Le moment tant attendu venait d'arriver ; celui de la guerre, celui de la vengeance. Une grande partie des troupes de la première armée s'était déjà rendue en territoire pan, et aujourd'hui, c'était à mon tour de prendre les armes. Familiarisé aux rudiments des arts militaires, le groupe dont je faisais partie, se composait de cinquante-cinq cyniques, attendant bien en rang qu'un feu vert leur soit donné. De part et d'autre du bataillon, je percevais des regards insistants à mon égard, dont je préférais ne pas m'accommoder. Car oui, si l'imminence du conflit avait grandement joué en ma faveur, je restais aux yeux de beaucoup l'un des principaux suspects dans l'affaire du meurtre du général en chef Isaac. Ma version des faits était celle-là : en allant récupérer mon sac à la prison, je suis tombé dans une embuscade de Killian et Melvin, voulant délivrer une prisonnière. Isaac, les ayant vu s'engouffrer dans les égouts, les avait poursuivis jusqu'à finalement se faire attaquer dans le dos par l'un des deux déserteurs, après en avoir abattu un. Grâce à mon altération, je pus me rétablir et les poursuivre jusqu'aux écuries, là où je vengeai la mort de mon chef en ruant de coup le dernier fuyard in extremis.
J'avais joué gros sur ce mensonge, mais beaucoup de témoignages, comme le fait que Killian et Melvin étaient d'ancien amis, et qu'étant un proche d'Isaac, je n'avais aucun motif pour l'avoir assassiné, faisaient sens à mes propos. Pour couronner le tout, le vieux cynique des cachots affirma avoir somnolé à poings fermés, n'apportant de ce fait aucune aide à l'affaire, qui fut très vite classée.
Bien plus important occupait les esprits aussi. Équipés jusqu'aux dents, prêts à en découdre avec ceux qu'ils considéraient comme « le fruit de leurs péchés », notre escouade s'éloigna des murailles de Babylone, en direction de la Passe des Loups.
Une longue marche monotone nous attendait. Pendant plusieurs jours, seul le martèlement de nos pas sur le sol, et les cliquetis métalliques de nos armures, rythmaient notre cadence. Durant les bivouacs, isolé des autres me fuyant comme la peste, je pouvais, si je prêtais un minimum attention à mon environnement, ressentir la présence d'Olie non loin de moi. Plus impatient que jamais, il n'avait qu'une hâte : que mon mental se brise. Que je relâche mes défenses internes, et qu'il puisse s'immiscer en moi. Il était resté bien trop longtemps tapis dans l'ombre, son désir de prendre le contrôle l'obstinait. Avec ce conflit, il touchait au but, il en était convaincu. Cependant, je n'allais pas lui offrir l'opportunité qu'il convoitait. Je m'étais conditionné à tuer des pans, à répandre le sang au nom d'une injustice irréparable.
De toute façon, la partie était jouée d'avance. Nous étions plus nombreux, et, mieux équipée, l'armée de Malronce surpassait celle d'Eden dans tous les domaines. Les gloutons s'étaient même alliés à nous, et en tendant l'oreille, j'entendis également parler d'indénombrables rôdeurs nocturnes capturés, prêt à être relâché sur le champ de bataille. Cette « guerre », n'allait plus tarder à tourner en génocide, ce qui n'était pas pour me déplaire.
Au bout de ce qui me parut être une éternité, les contours imposants de la forteresse se profilèrent enfin à l'horizon, et les sentinelles nous ouvrirent la voie vers le territoire ennemi. Notre avancée reprit de plus belle, toujours dans une monotonie accablante. Ce n'est qu'à quelques jours de notre objectif, dans une forêt au Sud-Est d'Eden, que les événements prirent une tournure inattendue.
Tandis que mes pensées se tournaient vers une profonde envie de m'assoupir au plus vite, je fus extirpé de mes songes par l'arrêt brutal du bataillon tout entier. Dans un premier temps, ce remue-ménage ne piqua que très faiblement ma curiosité, mais lorsqu'un retentissant « Eliooo ! » s'éleva au loin dans la forêt, je ne pus m'empêcher de briser les rangs pour gagner l'avant du régiment. Mon attention se posa d'emblée sur un blondinet armé d'un katana, qui se tenait visiblement seul, face à notre groupe tout entier.
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Autre Monde - Journal d'un long marcheur
FanfictionLa grande tempête a frappé. D'étranges éclairs bleus ont emporté les adultes, ainsi que toutes traces de technologies. Les enfants, désormais seuls dans ce monde où la nature semble avoir repris ses droits, doivent s'organiser pour survivre. Mais po...