28 Juillet (soir) - Le lac vitré

65 6 5
                                    

Désireux de retrouver Lou au plus vite, je hâtai le pas jusqu'à l'entrée de la ville, là où elle m'attendait depuis plus d'une vingtaine de minutes maintenant. Il nous fallait dès à présent nous laver, avant que la fraîcheur de la nuit rende cette tâche déplaisante. Une fois à sa hauteur, je la fis monter sur mon cheval, et nous partîmes en direction du lac.

Après un rapide trajet au trot, nous étions face à la lisière de la Forêt Abondante, et il ne me restait plus qu'à suivre les indications du garde pour dénicher la fameuse source d'eau. En m'enfonçant dans la végétation, je tendis l'oreille. Un léger bruit d'écoulement très reposant raisonnait dans le bois, et mon instinct me poussa à m'aventurer vers cette douce mélodie. Mon intuition était juste, car devant moi, au travers des broussailles, une clairière apparut, d'où un léger creux dans le sol, avait permis à une importante quantité d'eau de s'y engouffrer, afin de créer un lac naturel, dont la pureté de l'eau était telle qu'on avait pu me la décrire.

C'était un lieu enchanteur, tout droit sorti d'un conte de fées. L'absence d'arbre en ce point précis, permettait d'avoir une vue dégagée sur le ciel, et sur les étoiles qui le parsemaient.

Mes yeux s'illuminèrent, et je devinais que ceux de Lou en auraient fait autant, si elle avait été en mesure de réagir elle aussi.

– C'est... Magnifique. Me transmit Lou par la pensée.

Du fait de l'anneau ombilical, s'exprimer grâce à son altération était d'autant plus éprouvant, c'est pourquoi elle ne procédait de la sorte que lorsque ce qu'elle devait énoncer avait réellement de l'importance.

– Je suis bien d'accord avec toi... Allez vite, allons nous baigner avant qu'il ne fasse trop froid.

Je pris Lou dans mes bras, et commençai à m'enfoncer dans l'eau, qui m'arriva bien vite au niveau du torse. Là, je la déposai au sol, de sorte à ce qu'elle puisse à son tour recouvrir sa peau d'une eau salvatrice de la saleté nous maculant le corps et l'âme depuis bien trop longtemps maintenant.

Parcourant mes poches à la recherche des savons que l'on m'avait confié, je me figeai en voyant la silhouette de Lou face à moi, encore vêtue de ses vêtements. Une hésitation s'empara de moi, ce qui ne lui échappa pas, car tandis que je me tenais là, confus, elle m'adressa ces quelques mots.

– Tu peux... les retirer.

– T-tu es sûr ? M'affolai-je un peu.

– J'ai confiance... en toi... Elio.

Alors que l'embarras m'avait gagné presque instantanément, il disparut tout aussi vite à l'écoute de sa dernière phrase. Je n'avais aucune raison d'être gêné, Lou ne pouvait pas prendre soin d'elle avec l'anneau, c'était donc à moi de m'en charger. Si elle me faisait confiance, il n'y avait plus de honte à avoir entre nous, et surtout pas à ce niveau-là.

Respectant son souhait, je retirai délicatement le tissu délavé qui lui servait de haut, ainsi que son soutien-gorge, laissant de ce fait, apparaître tout le haut de son corps au grand air. Mon cœur battait la chamade, et je retenais à moitié ma respiration durant ce court instant, où le silence régnait en maître. Voulant tout de même lui laisser un minimum d'intimité, je me trouvais derrière elle, et ce n'est que la silhouette de son dos aux formes parfaites qui se dessinait devant moi. Une partie de son corps également, se trouvait sous la surface de l'eau, bien que cette dernière était si pure, qu'on pouvait aisément y discerner à travers.

Rapidement, elle se trouva entièrement nue devant moi. Bien qu'elle n'avait plus utilisé de son altération pour m'exprimer un autre désir, je devinais que se retrouver de la sorte dénudée, même face à une personne en qui l'on a entièrement confiance, devait se révéler terriblement délicat pour qui faisait preuve d'une once de pudeur. C'est pourquoi, pour l'accompagner dans cette épreuve, je retirai à mon tour mes vêtements.

– Ne te sens pas...obligé de-

– Je sais, la coupai-je.

A mon tour mit à nu, nous étions tous les deux dans ce lac, comme au beau milieu des étoiles. Nous n'avions désormais plus de secret l'un envers l'autre, et l'appréhension que nous pouvions ressentir, fut rapidement remplacée par un bonheur intense : celui de se retrouver aussi proche.

Je pressai le tube de shampoing, et après avoir vidé une noisette de mousse sur la paume de ma main, je l'appliquai d'un geste délicat sur le corps de Lou, qui ne put s'empêcher de frémir légèrement à ce contact. Le reste de la baignade se fit dans le silence, chacun profitant pleinement de ce moment unique. Nous étions tel un Adam et une Eve, s'aimant dans la nature, s'abandonnant dans l'amour, à quelques pas d'Eden, le paradis perdu. Des frissons nous parcouraient régulièrement le corps, accentué par la froideur du soir qui commençait doucement à tomber, signe que nous ne pouvions nous éterniser ici. J'aurais sacrifié tellement pour que cet instant ne s'arrête jamais, malheureusement, toute chose a une fin. Lorsque la saleté fut entièrement retirée de nos deux corps, et que la somptueuse beauté de ses cheveux dorés retrouvèrent de leur éclat habituel, je sortis Lou de l'eau, dans le but de la déposer sur la terre ferme. Là, je la recouvris entièrement d'une des serviettes que j'avais ramené de la ville.

– Je commence...à avoir vraiment froid. Me prévint-elle, une fois emmitouflée dans ce bout de tissu.

Son corps encore trempé, bien qu'échappant à son contrôle, commença à trembler sous l'effet de la fraîcheur du vent. Afin de la réchauffer, je la recouvris d'un mouvement ample de ma propre serviette, et la blottis contre moi. Étant légèrement plus petite, je pus placer mon menton sur le haut de son crâne, et l'entrelacer de mes bras.

– Merci...

– C'est moi qui te remercie, lui répondis-je tout en fermant les yeux, pour profiter de cet ultime moment de tendresse.

– J'ai hâte...de pouvoir...à mon tour...te prendre dans mes bras.

Chacune de ses paroles m'atteignait en plein cœur ; je ne désirais plus jamais la relâcher, toujours la sentir près de moi de la sorte, et pour cela, j'étais prêt à me battre de toutes mes forces.

Lorsqu'elle fut sèche, je la relâchai, et m'éloignais légèrement pour la contempler dans les yeux. Comme toujours, son regard était vide, inexpressif. La personne que j'aimais était bien face à moi, mais une chose nous empêchait de nous réunir pleinement. Cet obstacle, cette injustice, ce fardeau, je comptais bien m'en débarrasser au plus vite.

Autre Monde - Journal d'un long marcheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant