— Nous devons tenter de rentrer en contact avec eux !
— Pour qu'ils nous tuent à la première occasion ? Vous n'étiez pas là hier, ils ne valent pas mieux que des pustuleux !
— Il s'agissait peut-être d'un accident, ils ont pu interpréter l'arrivée brutale de Tim comme une menace !
— Non, ils l'ont froidement abattu sans la moindre hésitation, avec pour seul regret de ne pas l'avoir capturé vivant.
— Mais se sont nos parents !
— C'était !
La réunion se prolongea ainsi un long moment, jusqu'à ce qu'un vote vienne couper court au débat. Il n'y avait que 2 options envisageables : retrouver les adultes pour dialoguer et tenter d'établir une alliance avec eux, ou bien les classer dans l'interminable liste des dangers potentiels. La plupart des plus jeunes choisirent la première option, la deuxième étant pour le moment beaucoup trop dure à appréhender pour eux. Pour ma part, mon choix était déjà tout fait. Aucune alliance n'était possible. Je l'avais entendu dans la voix de leur chef, la tempête avait changé quelque chose en eux, et en avait fait des êtres froids, remplis de peur, et par conséquent de haine. Par chance, j'avais suffisamment d'influence auprès des gens siégeant ici pour que mon vote soit suivi par la majorité. Ce choix ne laissa personne de marbre, et comme pour se rassurer de cette décision, tous se tournèrent vers moi. C'était le moment d'un nouveau discours, plein d'espoir malgré toutes les horreurs qui nous arrivaient. Ils s'attachaient à mes mots comme à une corde les maintenant en haut d'un précipice. Je n'avais pas le droit à l'erreur, mais heureusement je m'étais familiarisé à cette situation, et les prises de paroles en public étaient maintenant un domaine dans lequel j'excellais ! Il faut croire qu'en moi aussi la tempête avait changé quelque chose...
— Il faut se faire une raison, le temps où les enfants se précipitaient auprès de leurs parents en quête d'un quelconque réconfort après une blessure ou une frayeur est révolu. La tempête nous a tout pris, pourquoi nous le rendre maintenant, et ce, sans même se battre ?! Cela ne ressemble pas à tout ce auquel nous avons été habitués depuis quelques mois maintenant. Nous venons tout juste de prendre nos repères dans ce monde où tout nous dépasse, alors ne nous précipitons pas. Ne commettons pas la même erreur que Tim... Prenons notre temps pour nous familiariser comme il se doit avec ce nouveau mode de vie qu'est le nôtre, et là seulement, nous pourrons essayer de comprendre.
J'étais allé droit au but, et cela avait suffi. Tout ce qu'on me demandait, c'était de re motiver les plus désemparés, et pour cela j'avais compris que plus que les mots, c'était la volonté avec laquelle je les prononçais qui faisait la différence. Mais pour cela je ne devais jamais faiblir, et qui sait combien de temps j'arriverais à tenir dans cette position qui m'était encore parfaitement inconnue quelques mois auparavant.
Puisque nous étions tous réunis et bien échauffés par ce débat, il fut décidé d'aborder un autre point important : Si nous avions pu avertir les français du danger que représentaient les adultes, qu'en était-il des autres campements d'enfants du reste du pays ? Même si nous n'en avions encore rencontré aucun autre, il était de notre devoir de les tenir informés de la situation avant qu'un nouveau drame ne se produise. Sans téléphones, ni courriers, ou mêmes pigeons voyageurs, il paraissait tout bonnement impossible d'échanger en toute sécurité, mais une idée atypique attira l'attention.
Parmi la masse de livres qui fleurissait notre bibliothèque, il y en avait un qui traitait des anciennes tribus amérindiennes, avec un chapitre entier consacré aux signaux de fumée. La personne qui avait lu le livre nous affirma qu'avec un peu d'entrainement, il serait possible de recréer des messages simples, visibles à plusieurs kilomètres à la ronde. Nous ne pouvions cependant pas mettre ce système en place depuis la cour du collège, car cela indiquerait instantanément l'emplacement de notre abri à toute personne potentiellement hostile à notre égard. Il fallait donc établir un poste avancé. Une zone dégagée dans la périphérie du collège, d'où le feux pourrait être allumé. L'opération était périlleuse, mais avec une bonne organisation, tout de même envisageable. Un adolescent émettant les signaux et quatre autres munis de sifflets à chaque extrémités de la zone, à l'affût du moindre danger. Une fois le tout mis en place, il ne resterait alors plus qu'à prier pour qu'une personne voie la fumée, comprenne qu'il s'agisse de signaux, et soit en mesure de les déchiffrer. L'opération allait se mettre en place dès demain, et alors que tous étaient en train de s'activer pour assurer son bon fonctionnement, une voix s'éleva au-dessus du brouhaha général.
— C'est ridicule, y'a aucune chance que cette idée fonctionne. Et puis même si c'est possible que quelqu'un voie le message, pourquoi risquer sa vie pour des personnes que nous ne connaissons même pas ?
C'était Melvin, l'aîné de notre groupe. Lui et ses deux amis méprisaient tout le monde ici, se sentant supérieur du fait de leurs âges et leurs carrures. Pourtant, personne n'avait oublié que c'était en pleurant de peur, et en suppliant qu'on les accueille qu'ils s'étaient présentés au collège au lendemain de la tempête. Depuis, ils n'ont toujours pas re franchit ces grilles pour se confronter à l'extérieur, alors qu'il avait été convenu que ce rôle était exclusivement réservé aux plus âgés.
— Une meilleure idée ?
— Oui. Rester bien sagement ici à continuer notre vie comme on le faisait avant.
J'allais répondre quand une voix provint de derrière moi, puis une autre, et encore une autre.
— On doit les avertir s'ils sont en dangers !
— C'est vrai, s'il y a d'autres survivants on doit s'entraider !
Voir que les enfants et les adolescents n'avaient pas perdu cette solidarité naturelle me réchauffa le cœur. Il y avait des choses que la tempête n'était pas parvenue à nous retirer, espérons que le temps et ce nouveau monde ne s'en chargeraient pas...
— Alors demain vous irez tout seuls dehors, et s'il vous arrive quelque chose, nous n'aurez qu'à faire des signaux de fumée pour appeler à l'aide, peut être que Tim viendra vous aider qui sait.
— T'en fais pas, tu n'auras qu'à rester ici à te tourner les pouces comme tu le fais si bien, ça ne nous dérange pas. On s'occupera de trouver d'autres volontaires, des plus courageux que toi ça ne devrait pas être très dur à trouver.
Sur ces mots, Melvin nous lança un regard noir et reparti avec ses deux toutous qui le suivirent comme à leur habitude. J'aurais préféré que Zac me laisse répondre, mais en voyant Lucas commencer à serrer les poings, je compris qu'il avait bien fait de couper court à la discussion. Il ne manquait plus que ça, des différents au sein même de notre groupe, tout ce dont nous avions besoin ! Mais il y avait plus important pour le moment, demain allait être une journée compliqué, et cette fois, hors de question de rallonger la liste de nos défunts.
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Autre Monde - Journal d'un long marcheur
Hayran KurguLa grande tempête a frappé. D'étranges éclairs bleus ont emporté les adultes, ainsi que toutes traces de technologies. Les enfants, désormais seuls dans ce monde où la nature semble avoir repris ses droits, doivent s'organiser pour survivre. Mais po...