31 décembre - Un vieil ami

78 16 16
                                    

— Comment as-tu pu être aussi stupide ? Alors ça y est, il suffit qu'une trentaine de personnes te considèrent comme leur chef pour que tu te sentes invincible ? Mais tu n'as rien d'un héros Elio. Dans l'ancien monde tu n'étais pas loin d'être un infirme, pour quelles raisons cela aurait-il changé maintenant ?

— La ferme Olie. J'ai agi selon ce que ma conscience me dictait de faire ! Je n'aurai jamais pu retrouver le sommeil sans ça.

— Tu as été pitoyable, rien de plus. Si tout le monde apprend ce qu'il s'est réellement passé, plus personne ne te respectera.

— L'expérience du réel. J'ai simplement oublié de prendre en compte cet élément. La réalité n'a rien de comparable à la fiction, et il me faut maintenant du temps pour bien m'en rendre compte, pour m'adapter.

— Appelle ça comme tu veux, mais tout ce que j'ai vu c'est que face à ces monstres répugnants, tu t'es figé de peur. Paralysé de la tête aux pieds, dans l'incapacité de soulever ta lance face à toi, avant de te mettre à trembler comme à ton habitude. Quel perdant !

— Ils étaient bien plus nombreux que prévu ! Mais il fallait tout de même du courage pour quitter le collège comme je l'ai fait, et aller les retrouver dans la ville, au milieu de cette végétation sauvage et hostile.

— Je qualifierai plutôt ça d'inconscience. Et puis, c'est vrai qu'il t'a fallu beaucoup de courage pour fuir comme tu l'as fait alors qu'ils t'avaient à peine repéré.

— Je n'avais pas le choix ! J'ai quand même réussi à leur échapper et à m'installer dans ce gymnase pour le reste de la nuit.

— En même temps à la vitesse où ils allaient... Et tu penses que tu t'en serais sorti s'il n'avait pas débarqué ?

— Tais-toi, je refuse de parler de ça.

— Mais aller, vas-y ! Dis-le à ton cher journal que c'est l'arrivée de « papa Lucas » qui t'a tiré d'affaire ! Que Dimitris avait vu ton départ et l'avait prévenu, qu'il avait enfilé sa veste et qu'il était parti te chercher, pendant que tu étais totalement perdu et désorienté dans cette nuit noire.

— ... Et il m'a engueulé comme on engueule un gamin qui a fait une bêtise.

— Tu vois qu'on arrive toujours à se mettre d'accord. C'est la dernière fois qu'il te sauve compris ? Tu n'as besoin que de moi, et de personne d'autre.

— Hors de question, ma mère n'a pas payé toutes ces heures de psychiatrie pour que tu refasses surface maintenant. Qu'est-ce que tu veux ?

— Arrête, pas avec moi... Je suis arrivé dans ta vie durant tes plus grands moments de solitude. Quand tu voyais tous les autres enfants partir jouer au Foot ou bien au Basketball, pendant que toi tu étais enfermé dans ta chambre, ou en train de moisir dans un hôpital loin de tout, simplement à cause de ta maladie. J'étais bien plus qu'un simple ami imaginaire pour toi, tu avais besoin de moi ! Tu étais plus seul que jamais, et les gens commençaient à oublier ton existence. Pauvre petit Elio, un enfant si vivant, avec tellement d'amour et d'énergie à revendre au monde entier, se retrouvant dans cette situation... On peut dire que tout cela ne t'a pas bien réussi. Au final, même si ta mère s'est vite rendu compte que tu commençais à parler tout seul, et qu'on a pu te prendre en charge rapidement, tu n'es pas sorti indemne de cette aventure. Quelque chose en toi s'est brisé à tout jamais. Tu as fini par accepter ton triste sort, en te disant que si cette société ne voulait pas de toi, alors tu n'en voudrais pas non plus. Cela ne sert plus à rien de vouloir faire machine arrière, même si tu refuses de l'admettre, tu t'es habitué à cette solitude. Un solitaire, un reclus, un misanthrope... Voilà ce que tu es réellement !

— C'EST FAUX ! Et de toute façon je suis libre maintenant, d'accord ?! J'accomplis enfin quelque chose ! C'est fini tout ça, il y a des gens qui croient enfin en moi, et je suis avec mes amis.

— Tes amis ? Ne sois pas ridicule. Tu qualifies d'admiration ce qui n'est que pure haine et jalousie à l'égard de ton meilleur ami Lucas. Quant au reste, où vas-tu tous les mener, hein ? Tu n'en as aucune idée. A vrai dire, tu ne préfères même pas y penser, car avoir des responsabilités, être un exemple, décevoir les autres... Tout ça te terrifie ! C'est pour ça que je suis à nouveau là, moi, Olie, ton seul et unique véritable ami de toujours. C'est toi qui, inconsciemment, m'as rappelé. On était si bien dans ce gymnase, seul, loin de tout... Tu n'aurais pas dû revenir, tu aurais dû te barrer, loin ! Prendre ton envol comme tu en as toujours rêvé ! Cette tempête est la chance d'un nouveau départ pour nous que tu gâches en restant ici.

— Je te déteste, tu n'existes pas, d'accord ? Tu n'existes pas ! Tu ne m'as jamais servi à rien d'autre qu'à devenir fou. Regarde-moi ! Seul dans cette pièce, à parler avec toi au travers de ce stupide journal !

— Non, tu n'es pas fou. C'est ce monde qui est devenu fou, et moi je t'empêche de sombrer avec lui.

— Ça suffit avec tes belles paroles. Je ne veux plus avoir à faire à toi. Tout ce qui vient de se passer n'a eu heureusement aucune conséquence, et il a suffi de dire que j'étais sorti voir les français pour que personne ne se pose de questions.

— Peut-être mais toi, tu sais ce qui s'est réellement passé, et tu ne peux pas te voiler la face... Et Lucas non plus. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'il ne révèle la vérité, et que tout le monde comprenne que dans cette histoire, ce n'est pas toi le véritable héros, c'est lui.

— Lucas ne ferait jamais ça, arrête d'essayer de me monter contre lui... J'ai besoin de sommeil, je perds suffisamment la tête avec toi comme ça. Alors peut-être que tu as raison, que je n'ai pas encore trouvé ma place dans ce nouveau monde, mais ce qui est sûr c'est qu'elle ne sera pas à tes côtés. Tu appartiens à un passé dont je refuse de me rappeler. Cette conversation n'aurait jamais dû exister, maintenant va-t'en, et ne reviens jamais.

Autre Monde - Journal d'un long marcheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant