27 janvier - Rapide bilan

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Enfin un peu de temps libre ! Même si je pense que cette pause sera de courte durée, je vais en profiter pour tenter de résumer comment les choses ont évolué depuis la nouvelle année.

Les jours s'enchaînent à une vitesse affolante. Il arrive encore que de nouveaux enfants ou adolescents se présentent devant les grilles du collège, ce qui fait que nous sommes à présent 47 à cohabiter dans l'enceinte de ces murs. Ils proviennent d'un peu partout, et apportent avec eux des nouvelles du reste du pays. Comme il fallait s'en douter, la situation est partout pareille, et des camps comme le nôtre se forment et s'organisent pour survivre face aux multiples dangers du nouveau monde. L'idée de partir découvrir et explorer les nouveautés que la tempête avait engendrées me tente plus qu'autre chose, mais j'ai bien trop à faire ici, et les témoignages des nouveaux venus sont toujours plus effrayant les uns que les autres, si bien qu'une fois arrivé au collège, plus personne ne veut en repartir. Pourtant, les vivres commencent à manquer, et de nouvelles expéditions vont bientôt être inévitables.

La comparaison à la fourmilière que j'ai pu faire quelques pages auparavant ne s'est jamais avérée aussi vraie que ces derniers jours. La végétation ne cesse de se développer, et l'empêcher d'envahir le bâtiment est un véritable défi prenant plusieurs heures par jour. Les tâches à effectuer quotidiennement, bien qu'indispensable, sont nombreuses et usantes, et trouver un fonctionnement pour motiver chacun à les effectuer sans les bâcler devint rapidement une priorité.

Pour se faire, nous avons ouvert une salle à lot. A l'intérieur se trouve de nombreux objets ramenés de l'extérieur, tous associés à un nombre de point précis, représentant leurs valeurs. De l'instrument de musique à des sachets de bonbons, il y a de tout dans cette salle. Si une personne désire un objet, elle doit payer le nombre de point indiquées. Pour gagner des points, il suffit de travailler. Le nombre de point obtenu dépend de la durée et de la difficulté de la tâche effectuée. Chacun peut alors accumuler des points pour viser les objets qu'il convoite. Ce système fonctionne plutôt bien jusqu'à présent, surtout auprès des plus jeunes qui voient tout ça comme un jeu ou une compétition. Mais personne ne se voile la face sur le côté extrêmement bancal de ce système. Tout cela ne peut être que provisoire, d'autant plus que la fiche indiquant le nombre de points de chacun a fait l'objet d'une tentative de vol, et qu'une forme de "racket" est soupçonnée, les trois plus grands obligeant des plus jeunes à dépenser leurs propres points pour leur ramener des objets qu'eux même convoitent. Même si nous n'avons pas de preuve concrète, il est clair qu'ils testent nos limites, et qu'un jour ou l'autre, je devrais m'opposer fermement à eux.

A côté de ça, toutes les autres pièces importantes sont quasiment terminées ! La bibliothèque connaît un franc succès, chaque cheval des écuries a trouvé une personne pour s'occuper de lui, et la salle de la pharmacie fût surnommée la salle "TEMOIN", un mot composé de la première lettre des prénoms de ceux qui ont donné leurs vies pour qu'elle puisse ouvrir. Cette idée est venue d'une petite fille de notre groupe, et j'avais trouvé ça très beau. C'est Marianne, l'ancienne copine d'Olivier qui s'occupe de cette pièce, affirmant que de cette façon, elle se sent encore un petit peu proche de lui...Chacun soigne ses peines à sa façon après tout.

L'armurerie ainsi que les leçons données par moi-même, Loïc un ancien archer et Lucas, sont le point fort de notre petite forteresse. A ce propos, je n'avais jamais eu l'occasion de voir Lucas combattre avec une arme blanche, alors ma surprise fut encore plus grande quand je découvris sa maîtrise pour le double poing américain, qui est autant, si ce n'est pas plus grande, que la mienne pour la lance. Agile, rapide, adroit...Les coups qu'il porte sont plus meurtriers les uns que les autres. Visant les points vitaux avec une précision déconcertante, il est clair que personne ici ne peut rivaliser avec lui au corps-à-corps, et les mannequins d'entraînement qu'il réduit en lambeau en sont la preuve formelle.

Pour ce qui est du sujet des Français, rien d'important à signaler non plus. Leur organisation s'est améliorée avec le temps, et fonctionne à présent bien mieux que la nôtre, cela étant dû au fait qu'ils sont moins nombreux, et qu'ils se connaissaient déjà tous avant la tempête. Comme prévu, un ambassadeur a été désigné. Il s'agit de Sam, un des adolescents de notre âge qui fait partis des plus courageux, parlant à la fois l'anglais et le français. C'était le candidat idéal. De plus, faire des allers-retours dans les rues de la ville plus d'une fois par semaine ne lui faisait pas peur du tout.

Pour ma part, une petite routine s'est mise en place dans mes journées. J'effectue tôt le matin les tâches qui me sont assignées, je donne mes cours si j'en ai, puis durant mon temps libre, je lis à la bibliothèque ou reçois des leçons d'équitation. Mes débuts dans ce nouveau domaine sont désastreux, mais petit à petit, j'apprends à me débrouiller et à sauter de petits obstacles de temps à autre. Les chutes sont cependant rudes, et même si je prends soin de faire mon injection avant chaque début de cours, je vois mon stock de médicaments s'amoindrir et cela m'effraye plus qu'autre chose. Que faire ensuite ? Ce médicament est rare, et le seul endroit susceptible d'en contenir est l'hôpital pédiatrique où les médecins ont tenté de me séquestrer quand j'étais tout jeune. Mais il se trouve déjà à plusieurs heures de route en voiture dans mon souvenir, alors je n'imagine même pas aujourd'hui. D'autant plus que je n'ai aucune envie d'y retourner, la vision de tous ces enfants faibles et malades m'est insupportable, et j'ai toujours refusé d'accepter le fait que je puisse être assimilé à eux. Les pauvres n'ont pas dû avoir beaucoup de chance après la tempête...

En fin de journée, je siège au conseil du soir, qui fait un bilan de la journée, et traite des plaintes et des remarques de chacun pour tenter d'améliorer au mieux la situation. Mais ce qui m'intéresse vraiment durant ces réunions, c'est la collecte de témoignages concernant le monde extérieur. Ces témoignages viennent des nouveaux arrivants, des Français ou même des personnes effectuant des tours de garde, et qui observent du mouvement dans la ville. D'une nouvelle créature à une plante inconnue apparue au lendemain de la tempête, tout m'intéresse ! Et contrairement à d'autres, je crois bien que cet autre monde me fascine plus qu'il m'effraye.

Autre Monde - Journal d'un long marcheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant