28 mai - De révélations en révélations

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C'était une nuit sombre comme on en a trop souvent connu depuis la tempête. La pluie qui tombait du ciel, soulevait un martèlement incessant au contact du sol, ce qui ne faisait qu'agacer d'avantage Julien, s'étend soigneusement réfugié sous le toit du bâtiment, afin de se maintenir un minimum au sec. Le seul soir de la semaine où il était de garde, il fallait qu'il subisse cette météo capricieuse. Ce n'était tout de même pas de chance, se répétait-il en boucle. De plus, il lui était impossible de distinguer quoi que ce soit dans les environs, tant l'averse était importante. Mais il se devait de rester là, condamné à respecter son emploi du temps, comme tous les autres habitants du collège. Alors qu'il luttait sans relâche contre la fatigue, qui se faisait de plus en plus ressentir, son sommeil vacillant, fut interrompu par une faible lumière à l'horizon, qui semblait se rapprocher lentement de sa position. Le temps que Julien reprenne ses esprits, la lumière avait presque atteint les portes du grillage.

— Qui... qui-va-là ? s'exclama-t-il en saisissant son sifflet, prêt à alerter tout le collège au moindre danger.

Arrivée à hauteur du portail, la lumière émanant d'une vielle lampe à l'huile se stoppa net, et une silhouette encapuchonnée, se dessina dans les ténèbres de la nuit. D'un mouvement très lent, l'individu descendit de sa monture, et releva ses mains vers son visage, prêt à dévoiler son identité. Julien, tremblotant, serrait fort son sifflet au niveau de ses lèvres, appréhendant ce qui allait apparaître à ses yeux. La capuche tomba sur les épaules de l'inconnue. Elle fixa Julien, et il se mit à sifflet. Non pas pour signaler un danger, mais pour qu'on vienne ouvrir les portes du collège.

Un attroupement se fit autour de la jeune voyageuse, qui intriguait énormément l'ensemble de notre groupe. Des cheveux court, probablement pour ne jamais la gêner, son corps entièrement vêtue d'une longue cape verte, salie et déchirée à de multiples endroits, son doux visage, abîmé par de nombreuses entailles en tout genre... C'était sous sa fonction de « long marcheur », que Louane se présenta à nous. La pauvre avait à peine pu déposer ses affaires, qu'elle était assaillie de questions en tout genre, notamment concernant son statut, qui nous était encore inconnu. Voyant que cette situation la mettait dans l'embarras, et qu'elle était de toute évidence à bout de forces après son voyage, je pris rapidement la parole afin de disperser la foule.

— Je n'imagine pas le trajet que tu as dû parcourir avant d'arrivée jusqu'ici, mais ce qui est certain c'est que tu dois être exténuée. Nous allons te préparer une chambre, et t'apporter de la nourriture, ainsi que des vêtements secs. Ici tu es à l'abri, et rien ne presse, nous aurons tout le loisir de converser avec toi demain matin.

— Merci... répondit elle timidement.

La nuit fut longue, et il me tardait d'être le lendemain, que je puisse m'entretenir avec elle. Son histoire semblait passionnante, car si nous, nous avions déjà connu pas mal d'horreur en ce monde, en voyant son regard, tout cela semblait n'être rien du tout comparé à ce qu'elle avait probablement déjà vécue.

Dès l'aube, comme convenu, une petite assemblée s'organisa autour d'elle, tous extrêmement attentif à ce qu'elle devait avoir à nous raconter. D'un naturel qu'on pouvait deviner assez réserver, elle semblait cependant avoir l'habitude des prises de parole en public, et commença dans un premier temps, à nous expliquer ce qu'était un long marcheur.

Quelques mois après la tempête, un adolescent de l'Ouest du pays, se questionna sur comment se portait le reste des survivants. Il s'arma de courage, et décida de partir explorer ce nouveau monde à cheval. S'en suivit alors un important mouvement de départ comme le sien, et c'est ainsi qu'apparurent les premiers longs marcheurs. Leurs rôles étant de parcourir le pays, et de transmettre connaissances et savoir, de campement en campement. Loin de tout abri et constamment en proie à un environnement potentiellement mortel, les longs marcheurs risquaient leurs vies tous les jours, et c'est pourquoi deux règles ont rapidement été instaurées. La première étant d'offrir l'hospitalité la plus totale, à tous les long marcheur qu'un campement pouvait recevoir, et la seconde, imposant d'avoir seize ans révolu, avant de devenir officiellement un long marcheur. Choisir d'en devenir un pouvait paraître insensé pour certains, mais c'était un rôle nécessaire, que les plus courageux se devaient d'endosser, pour le bien de tous les autres.

Autre Monde - Journal d'un long marcheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant