Télio
Pendant ce temps...Je regardai par la fenêtre la tempête qui s'était levée en tout juste quelques minutes. Les gouttes de pluie semblaient avoir une légère teinte de jaune ; on aurait plutôt dit du jus de citron à de l'eau. Je connaissais ces pluies, produits de la pollution, et se retrouver dessous n'était pas très, très agréable. Et je me sentais mal à savoir que Miö y était à cause de moi.
Si ça n'avait pas été de cette tempête, je crois que je me serais laissé avoir. Je me serais transformé et je serais parti chez moi. Mais sous l'orage et la pluie acide, c'était hors de question. Je me serais fait griller comme un poulet si j'avais pris de l'altitude, et ma chair aurait fondu sur place avec cette acidité.
J'avais bien un peu de compassion pour Miö, mais pas au point de me sacrifier pour lui. C'était lui ou moi sous la tempête, j'avais choisi lui. Est-ce qu'il allait vraiment mourir, dehors ? J'espérais que non. Mais j'espérais surtout qu'il ne prendrait pas de décisions stupides, comme s'envoler. Je n'étais jamais allé à l'école, en dehors de cette semaine dans la peau de Miö, mais je savais que les éclairs étaient naturellement attirés par ce qui était le plus près d'eux, donc ce qui était le plus haut. Et aussi, pour les mêmes raisons, qu'il ne fallait pas se cacher sous un arbre. C'est ce que ma tante m'avait répété plus souvent que nécessaire.
Et s'il mourait vraiment ? Je ferais avec.
— Miö, viens là.
Je tournai le dos à la fenêtre à contrecœur pour faire face à Cynthia, ma nouvelle mère. Elle était tendue, bien droite sur sa chaise, tenant ses cartes à deux mains. Je pris une grande inspiration, puis allai m'asseoir en face d'elle et reprit la partie que nous avions commencée avant l'interruption à la lueur des bougies.
— Tu m'avais dit que l'autre était déjà reparti chez lui.
Je pris le temps de jouer avant de répondre, profitant du moment pour chercher quelque chose de crédible à raconter. Je savais bien que Miö était toujours ici, dans cette chambre d'hôpital. Je savais que j'aurais dû faire quelque chose plus tôt pour éviter qu'il ne débarque comme il venait de le faire. Mais quoi ? Aller directement le tuer, lui et son médecin, et cacher leur corps au milieu de la forêt ? Je les avais déjà enfermées dans les toilettes, et ç'avait été une assez grosse décision à prendre. Surtout que le docteur, lui, était bel et bien mort par ma faute.
— Je le croyais, dis-je en levant enfin les yeux vers Cynthia. Mais je suppose qu'il est revenu.
— Il est insistant. Qu'est-ce qu'il y a de si mal, chez lui, pour vouloir échanger avec toi ?
Je baissai la tête, me sentant peut-être un peu trop visé. Il fallait que je parle et agisse comme si j'étais Miö et personne d'autre, mais l'envie de répondre à cette question avec sincérité était plus forte que moi.
— Parce que la vie dans son village ne vaut pas de la merde, et il en a ras le cul. Tout le monde est toujours malade, sa mère surtout, elle attrape tellement n'importe quoi qu'il a peur d'entrer dans la même pièce qu'elle, même quand elle va bien. Il en a marre, de toutes ces malformations... tous ces trucs qui ne sont pas naturels du tout. Il veut une vie avec un minimum de sécurité, où il n'a pas à craindre que n'importe qui puisse lui refiler n'importe quoi.
Cynthia hocha lentement la tête, jouant son tour avant de répondre :
— Tu sembles bien le comprendre.
— Il m'a déjà emmené chez lui, deux jours. Je sais pas si c'est ce qu'il pense vraiment, mais à sa place, moi, ce serait ça. J'ai bien contracté la grippe, du coup. Une chance que je guéris vite. Mais Jeremy l'a attrapé et ça l'a tué.
