Quelle journée ! Je m'étais réveillé à 7 heure, et pourtant, tout le monde l'était déjà. La plupart n'avait probablement pas fermé l'œil de la nuit. Les éclairs bleus avaient resurgi avant l'aube, ce qui avait angoissé tout le monde. Fort heureusement, ils s'étaient évaporés avant de nous atteindre. La fatigue se lisait sur les visages, ce qui n'arrangeait rien à l'ambiance qui pesait au sein de notre groupe. La nuit n'avait fait que répandre le doute, l'angoisse et la peur en chacun, car face à l'inconnu, l'être humain s'imagine toujours le pire. Il n'y avait qu'une seule façon de lutter efficacement contre tous ces tourments : il fallait s'activer, se reprendre en main et arrêter d'attendre sagement des secours inespérés. Il fallait que quelqu'un prenne les devants, et comme je voyais bien que personne ne voulait s'y coller, il fallait que je me porte volontaire. Je me suis donc levé et j'ai pris la parole sous le regard étonné de mes amis. Il est vrai que cela ne me correspondait pas. J'étais plutôt du style discret. Pas timide pour autant, mais observant chaque détail d'un lieu, chaque mimique d'une personne pour déceler ses attentions et agir au mieux. Pourtant, il était évident qu'à présent ce n'était plus le temps de l'observation, mais bien celui de l'action.
Autant le dire maintenant, mon discours n'avait rien de glorieux. Je portais avec difficulté ma voix face à cette attention particulière qu'on m'adressait. Je butai sur la moitié des mots et il m'était impossible de dissimuler les tremblements qui parcouraient tout mon corps. Cependant, l'idée était transmise, et c'était l'essentiel. Les secondes de silence qui suivirent mon monologue furent interminables et commencèrent à me faire douter de moi. Quand d'un coup Lucas se leva à son tour pour venir à mes côtés, puis prit la parole pour appuyer mon propos avec le charisme et l'assurance qui lui étaient propres. Si j'avais pu douter de l'efficacité de mon discours, il était évident qu'il ne pouvait en être de même pour le sien qui allait assurément rester gravé dans les mémoires. Il avait tout du général motivant ses troupes avant la bataille, et il n'avait même pas fini de parler que le résultat était déjà présent. Des enfants que je n'avais pas entendu prononcer un mot depuis hier étaient à présent debout, le poing levé à crier leurs motivations de toutes leurs forces dans la pièce. Quand il eut fini de parler, il se tourna vers moi et m'adressa un clin d'œil. Il était évident qu'il avait fait cela pour me soutenir, pourtant, je ne pouvais ignorer ce sentiment au fond de moi qu'il avait fait tout ça pour me voler la vedette, prouver encore une fois qu'il était meilleur que moi. Mise à part ça, les choses sérieuses pouvaient commencer.
Il fut décidé de répartir nos effectifs en 2 groupes : l'un, dirigé par Lucas et Zac, chargé de l'aménagement du bâtiment, et l'autre devant s'occuper de l'accueil de nouveaux arrivants, supervisé par moi et Dimitris. Pour attirer du monde, on alluma un gigantesque feu dans la cour avec toutes les chaises et tables de classe qui ne pouvaient pas nous servir. Chaque membre du groupe était positionné à un point stratégique, permettant d'avoir une vue d'ensemble de la ville et d'anticiper la venue de tout étranger. Un imposant brouillard présent depuis la tempête nous empêchait cependant de voir bien loin. Julien, un adolescent de 14 ans, avait emporté dans son sac 4 sifflets qui furent répartis au sein du groupe. Un code fut instauré : 1 sifflement pour des enfants et adolescents, 2 pour des Pustuleux (le nom choisit pour désigner les humanoïdes à la peau en lambeau) ou tout autre danger, et enfin Tim, un blondinet de 11 ans avait insisté pour en instaurer un dernier : 3 sifflements pour des adultes. Notre stratégie s'avéra plus que concluante. Des sifflements commencèrent à se faire entendre des 4 coins du bâtiment et à chaque fois je me précipitais pour accueillir les nouveaux-venus. Il en venait parfois 2 ou 3, et parfois des groupes de plus d'une dizaine ! Et après des présentations rapides, chacun se mettait au travail dans un des deux groupes. J'étais fier de moi. Le collège était devenu une véritable fourmilière. La plupart venaient avec le même regard perdu et effrayé que notre groupe affichait le matin même, mais voyant le dynamisme dont chacun faisait preuve et l'énergie qui se dégageait du bâtiment, cette lueur apeurée était remplacée par une autre plus rassurante : celle de la motivation et...de l'espoir !
