La nuit précédant le retour du bataillon me sembla interminable, et très peu reposante. Entendre les cris de douleur des blessés, agonisant tout du long, resta une épreuve terriblement éprouvante. Mon premier réflexe en me réveillant, fut d'aller rejoindre Aaron, afin de savoir si d'autres pans étaient parvenus jusqu'à nous entre-temps, et également s'il s'était remis de ce qu'il avait traversé la veille. Mais avant d'atteindre les escaliers menant au toit du bâtiment, il me fallait traverser le hall, là où tous les blessés étaient installés. Dans un premier temps, je fus surpris du silence qui régnait en maître dans cette partie, pourtant si agitée depuis hier. Mais en m'approchant d'avantage, je ne mis pas longtemps à deviner la raison de ce calme inhabituel. La plupart des blessées avaient rendu l'âme avant que l'aube ne se lève, et une fois sur les lieux, c'est une vision d'horreur qui s'offrit à moi. Tous les trois lits, se trouvait un drap recouvrant un corps. Piller une pharmacie avait été suffisant afin de lutter contre les douleurs superficielles, mais inefficace pour ce qui était des blessures plus sérieuses. Les quelques pans se trouvant tout comme moi sur place, avaient le visage fermé. Cette fois, il était clair qu'aucun discours ne serait en mesure de changer quoi que ce soit à cette situation.
Aussi lâche fut ma réaction, je m'empressais de rejoindre ma destination, pour ne pas avoir à affronter plus longtemps cette vue, qui ne pouvait me laisser indifférent.
Ce n'est qu'une fois sur le toit, que je me rendis compte qu'Aaron ne s'y trouvait plus. Pourtant, personne ne m'avait signalé qu'il était redescendu dans une chambre au cours de la nuit. Je me mis à avancer prudemment jusqu'à son point d'observation de la veille, et c'est là, que je découvris en contre bas du bâtiment, son corps, sans vie, écrasé au sol. Encore affecté par l'enfer qu'il avait vécu, et réalisant qu'aucun autre pan de son groupe n'avait visiblement pu s'en sortir, le chef des cabanes de Princeton s'était donné la mort au cours de la nuit. La culpabilité me rongea en un éclair. J'aurais dû l'anticiper... J'aurais dû savoir que si son sourire malicieux venait à disparaître de son visage, alors ce qui l'animait n'allait pas tarder à le quitter également. Mais c'était trop tard, je ne pouvais plus que contempler le cadavre de mon compagnon, cinq mètres plus bas. C'en était trop, ce sentiment d'impuissance était insurmontable. Mon regard devint vide, inexpressif, et d'innombrables idées noires se bousculèrent alors dans ma tête, tandis que je me tenais juste au bord du précipice. J'aurais fait n'importe quoi pour que ces pensées me quittent, et je compris alors pourquoi on qualifiait le suicide de « solution de facilité ». Rien qu'un pas en avant, un pas dans le vide, c'était tout ce qui me restait à faire afin que ce cauchemar prenne fin. Sans que je m'en rende vraiment compte, mon corps se mit lentement à basculer tout seul vers l'avant. Mais avant que je ne puisse plus revenir en arrière, mon mouvement fut stoppé net par une interpellation, qui me fit immédiatement reprendre mes esprits.
– Elio!
En me retournant, je découvris Lucas, accompagné de Dimitris, puis Sam, et Noémia, ainsi qu'une grande partie des Français, et des pans du collège. Ils ne semblaient pas s'être rendu compte de ce que je m'apprêtais à faire, car tous, sans exception, me regardaient avec le même visage. Un visage sévère, qui ne demandait plus qu'une chose : Justice.
– Ils veulent savoir ce qu'on fait maintenant, continua Lucas.
Je m'étais entièrement trompé. Les cyniques n'étaient pas parvenus à éteindre cette flamme qui brûlait en chacun de nous, au contraire, ils l'avaient embrasée de plus belle, et rien ne semblait plus en mesure de pouvoir l'éteindre.
D'immenses funérailles furent organisées dans la cour du bâtiment. Les pans du collège, tout comme ceux du manoir des Français, partagèrent ensemble ce moment de deuil. C'est dans un imposant bûcher, que les corps de nos camarades disparurent, accompagnés par les pleurs de leurs proches. J'avais pour la plupart, côtoyé les personnes se trouvant dans ce brasier. À chaque instant, je revoyais des moments passés en leur compagnie. M'apparaissait alors leurs visages souriants, et je refusais que ces images d'eux soient effacées par le temps, et que leur mort soit vaine.
VOUS LISEZ
Autre Monde - Journal d'un long marcheur
FanfictionLa grande tempête a frappé. D'étranges éclairs bleus ont emporté les adultes, ainsi que toutes traces de technologies. Les enfants, désormais seuls dans ce monde où la nature semble avoir repris ses droits, doivent s'organiser pour survivre. Mais po...