De retour en ville, propre et bien habillé, j'avais un profond désir de poursuivre cette soirée jusqu'alors si parfaite, c'est pourquoi je décidai d'aller nous réserver une table au salon des souvenirs ; si le lieu était tel qu'on me l'avait décrit, la bonne humeur s'y trouvant ne pouvait que nous faire du bien.
Le bâtiment en question n'était pas dur à trouver ; c'était de lui qu'émanait une musique joyeuse et rythmée, raisonnant dans tout le quartier. Partout où j'allais, je tenais Lou par la main, car ce n'est qu'ainsi entraînée par mon mouvement, qu'elle parvenait à me suivre.
Une fois face aux portes d'entrées nous séparant du salon, je les écartai pour y découvrir juste derrière une vaste salle aménagée, avec une multitude de tables d'où de très nombreux pans jouaient aux cartes, la voix éraillée à force de rire et de chanter.
A la façon d'un western, une foule de regards intrigués se posèrent sur nous. Lou, en raison de ses yeux vides de toute émotion, ne laissait pas indifférente. Je ne cherchais cependant pas à attirer l'attention, voilà pourquoi nous nous hâtions de rejoindre un coin paisible, où nous pourrions déguster notre boisson en toute tranquillité. L'endroit était chaleureux : sur les murs avaient été placardé d'innombrables souvenirs de la vie antérieure des pans d'Eden. Si parler de son passé d'avant la tempête était devenu tabou, ici, était l'un des rares endroit où l'on pouvait encore l'évoquer en toute sérénité.
J'installai Lou sur sa chaise, et partit en direction du bar pour nous commander deux pintes de la fameuse boisson au miel dont on m'avait si longuement chanté les louanges. De retour à ma table, je dus faire boire Lou pour qu'elle puisse elle aussi profiter du goût de cette boisson, ce qui continua d'étonner les pans autour de nous. Leurs regards étaient pesants, insistants, ce qui n'était pas d'un effet des plus agréable. Mais pour moi, cela n'avait pas d'importance. Je passais sans conteste l'une des plus belles soirées de ma vie, et je n'allais pas laisser quelques curieux me la gâcher. Au bout d'une dizaine de minutes, notre petit moment de douceur fut interrompu par l'arrivée d'un des pans à notre table. Il se tenait fermement devant moi, cherchant à me dominer alors que je n'étais encore qu'assis sur ma chaise.
– Un problème ? Lui demandai-je en toute politesse.
– Je vais devoir vous demander de partir.
– Pardon ?
Sa voix manquait d'assurance, cela se ressentait. Il avait pris son courage à deux mains pour venir nous voir.
– Le salon des souvenirs est un lieu qui existe pour nous détendre, nous rappeler notre vie d'avant, afin d'oublier ne serait-ce qu'un court instant notre vie d'aujourd'hui. Et votre amie... Elle ne fait que nous rappeler tous les malheurs qui nous accablent en ce moment, et les dangers pesant sur nous. La ramener ici c'est... On ne peut la tolérer, voilà tout !
– Comment oses-tu dire ça... ?! M'indignai-je.
Le pan se mit à déglutir devant ma mine assombrie. Comme pour l'épauler, d'autres pans intervinrent à leur tour, depuis leurs tables.
– C'est vrai ça, elle n'a rien à faire ici !
– Vous n'êtes pas les bienvenus !
Leurs remarques désobligeantes me mirent hors de moi. Ne pouvant plus en supporter davantage, je serrai les poings et marmonnai quelques mots, avant de me lever brusquement pour m'adresser à toute cette assemblée.
– Si vous voulez qu'on parte d'ici... ALORS VOUS ALLEZ DEVOIR VENIR NOUS CHERCHER !
L'orchestre s'interrompit, et le silence gagna les lieux. Tous, même ceux jusqu'alors concentrés dans leurs activités, se retournèrent vers moi. Je lisais dans leurs yeux que ma colère avait quelque chose de terrifiant, et plus personne n'osa formuler une nouvelle phrase. S'ils voulaient nous chasser d'ici, alors il fallait qu'ils aillent aux bouts des choses, je les attendais de pied ferme.
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Autre Monde - Journal d'un long marcheur
FanficLa grande tempête a frappé. D'étranges éclairs bleus ont emporté les adultes, ainsi que toutes traces de technologies. Les enfants, désormais seuls dans ce monde où la nature semble avoir repris ses droits, doivent s'organiser pour survivre. Mais po...