La journée se déroula de cette façon sans encombre. Les deux sifflements n'avaient retenti qu'une fois. Des pustuleux s'étaient énervés contre la grille et avaient tenté de jeter des pierres sur les enfants qui se trouvaient derrière, avant de faire demi-tours, contrarié. Aucun blessé n'était à déplorer, et encore une fois, j'étais arrivé trop tard pour pouvoir les apercevoir, décidément...
Une fois la nuit tombée, nous étions passés de 14 à 33 enfants et adolescents, allant de 5 à 17 ans. Tout le monde se regroupa dans une grande salle de réunion aménagée pour pouvoir faire le point. Faire connaissance les uns avec les autres, partager nos témoignages et essayer de comprendre ensemble, tel était l'objectif de ce regroupement. Au moment de prendre la parole, tout le monde se tourna vers moi, ou vers Lucas qui était installé à côté de moi. Pourtant en me tournant vers lui, je vis qu'il me regardait également avec son sourire encourageant, impatient de savoir ce que j'allais dire. Même si mon auditoire avait plus que triplé, prendre la parole me parut bien plus simple que ce matin. Je ne butai plus sur mes mots, et mes tremblements bien que toujours présent, se faisaient moins ressentir. Après un rapide debrief, Zac dévoila les plans qu'il avait passé la journée à dessiner. Tout le monde fut surpris par le talent dont il avait fait preuve pour le concevoir. Tout était minutieusement pensé autour de 2 mots d'ordre : praticité et sécurité. La plupart des salles étaient destinées à devenir des dortoirs ou des salles de stockages à thème. Armurerie, pharmacie, bibliothèque, salon, dressing, sanitaire, lingerie... Tout y était, et il ne cachait pas sa fierté devant les autres qui étaient tous emballés par ce nouveau projet d'aménagement.
À présent, il fallait absolument remplir la plupart de ces salles d'objets essentiels, ce qui signifie retourner dans les rues d'Edison. Cette idée fit paniquer l'assemblée, encore plus ceux qui étaient arrivés le jour même. Eux qui avaient passé plus de temps à l'extérieur savaient quels dangers ce nouveau monde abritait, et les témoignages qu'ils nous avaient partagé m'avaient fait prendre conscience que la situation était bien pire que ce que j'imaginais. Certains avaient vécu des instants traumatisants, et leur demander de retourner dehors était insensé ! Pourtant cette expédition était nécessaire, et tout le monde s'en rendit compte quand la faim commença à se faire ressentir, et que vint le moment de dormir à même le sol pour ceux qui n'avaient pas eu la présence d'esprit d'emporter un duvet avec eux.
Il doit être actuellement proche de 2 heures du matin. J'ai parlé pendant plus d'une heure avec Dimitris avant qu'il ne s'endorme. Lucas est resté avec son petit frère et ses sœurs, quant à Zac, il s'est enfermé chez la gardienne pour pouvoir profiter de son lit. Dès que cette idée lui avait traversé l'esprit, il s'était précipité dans l'appartement de la gardienne qui est également à l'intérieur des grilles, et nous narguait depuis la fenêtre. Certains ont promis de lui faire la peau le lendemain. Nous avions tous besoin de rire un bon coup et cette scène plus que comique avait fait du bien à tout le monde, moi le premier !
Rire...C'estcurieux, j'ai le sentiment que je ne suis pas près d'écrire à nouveau ce motdans mon journal...
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Autre Monde - Journal d'un long marcheur
FanfictionLa grande tempête a frappé. D'étranges éclairs bleus ont emporté les adultes, ainsi que toutes traces de technologies. Les enfants, désormais seuls dans ce monde où la nature semble avoir repris ses droits, doivent s'organiser pour survivre. Mais po...