Je pris une grande inspiration, faisant comme si j'en avais quelque chose à foutre. Ce Jeremy avait bien cherché ce qui lui était arrivé, quand il avait essayé de me défoncer le portrait.
— Tu sais ce que ça veut dire, si Jeremy est mort, hein ? dit Cynthia en se mordant la lèvre.
— Non, quoi ?
— Eh bien...
Cynthia prit un moment pour trouver les bons mots, me lançant un petit regard en coin. Je sentis que j'avais merdé ; Miö aurait dû connaitre la réponse à cette question.
— Ils vont choisir un nouveau docteur, dit-elle enfin.
Je hochai la tête, sans insister. Pourquoi me dévisageait-elle comme ça ? En quoi ça me concernait, qu'il y ait un nouveau docteur ?
Cynthia posa sa main sur la mienne, me regardant droit dans les yeux. J'apercevais la compassion dans ses yeux, la tristesse, toutes ces choses que je ne comprenais pas. Qu'est-ce qui se passait, au juste ?
Je baissai la tête, jouant le jeu comme je le faisais si bien depuis une semaine. Je lui montrais ce qu'elle voulait voir ; la peur. Avec ce regard, j'en étais convaincu, c'était exactement ce qu'il fallait. Je frappai la table du bout de mon ongle dans une imitation de tic nerveux, poussant un long soupir tendu.
— Ça veut donc dire... murmurai-je dans un espoir que Cynthia termine la phrase pour moi.
— Les tests, dit-elle simplement.
Je hochai la tête, réfléchissant à ce que ça voulait dire. Les tests ? Test de quoi ? On allait me faire passer un contrôle ? Un test de bio ? Est-ce que c'était censé être Miö, le prochain docteur ? Merde, cette fois-ci, je ne réussirais pas. Je ne connais absolument rien sur le corps humain, en dehors des petits trucs basiques ; on réfléchit avec le cerveau, le cœur pompe le sang, on a des os, de la chair, des organes... rien de très avancé !
— Je suis pas prêt pour ça, dis-je subitement en laissant tomber mes cartes sur la table.
Je me mordis la lèvre, pestant contre moi-même. Pourquoi abandonnais-je ? Pourquoi maintenant, alors que je venais de gagner contre Miö ? Il allait peut-être mourir aujourd'hui, et j'aurais sa place pour toujours !
Je me levai d'un bon, préférant arrêter là cette conversation avant que je ne m'enfonce encore plus. Mais Cynthia se précipita pour me prendre dans ses bras, me serrant fort contre elle, une main sur mon dos et une autre dans mes cheveux.
— Tout va bien aller, mon Miö, murmura-t-elle à mon oreille. Tout va bien se passer...
Elle croyait en moi, alors que je ne savais plus du tout ce que je devais faire.
Je ressemblais comme deux gouttes d'eau à Miö. J'avais un talent inné pour mentir, et tout le monde n'avait vu que du feu à mon petit jeu. Mais cette fois, j'avais des doutes de réussir. Mais la confiance que m'accordait Cynthia me donnait du courage.
J'allais continuer jusqu'au bout, quitte à créer une toute nouvelle vie à Miö. Une toute nouvelle vie pour moi.
M'enfoncer un peu plus dans les mensonges, encore et encore, c'était la routine pour moi. Car au même moment, je m'étais rendu compte que j'avais menti en disant à Miö que je ne lui avais pas fait d'autres mensonges, en dehors de la maladie de ma mère.
J'avais oublié de lui dire que ce n'était pas vrai. À ce que j'en sais, je n'avais jamais eu de frère jumeau...
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Voilà un deuxième petit moment dans la tête du nemesis. 😜
Et parce que je vous aimes vraiment, je vous donne même une photo de Télio. 😄
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Miö (En Réécriture)
Science FictionMiö est tout sauf normal, et il en a que trop conscience. Trouvé par hasard dans une grange abandonnée à l'âge de cinq ans et à moitié mort de faim, Miö fut le sujet de test et d'expérience jusqu'à ces quinze ans. Mais pour lui, c'était carrément de...