Chapitre 78

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Après que Télio m'eut donné sa combinaison, il me montra où il avait trouvé le buisson de baie, qui était assez loin du village, à un peu plus d'une demi-heure de vol. J'avais mangé au point de dénudé complètement le buisson, puis, rassasié, m'était couché dans l'herbe et m'était endormie. Télio, qui avait eu son quota de bonnes actions de la journée, me réveilla d'un coup de pied dans les côtes.

- Réveille-toi, on n'a pas que ça à faire, dit Télio. Faut encore partager mon plan avec grand-chef Simmer, il va en faire une réunion avec tous les autres clones et après il faudra encore répéter le tout aux autres habitants du village... ça va prendre tout ce qui reste de la journée pour expliquer un plan qui prend deux minutes à raconter.

Je marmonnai une réponse, puis tendis la main pour que Télio m'aide à me relever.

- On peut pas attendre demain ?

- T'as vidé le buisson, alors non, je crois pas.

Télio s'envola pour retourner au village et je le suivis, soupirant. Une autre demi-heure plus tard, les prémonitions de Télio furent fondées ; Simmer voulut que Télio répète son plan devant chaque clone sans exception, même Riley qui était déjà dans son lit et qu'Arthur dû trainer sur son épaule pour l'emmener au coin de réunion.

- Je suis pas d'accord, dit Albert. C'est dangereux. Ça pourrait mal tourner. Et merde, je serais le premier à me faire tuer !

- Ça serait pas plus mal, dit Aël. Moi, je suis d'accord.

- Tu cherches juste à te débarrasser de moi, dit Albert.

- Merde, je suis démasqué...

- J'ai pensé comme toi, de toute façon, dit Ulysse.

- Allons-y par vote, dit Simmer. Levez la main, ceux qui sont d'accord.

Télio et moi fûmes les premiers, rapidement seconder par Aël et Ulysse. Hadrien leva la sienne pour suivre le mouvement de ses amis. Arthur et Seth se regardèrent un long moment avant de hausser les épaules en même temps que leurs mains. Albert croisa les bras en grognant, puis leva des yeux suppliant vers Simmer qui ne s'était pas encore prononcé.

- Riley, dit Simmer. Tout le monde vote.

Sans étonner personne, Riley était appuyé contre le bras d'Arthur et s'était endormi, bavant sur son teeshirt. Arthur le secoua doucement pour le réveiller et Riley sursauta, essuyant la bave au coin de sa lèvre.

- Hein ? marmonna-t-il en regardant tout le monde. C'est fini ?

- Il faut voter, dit Arthur.

- Ah...

Heureusement, Riley s'était endormi après avoir entendu le plan de Télio, et il était inutile de répéter.

- OK, dit-il. J'y participerai pas, toute façon, mais c'est OK.

Albert grogna à nouveau, boudant dans son coin. Riley s'appuya à nouveau sur le bras d'Arthur et ferma les yeux.

- Moi aussi, je suis d'accord, dit Simmer. Mais ceux qui ne veulent pas participer (il lança un regard plein de sous-entendus en direction d'Albert) pourront rester ici. Et Riley aussi, bien sûr.

- Youpi, marmonna Riley. Je pourrais dormir.

- C'est étonnant que tu te transformes pas en paresseux, dans le fond, dit Hadrien dans un rire.

- C'est pas étonnant que toi, tu te transformes en crottin, répliqua Riley en ouvrant un œil.

- En crotale, dit Hadrien en rougissant.

Tout le monde éclata de rire, en particulier Aël qui le pointait du doigt en riant exagérément fort. Hadrien se mit à bouder lui aussi, tout autant qu'Albert.

- Et maintenant, il ne reste plus qu'à en parler aux autres, dit Simmer en se levant. Allez vous coucher, je vous ferais mon rapport demain matin.

- Ouais ! s'écria Riley. Dormir !

- Finalement, t'as vraiment l'âme d'un chat, dit Hadrien.

- Ne dis rien, dit Arthur alors que Riley ouvrait la bouche, prêt à répliquer. Pas la peine de parler à un tas de merde.

- Hé ! s'écria Hadrien.

- Je les adore, dit Télio en se penchant à mon oreille. J'ai l'air normal, à côté d'eux.

Je levai vers lui un regard ennuyé, avant de me lever et de sortir de la forêt, suivie par d'autres clones qui allaient eux aussi se coucher.

- Miö, dit Télio en me suivant. Où tu vas dormir, toi ?

- Chez Aël. Il m'a prêté le canapé.

- Il reste de la place ?

- Pas vraiment. Math dort déjà dans le fauteuil... (Je m'arrêtai de marcher pour me retourner vers Télio.) Pourquoi tu demandes ? T'as pas déjà un endroit où dormir ?

- Si, bien sûr, je demandai comme ça. (Télio grimaça, avant de secouer la tête.) Nah, en fait, j'ai nulle part où aller.

- Mais... Tu as dormi où, la nuit dernière ?

- Dans le parc, avoua Télio en baissant la tête.

- Pourquoi ? m'étonnai-je. C'est pas les maisons qui manquent.

- Tout le monde dormait déjà...

Je soupirai et me retournai vers les quelques clones qui trainaient encore au coin de réunion.

- Quelqu'un aurait un canapé de libre pour Télio ?

- Ouais, qu'il vient chez moi, dit Arthur.

- Bah voilà, un problème réglé, dis-je en continuant mon chemin.

Je sortis de la forêt et m'avançai vers la maison que partageaient Aël et Hadrien. Math y était surement déjà et, en mon absence, il aura pris le canapé. Je serais obligé de dormir dans le fauteuil, mais puisqu'il y avait déjà dormi la veille, c'était probablement ce qu'il y avait de mieux à faire.

- Miö.

Je me tournai à nouveau vers Télio, ennuyé. Je n'avais qu'une envie, sur le moment ; dormir.

- Quoi ? soupirai-je.

Télio dansa d'un pied à l'autre, visiblement nerveux.

- Oh... laisse tomber... Bonne nuit.

Télio se retourna et alla vers la maison blanche de l'autre côté de la route, où habitaient Arthur et Riley. Je restai là un moment, essayant de comprendre son comportement. Il n'y a pas de raison, pensai-je finalement. C'est Télio ; il sera toujours bizarre.

Le lendemain, Simmer convoqua une nouvelle réunion, rien que pour nous donner la réponse des autres habitants du village quant au plan de Télio. Les opinions étaient très divisées, mais ils avaient fini par venir au même compromis que nous-mêmes ; ceux qui voulaient y aller, qu'ils y aillent. Les autres resteront ici. Si tout se passait bien, Télio ou moi, qui étions plus rapide que les autres puisque nous pouvions voler, reviendrions à la fin pour apporter la bonne ou la mauvaise nouvelle.

En cas de mauvaise, pensais-je tristement, personne ne se sera là pour la rapporter.

Aussitôt après la réunion, nous commençâmes à nous préparer. Mais puisque la plus grande préparation à faire était de s'assurer que nos lacets étaient bien attachés, tout fût prêt en un rien de temps. Et à midi, nous étions déjà prêts à partir.

Tous les clones étaient au début de la file, en direction de Digora, montrant le chemin aux autres habitants qui ne le connaissaient pas. Il n'y avait qu'Albert et Riley qui étaient restés au village. Pour les autres habitants, ils étaient plus nombreux que je pensais à avoir tenté l'expérience, mais c'était tout de même peu. Les enfants et les ainées étaient restés aux villages, bien sûr, mais parmi les adultes, ils ne devaient être qu'une trentaine. Ce qui voulait dire que nous étions environ quarante en tout. Une petite armée de quarante homme et femme, armés de fourche et de torche, qui partaient à la conquête de Digora, la ville fortifiée.

On va tous mourir.

Miö (En Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant