19 février - Retour au bercail

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Cela faisait une éternité que je n'avais pas ressenti le confort d'un lit aussi agréable. J'aurais pu rester allongé encore de nombreuses heures à profiter de cet instant irréel, si de violentes courbatures et un terrible mal de tête ne m'avaient pas tiré de mon sommeil. Mes paupières encore lourdes, ne s'ouvrirent pas immédiatement, et je tâchai dans un premier temps de me remémorer les récents événements qui m'avaient conduit ici. Tout me paraissait si flou, si lointain... J'entendais des hurlements et des cris résonner au plus profond de mon être. Je mis un long moment à rassembler tous les fragments, mais une fois que le puzzle fut reconstitué, et que tout me revint en tête, je rouvris les yeux d'un coup.

La pièce dans laquelle je me trouvais était entièrement faite de bois, et la fenêtre ne donnait que sur un feuillage si dense qu'on ne pouvait y voir à travers. Cela ne signifiait qu'une chose : je me trouvais dans une cabane. Parmi toutes les questions que j'aurais pu me poser à cet instant précis, une seule avait réellement de l'importance pour moi. Il fallait que je sache si mes amis avaient survécu ou non. Après mettre péniblement redressé, je me mis à avancer lentement en direction de la porte, que j'ouvris sans trop savoir à quoi m'attendre de l'autre côté. A peine l'avais-je entre ouverte, qu'un fort courant d'air s'insinua dans la pièce, faisant flotter mes vêtements et fouettant mes cheveux bruns, déjà bien trop long depuis quelques temps. Face à moi je découvris une multitude de cabanes similaires à la mienne, éparpillées entre différents arbres, tous plus massifs les uns que les autres. Il y avait ici un véritable village, entièrement fait de bois, suspendu à plusieurs dizaines de mètres du sol, et dont les habitations communiquaient entre elles par le biais de ponts suspendus. Parfois les bâtisses étaient érigées à même l'écorce des arbres, s'enfonçant en eux comme si ces derniers avaient décidé de les recouvrir en guise de protection.

— Ça y est, la marmotte est réveillée ?

La voix était lointaine, mais semblait bel et bien s'adresser à moi. Cette interpellation fut suivie d'un bruit de coulissement sourd, et en me tournant dans la direction concernée, apparut devant moi un adolescent se rapprochant rapidement de la plateforme où je me trouvais, par le biais d'une tyrolienne. Une fois à ma hauteur, il détacha son mousqueton qu'il rattacha à son baudrier, comme il avait déjà dû le faire des centaines de fois auparavant.

— Bien dormi ? me demanda-t-il avec un grand sourire.

Le jeune homme semblait à peine plus âgé que moi. Il avait des cheveux blonds ébouriffés semblables à de la paille, des yeux d'un bleu intense, une carrure athlétique, et un sourire malicieux. De toute évidence, il n'était pas hostile, mais je ne pouvais m'empêcher de rester méfiant.

— Qui es-tu et où sont mes amis ? lui demandai-je.

— Ne t'en fais pas, ils vont bien. Noémia est en train de mettre en place un système de communication par la fumée avec les nôtres, Sam est avec elle, et Evan racontent vos exploits aux plus jeunes dans le hall principal.

— Nos...exploits ?

— Il faut dire que survivre face à un croqueur relève déjà du miracle, mais le terrasser en plus de ça ! Au fait je m'appelle Aaron, et bienvenue aux cabanes perdues de Princeton !

— Ce...C'est prodigieux ici, mais vous n'avez pas pu construire tout ça vous même, impossible !

— Non, évidemment. Il s'agit en réalité d'un ancien site touristique proposant de passer des nuits insolites dans de luxueuses cabanes, nous nous sommes simplement contenté d'aménager les lieux à notre arrivé. Avant on était en plein centre-ville, ce sont nos anciennes affaires que vous avez trouvé dans l'université ! Mais depuis peu, la ville est devenue le repère des prédateurs, et beaucoup d'entre nous sont morts avant d'arriver ici... Enfin bref assez parlé, et si je te faisais visiter plutôt ?

Autre Monde - Journal d'un long marcheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant