Au milieu d'une chambre d'enfant, remplie d'une multitude de jeux en tout genre, et dont les volets fermés empêchaient les rayons du soleil de s'y engouffrer, je me trouvais allongé sur mon lit en forme de fusée, occupé à dessiner du mieux que je pouvais un chevalier en armure, uniquement éclairé par le biais d'une petite lampe posée à mon chevet. Les traits du dessin n'étaient pas droits, et le coloriage, tout aussi déplorable. Du haut de mes dix ans, je n'avais pas la patience nécessaire pour m'appliquer convenablement afin de parvenir à un résultat louable, et si je m'adonnais à cette activité, c'était pour combler le temps qui passait comme toujours au ralenti dans cette cage dorée qu'était ma maison.
17 heures, l'horaire fatidique. Celui où les enfants sont enfin débarrassés de l'école, et se regroupent dans le parc situé à quelques mètres de ma demeure, pour jouer à toutes sortes d'activités sportives, sans que je ne puisse caresser l'espoir de me joindre à eux. Les entendre s'amuser jusqu'à l'égosillement resta longtemps l'un des plus grands supplices qui m'ait été infligé. Seulement, après un temps, j'avais fini par apprendre à passer outre cette envie de les rejoindre, car l'une des premières leçons que je pus tirer de cette triste existence, était qu'on finit toujours par accepter le sort qui nous est imposé, aussi déplaisant soit-il.
Mais tandis que je m'étais résolu à les ignorer, des petits bruits insistants virent me tirer de mon occupation, me poussant à entrouvrir les volets qui me privaient d'une vue sur l'extérieur. C'est là, aux abords de mon portail, que je découvris Zac, munit de petits cailloux, qu'il s'amusait à projeter sur ma fenêtre. A ses côtés, Dimitris, le petit blondinet aux joues roses de l'école, s'adressa à moi, sans cacher la joie qu'il éprouvait de me voir enfin sortir la tête de mon antre.
– Elio ! Tu viens jouer avec nous au foot ? On s'est fait un nouveau copain à l'école, il est trop sympa, je suis sûr que vous vous entendriez trop bien !
Mes yeux d'enfant s'illuminèrent à cette soudaine proposition.
– Un match de foot ?!
– Oui, reprit Zac. Et cette fois ci, ça ne sera pas comme durant nos parties de billes, je ne te laisserai pas gagner !
– Tu ne l'as jamais laissé gagner, le recadra Dimitris. Elio te bat à chaque fois.
– Bien sûr que si je le laisse tout le temps gagner, tu crois quoi !
Sans crier garde, les deux compères entrèrent dans une de leurs interminables chamailleries dont seuls eux avaient le secret. D'un œil amusé, je les regardai, tout en me faisant la remarque que nous aurions bien besoin d'une nouvelle personne dans le groupe pour parvenir à les canaliser.
– Je voudrais bien venir, mais vous connaissez ma maman...
– Et si on lui demande gentiment, proposa Dimitris, tu crois qu'elle dira encore non ?
– A qui parles-tu mon chéri ?
Tout en sursautant à l'écoute de cette soudaine interpellation, je me retournai vers ma mère, qui venait de faire irruption dans ma chambre.
– C'est Dimitris et Zac, ils veulent que je vienne faire un foot avec eux.
– Un foot ?! s'indigna-t-elle. Mais c'est dangereux comme sport, tu réalises que tu pourrais te faire très mal ?
– Je ferais attention ! S'il te plaît maman, ça commence à faire longtemps que je ne suis pas sorti, et que je n'ai pas vu mes amis...
Sans prêter la moindre attention à mes supplications, elle s'avança vers les volets, qu'elle s'empressa de refermer.
– Si tu aimes le sport, tu n'as qu'à le regarder à la télé.
Tout aussi rapidement, elle quitta la pièce en prenant bien soin de refermer la porte derrière elle, à clef cette fois-ci. De nouveau seul dans cette noirceur devenue anxiogène, un profond désir de pleurer à chaudes larmes s'empara de moi. Ce faux espoir était celui de trop, il venait de rompre quelque chose en moi, à tout jamais. Cette injustice... Je n'en pouvais plus, je le sentais, il en advenait de ma propre santé, de mon équilibre. Il fallait que cette solitude cesse, par tous les moyens, pitié... Pitié ! me répétais-je incessamment en me secouant la tête dans tous les sens.
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Autre Monde - Journal d'un long marcheur
FanficLa grande tempête a frappé. D'étranges éclairs bleus ont emporté les adultes, ainsi que toutes traces de technologies. Les enfants, désormais seuls dans ce monde où la nature semble avoir repris ses droits, doivent s'organiser pour survivre. Mais po...