je faisais ce que je voulais. S'il lui prenait l'envie de me gronder, je m'envolai juste assez haut pour qu'il ne puisse pas m'attraper. Il n'a jamais réussi à me donner ce truc bleu qui tue à petit feu tous ceux qu'il attrape. J'étais plus intelligent que lui, dit-il fièrement.

- Intelligent, dis-je dans un ricanement. Faut le dire vite. Si tu étais si intelligent que tu le prétends, tu ne serais pas resté à la ferme durant tout ce temps. Et tu n'aurais pas laissé tous les autres mourir ; tu les aurais aidés, comme tu m'as aidé à sauver Miö et Riley.

- À ces moments-là, j'étais seul, j'aurais réussi en rien.

Je hochai la tête, à bout de nerfs. Malheureusement, il m'avait bouché là-dessus.

- Tout ce que je veux, c'est que t'arrêtes de crier. OK ?

- Oui, oui, soupira Léo. J'arrête de crier.

Ça calma ses ardeurs pour le reste de l'heure, où il resta sagement à ma droite, à marcher dans le désert. Il avait essayé de se plaindre, comme quoi le sable était trop chaud au pied, qu'il en avait marre de marcher, mais je l'avais remis à sa place vite fait. Arrivé à mon village, je fis un stop dans ma chambre pour récupérer quelques rares effets personnels, car il était bien possible que je ne reviendrais jamais plus ici, puis continuai pour un autre deux heures de marches vers Digora.

Miö (En Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant