Bonus #1 - L'étoile par dessus la forêt

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Nous étions en plein dans l'ère du chuchotement, cette période relativement courte, mais qui avait plus que jamais affecté nos esprits à tous. Son atmosphère lugubre, et son silence caractériel, relèvent désormais plus d'une forme d'accoutumance, que d'un réel supplice. En déambulant dans les couloirs du collège, pour la plupart vides et éclairés à la seule flamme d'une vieille lanterne, je ne pouvais que me remémorer non sans une légère nostalgie, l'activité et la joie de vivre, qui régissaient ces lieux fut un temps. Ces souvenirs étaient douloureux, quand je voyais ce qu'il en restait aujourd'hui. Une fois seule dans ma chambre, un élan de folie s'empara de moi. Je me mis à arracher violemment les planches de bois clouées à ma fenêtre, qui m'empêchaient d'admirer ce vaste paysage ne demandant qu' à être contemplé, voire exploré. Je ne pouvais plus supporter cet isolement.

La cime des arbres m'apparaissait au fur et à mesure que les planches cédaient sous ma frénésie. Rapidement, ce tableau aux nuances de verts, s'offrit dans son entièreté à moi. Mais parmi l'infinité de conifères qui peuplaient ces immenses forêts, mon regard se posa sur un seul d'entre eux.

Lucas, alerté par le vacarme que je venais d'opérer, fit irruption dans ma chambre en toute hâte.

— Qu'est-ce qui se passe ici ? s'écria-t-il.

Il n'obtiendra aucune réponse de ma part. Dos à lui, je me contentais de fixer en silence l'arbre en question. Lucas comprit rapidement la situation ; il fallait bien que l'un de nous finisse par craquer. Son visage s'adoucit aussitôt, et il avança à mes côtés pour profiter également de cette vue défendue, mais pourtant si agréable.

— Si l'on voit que tu désobéis à ton propre règlement, la suite des événements risque d'être compliquée à gérer, m'annonce-t-il calmement.

— Regarde le sapin sur ta droite.

Ne cherchant pas à me contrarier dans ce moment de faiblesse, il s'exécute. En plein milieu d'une forme de clairière baignant dans le soleil, se trouvait un majestueux sapin, aux épines plus verdoyantes que nul autre arbre dans les environs. Mais si l'on posait son regard suffisamment longtemps sur lui, un détail à première vue anodique, pouvait bien supporter des questionnements. Sur l'extrémité de ce colosse au manteau de jade, se trouve une étoile décorative d'une grande splendeur, colorée d'un jaune vif étincelant.

— Qu'est-ce que ça veut dire, se questionna Lucas...

Cet astre, installé au sommet du plus imposant des végétaux environnants, c'était moi qui l'avais placé là. Pour en comprendre la raison, il fallait revenir quelques mois encore en arrière, au tout début de ce cauchemar sans fin.

Suite à la tempête, alors que nous venions tout juste de nous installer dans le collège, l'ambiance était au plus bas. Nos discours à moi et Lucas, étaient parvenus à remotiver les moins accablés, et l'aménagement de ce bâtiment pour nous en faire un abri, avait pu s'organiser. Mais soir, après une journée si épuisante que le désir de chacun n'était plus que de s'avachir sur son matelas, je retrouvais Zac accolé à la fenêtre, contemplant l'horizon. Lui qui était toujours souriant, ne l''était plus durant ces courts instants, ce qui m'inquiétait amélioré. Un soir, je pris la décision d'aller le rejoindre dans sa solitude.

— Alors, qu'est-ce qu'il y a d'aussi intéressant à observer tous les soirs par cette fenêtre ?

— Rien, c'est juste ce sapin là-bas... Il me rappelle qu'il n'y a même pas quelques jours c'était Noël. J'étais comme chaque année avec ma famille, autour d'un dîner, et d'un feu qui crépite. Et aujourd'hui... Je ne comprends rien à ce qui se passe, mais j'ai l'impression que c'est fini à jamais, que c'était le dernier noël que je fêtais avec eux, et ça me fait peur Elio... !

Autre Monde - Journal d'un long marcheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant