Autre Monde - Journal d'un long marcheur

25 Juillet - Libération

Les ténèbres m'envahissaient. Il m'était impossible de savoir où je me trouvais, ni même ce que je faisais là. L'espace et le temps paraissaient être mis entre parenthèses, en ce lieu irréel, semblable aux abîmes d'un monde à part. Aucun bruit, ni même mon propre souffle, n'était perceptible dans ce vide infini. J'eus l'envie de me déplacer pour en explorer son étendue, mais je me rendis rapidement compte que je ne pouvais me mouvoir à mon aise : je n'étais qu'un regard extérieur, un simple spectateur. Tout était flou, difforme dans mon esprit. Les choses ne me semblaient pas être à leur place, je n'avais plus aucun repère. Et là, au loin, émanant de la noirceur qui régnait en ce lieu, une voix s'éleva péniblement. Semblant se frayer un chemin dans les méandres de l'obscurité, elle me parvint comme si c'était justement moi qu'elle cherchait.

– Elio... à l'aide... je t'en prie, au secours !

La voix était tremblante, et emplie d'une grande détresse. Cet appel à l'aide n'était pas sans raison, un drame terrible avait dû se produire. Mais, ce qui retint mon attention fut la tonalité, l'accent, et la teinte de cette voix, qui collait parfaitement bien avec celle de la fille ayant contemplé des heures durant les étoiles, allongée à mes côtés. De plus, la façon dont ces supplications me parvenaient, n'étaient pas sans rappeler son altération. Aucun doute à avoir, c'était bien Lou qui cherchait, au travers de ce plan immatériel, à rentrer en contact avec moi.

– Elio, Elio, ELIO !

Sa voix continua à résonner en moi, avant de progressivement muer vers un tout autre timbre, bien plus grave, et plus austère. Mes yeux s'entrouvrirent enfin, accompagnés d'une grande inspiration comme si je venais de remonter à la surface après m'être noyé. La silhouette de Syrius se dessina devant moi. Penché à ma hauteur, il me secouait afin de me sortir du sommeil qui m'avait mis dans cet état.

– Youhou, on se réveille ! Me hurla-t-il au visage.

J'étais encore attaché dans cette pièce sordide, cette fois-ci recouvert de sueur, et à bout de souffle. Tout cela n'avait visiblement été qu'un mauvais rêve, pourtant, j'avais la profonde conviction que c'était plus que ça.

– Eh bien, je ne savais pas que mon retour te ferait autant d'effet, j'imagine que j'ai dû ardemment vous manquer ?

En effet, son voyage jusqu'à Eden avait duré trois jours, et pour notre plus grand bonheur, il venait tout juste de rentrer.

– Impressionnante votre capitale, j'y aurais bien séjourné quelques jours de plus, mais j'étais beaucoup trop impatient d'entamer mes nouvelles expériences sur un cobaye humain. Je me suis même fait une amie ! Elle s'appelle Louane, un long marcheur du coin, peut-être cela te dit quelque chose ?

Ce prénom m'était familier, il s'agissait du tout premier long marcheur à avoir rejoint le collège. Je ne pus m'empêcher de relever les yeux lorsque Syrius l'évoqua, ce qui ne lui échappa pas.

– C'est pas vrai, tu la connais ?! Ahahah, c'est fou comme le monde est petit ! Et bien sache que je ne l'ai pas laissée indifférente, et qu'elle ne devrait pas tarder à arriver ! Ce que j'aime le plus chez vous autres les pans, c'est que vous vous faites aveuglement confiance, c'est presque trop facile de vous attirer jusqu'ici.

C'était le diable en personne qui se tenait devant moi. La pauvre ne savait pas où elle mettait les pieds, qui sait ce qu'il pouvait bien lui réserver.

– Allez, je vous laisse, je dois me faire tout beau pour l'accueillir convenablement !

Il remonta les escaliers, nous laissant de nouveau seuls avec Khélios. À peine avait-il atteint l'étage, que je commençai à me débattre dans tous les sens.