Étalé au pied de son lit en forme de fusée, un Elio haut comme trois pommes, se retenait du mieux qu'il pouvait de pleurer à chaudes larmes, comme s'il subissait toute la misère du monde. Il implorait qu'on le tire de là, de sa prison camouflée derrière du papier peint coloré. Le voir... Me voir dans un tel état, me fendit le cœur.
- Tu peux pleurer, tu sais ? C'est normal vu ce qu'elle te fait subir.
Le Elio enfant sursauta en entendant cette voix, presque similaire à la sienne.
- Qui... Qui est là ? Demanda-t-il, apeuré.
Un individu de son âge sortit de la pénombre d'où il se tapissait.
- Salut, moi s'est Olie, ravi de te rencontrer.
- Qui es-tu ?
La bouche d'Olie s'ouvrit de nouveau, et je compris qu'il me fallait agir avant qu'il n'en dise davantage. Pour la première fois, je tentai de m'extirper du coin d'ombre d'où j'observai, impuissant, l'ensemble de mes autres souvenirs. Une légère résistance se présenta à moi, mais je n'eus aucun mal à l'éradiquer de ma volonté. Un mur invisible se brisa, et je pris place dans la pièce en déclarant.
- Ce n'est personne, un moins-que-rien, insignifiant. Quelqu'un dont tu n'as pas besoin, et qui ferait mieux de repartir très vite de là d'où il vient.
L'attention se tourna vers moi. À cet instant, je réalisai que physiquement, j'étais moi aussi redevenu un enfant, aux traits encore légèrement différents de ceux de mes deux autres alter egos. Le Elio enfant restait dubitatif, dépassé par les événements, tandis qu'Olie, me considérait avec une profonde rage. Nos poings se serrèrent, à mesure que la tension montait. Mes yeux fixaient les siens, soutenant le regard courroucé qu'il me lançait. Que pouvait-il faire ? Je venais de me noyer dans la Géhenne pour parvenir jusqu'ici, rien que pour lui ; plus rien n'était en mesure de me faire flancher. Très vite, il se mit à fixer le sol en signe de soumission, et disparu sans un mot dans les ténèbres. Il était vaincu. Un silence s'installa, le temps que je réalise la situation. J'avais...gagné ? Après tant d'efforts, tant de peine... J'y étais parvenu. Le soulagement qui suivit cette constatation, reste encore aujourd'hui pour moi, impossible à décrire. Seule une remarque du petit Elio me tira de ma rémission.
- À vrai dire, je m'en moquais de qui il pouvait être, tant qu'il pouvait me tenir compagnie.
Il est vrai que c'est avant tout pour me préserver d'une névrose insurmontable qu'Olie avait été créé. En l'ayant fait fuir de la sorte, je ne pouvais me permettre de laisser mon moi du passé dans un tel état. C'est alors qu'une idée qui me parut évidente me vint.
- Ne t'inquiète pas, le rassurai-je. Je suis là moi, et je le resterais pour toujours.
- Et qui es-tu toi ? Me demanda-t-il de son ton innocent.
- Moi ?
Cette question me rappela toute la souffrance que j'avais enduré, et causé durant mon existence. Façonné par Olie, composé d'amertume, de peur et de lâcheté : J'étais la pire version de moi-même. Finalement, ma réponse à cette question était toute trouvée.
- Je suis celui qu'il ne faudra jamais que tu deviennes.
Le petit Elio ne comprit pas l'exactitude de mon affirmation, mais après tout, il n'en avait que faire. Heureux d'avoir un ami, il me présenta ses dessins, et me parla inlassablement de tout et de rien. C'est alors que je compris, que je venais de prendre chez lui, la place qu'Olie occupait dans ma propre vie à moi.
Les jours, puis les semaines défilèrent, jusqu'à l'arrivée de Lucas dans sa vie. Petit à petit, Elio n'eut plus besoin de moi, et je réalisai dès lors, que ne l'ayant pas galvanisé d'idées noires, il semblait déjà différent de moi à son âge. Je lui avais fait prendre un autre chemin, loin de la jalousie que j'éprouvais pour mon meilleur ami à ce moment-là. Une voie plus sereine, plus quiète... Une autre perspective, tout simplement.
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Autre Monde - Journal d'un long marcheur
FanfictionLa grande tempête a frappé. D'étranges éclairs bleus ont emporté les adultes, ainsi que toutes traces de technologies. Les enfants, désormais seuls dans ce monde où la nature semble avoir repris ses droits, doivent s'organiser pour survivre. Mais po...