Chapitre 107

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J'avais l'impression de faire un rêve éveillé. Vous savez, le genre de rêve où on sait que rien n'est réel, qu'on sait que l'on pourrait faire tout ce qu'on veut, tourner le dos à la réalité et voir tout ce qu'on a envie de voir. Tout ce qu'on a à faire, c'est de faire un pas en dehors du rêve, on échappe à son contrôle, et soudainement, c'est nous qui contrôlons tout. On peut rêver de nager dans le plus creux des océans, voler plus haut que les nuages, plus hauts encore que les étoiles, être le héros pour la personne qu'on aime.

Mais c'était le genre de rêve éveillé où, alors même que nous avons conscience de tout ce qui se passe et que rien n'a d'importance, j'étais incapable de faire ce pas en dehors du rêve. J'étais incapable de détourner les yeux du cauchemar que j'étais en train de vivre.

Je n'étais pas le héros de l'histoire. J'étais le super-méchant. Je n'étais plus Batman, mais bien le Joker.

Dès que le contrôle m'avait échappé à mon propre corps, je n'avais plus eu qu'une seule idée en tête ; tuer les clones. Je ne voulais pas, ils étaient comme des frères – des frères un peu bizarres, mais de la famille quand même. Pourtant, dès que Seth avait posé sa main sur mon bras, me poussant doucement pour que je retourne m'assoir, je m'étais en retour élancé vers lui pour l'attraper à la gorge avec mes deux mains, le faisant tomber au sol. J'étais penché au-dessus de lui, appuyant de toutes mes forces pour l'étrangler. Hadrien essayait de m'empêcher de faire un meurtre en tirant sur mon bras, mais il n'avait que treize ans, il était moins fort que moi. Un peu plus loin, Simmer tentait de sauver Albert qui subissait la même chose de la part d'Arthur.

Seth essayait de me donner des coups de pieds, mais je ne bronchai pas, j'étais incapable de desserrer mes mains de son cou. Hadrien pleurait, me suppliant d'arrêter. D'autres clones, un peu plus loin, hurlaient.

Du coin de l'œil, je vis un loup sauter sur le dos d'Arthur et le mordre à l'épaule pour lui faire lâcher prise. Malgré le sang qui goutait, son bras droit maintenant invalide, il continuait toujours de serrer le cou d'Albert avec sa main gauche. Arthur n'avait toujours aucune expression au visage, la douleur lui passant loin au-dessus de la tête. Albert réussit tout de même à se déprendre de la poigne d'Arthur, mais il manquait de souffle et il ne sut que s'éloigner un peu avant de se laisser tomber au sol, les deux mains sur la gorge. Simmer s'élança pour mordre Arthur à son autre épaule.

Je reportai mon attention à Seth, dont le visage était d'un joli rouge violacé, les yeux injectés de sang et brouillés de larmes. Puis, je sentis quelque chose à la jambe, une douleur brulante, comme du feu liquide dans mes veines, qui réussit à peine à me faire grimacer. J'abandonnai Seth pour me retourner et voir, à mes côtés, un énorme serpent, les crocs plantés dans le mollet, le corps s'entortillant autour de mes jambes. Je donnai plusieurs coups de poing sur sa tête, mais il tenait bon.

- Hé, tout va bien en dessous ?!

Je levai la tête vers la trappe, qui s'était ouverte. Plusieurs gardes étaient penchés pour voir ce qui s'y passait, mais celui que je remarquai, surtout, c'était un clone. Encore une cible.

- Non ! répondit Albert. On a besoin d'aide, là... Arg !

Arthur, malgré ces deux bras en sang, s'était élancé sur lui. Le temps que je regarde ailleurs, Simmer s'élançait vers moi pour me mordre en retour, mais je me transformai pour lui échapper, et le loup fonça tête première dans le meuble qui était derrière moi. Je m'envolai et sortis par la trappe pour reprendre pied tout juste devant Télio, qui était soutenu par deux gardes. Son visage était sale, sa cheville était enflée et bleue. Dans le fond, j'étais à la fois heureux de le retrouver en vie – parce que oui, j'avais douté – et triste de le voir dans cet état. Il avait dû passer la nuit à dormir dans la forêt. En surface, je ne pensais qu'à lui donner un coup de poing au visage et un coup de pied à la cheville. Avant que les gardes ne pensent à m'attraper, je me transformai à nouveau pour survoler la pièce, où une bonne partie des gardes, et même Tom, avaient les yeux rivés sur moi.

Je trouvai ce que je cherchai sans même savoir que je le cherchai ; une arme. Tom était derrière son bureau, la main sur la poignée d'un tiroir, qui était en partie ouvert. À l'intérieur, un couteau. C'était le même couteau qui avait servi à tuer le premier roi, la raison de tous les problèmes qui nous étaient tombés dessus par la suite.

Je me transformai, attrapai le couteau et courus jusqu'à Télio, qui était étendu au sol, incapable de rester debout avec sa cheville. Je levai le couteau bien haut, alors que je luttais de toutes mes forces contre cette envie, mais j'étais incapable de résister. J'abaissai le couteau de toutes mes forces en direction de la poitrine de Télio.

Une main apparut juste à temps pour m'attraper le bras, alors qu'il ne restait plus que quelques centimètres entre la pointe de la lame et le cœur de Télio. Le garde m'arracha le couteau des mains et me repoussa avec force, et je trébuchai pour tomber dans l'ouverture de la trappe et atterrir dos au sol, deux mètres plus bas. Ma tête frappa violemment le sol, et le choc me coupa le souffle. Des clones se précipitèrent vers moi pour me plaquer au sol, mais même sans eux, je n'avais plus l'intention de bouger. Le choc m'avait remis les idées en place.

Je clignai des yeux à plusieurs reprises pour bien voir qui était devant moi ; Simmer et Hadrien. Hadrien me tenait un bras avec force alors que Simmer s'était carrément assis sur ma poitrine.

- Miö ? dit-il en remarquant que je ne tentais rien. C'est bien toi, là ?

J'essayai de répondre oui, mais la douleur de tous les coups que je m'étais pris me revint d'un coup ; le mollet en feu après la morsure d'Hadrien, les jambes engourdies quand il les a serrées entre ses anneaux.

Mon cerveau tournait au ralenti.

- C'était pas moi, murmurai-je difficilement.

- On te croit.

Je tournai la tête pour voir où en était Arthur ; il était toujours possédé – appelons-le comme ça, c'était vraiment l'impression que ça m'avait donnée – mais avec les deux épaules déboitées, il n'arrivait plus à rien. Seth et Albert, qui avaient tous les deux le visage bien rouge après s'être fait étrangler, n'avaient aucune difficulté à le retenir assis sur le canapé.

Alors que je me disais que, après tout, tout est bien qui fini bien, les bruits de ce qui se passait en haut m'arriva aux oreilles, et je me redressai, au du moins j'essayai, mais Simmer me repoussa aussitôt pour que je reste coucher.

- Arrête, lâche-moi, dis-je, la voix aussi engourdie que le reste de mon corps. C'est pas fini.

Je levai un doigt au ciel et Simmer leva la tête pour regarder par l'ouverture de la trappe. Des gardes hurlaient toujours, j'entendis même un coup de feu qui me fit sursauter violemment. Simmer reporta son attention sur moi, comme pour évaluer les chances que je replonge dans une folie meurtrière, puis se leva pour monter la trappe au plus vite. Je me transformai pour monter plus rapidement, et aussitôt les deux pieds au sol, un garde se précipita pour m'attraper par la gorge et me plaquer au mur.

- C'était pas moi, gémis-je en fermant les yeux.

Le garde me plaqua encore plus durement contre le mur, me faisant suffoquer. J'ouvris les yeux, deux larmes tombant de chaque côté. J'arrivai à peine à tenir debout, j'avais mal aux jambes et à la tête. S'il fallait que je me fasse étrangler en plus...

La gorge complètement écrasée, je n'arrivai plus à parler, à peine si j'arrivai à respirer. Je levai faiblement un doigt pour pointer derrière le garde, mais il ne faisait pas attention à mes mains, il avait les yeux plantés dans les miens. Il était persuadé que j'étais celui à surveiller, alors que, comme on dit dans les films d'horreur, le méchant est derrière.

Léo était arrivé au milieu de ma tentative de meurtre, c'était à peine si les autres lui avaient prêté attention. Pendant que les gardes se démenaient pour me contrôler, protéger le roi qui ne savait plus où mener de la tête, tous les clones qui tentaient de s'échapper par la trappe, Léo avait su se faufiler jusqu'à Télio et jusqu'au couteau.

Quand les gardes se rendirent enfin compte de ce qui se passait, il était déjà trop tard.

C'était peut-être le choc, peut-être le fait qu'on m'étranglait depuis un bon moment, peut-être était-ce aussi le venin d'Hadrien qui faisait son effet. Dans tous les cas, c'était exactement à ce moment-là que je perdis connaissance.

Miö (En Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant