28 Juillet - Le paradis aux milles étoiles

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Ces derniers jours me donnaient vraiment le sentiment de passer ma vie à chevaucher, à la seule différence que maintenant, je n'étais plus seul sur cette monture. Cependant, côtoyer Lou dans cet état si particulier me plongeait dans un profond et perpétuel désarroi. J'avais si ardemment convoité nos retrouvailles, que la désillusion n'en fut que plus grande lorsque, dans cette cage, j'avais apposé mes mains sur son ventre. L'anneau ombilical, agissait comme une prison de l'esprit et du corps, dont elle ne pouvait plus qu'en laisser s'extirper quelques mots grâce à son altération, au prix d'efforts considérables.

Cela ne m'empêchait pas pour autant de l'aimer, et de continuer à me battre, afin de la retrouver au plus vite. La route jusqu'à Eden s'éternisait sur plusieurs jours, et même si la chevauchée se faisait dans le plus grand des silences, les soirs de bivouac, je ne cessais de lui raconter mes aventures. Je ne pus également m'empêcher de me morfondre en excuses incessantes, revenant sur mon départ que je considérais comme la cause de tous ses malheurs.

– Si seulement j'avais été là, jamais je ne les aurais laissé t'emmener ! J'aurais pu...

– Ce n'est pas...grave, me rassurais telle du mieux qu'elle pouvait via télépathie. L'important est... que tu sois revenu.

Lui dire à quel point elle m'avait manqué me brûlait les lèvres. D'ailleurs, même si je l'avais en face de moi, l'absence de son sourire, relevant ses pommettes jusqu'à en faire plisser ses yeux, était l'un de ses attrait dont l'anneau me privait qui me désolait le plus.

C'est finalement après plus d'un jour de voyage, que les portes du paradis perdu se dressèrent devant nous. Construite autour d'un arbre géant, en plein cœur d'une vaste plaine, non loin d'une forêt riche en vivres et ressources divers, Eden était la preuve vivante de la solidarité inébranlable des pans. Étrange mélange de constructions en bois tenant tant bien que mal debout, ou simplement de tentes bon marché disséminées ici et là, la ville était encore en plein essor, mais avait déjà fière allure comparée à ce que les sites panesques pouvaient d'ordinaire dégager. Cependant, le temps n'était pas à la contemplation. Sans tergiverser davantage, j'attachai mon cheval et m'avançai en direction de l'entrée de la ville, gardée par deux pans en armure. Je m'arrêtais en constatant que Lou ne me suivait pas, et attendait prêt du cheval, le regard dans le vide.

– Tu viens ?

– Tu dois...Me l'ordonner. Me répondit elle par le biais de son altération.

Rendu docile esclave par l'anneau, je ne pouvais plus que lui donner des ordres pour la faire réagir.

– Ça, c'est hors de question.

M'indignant de ce procédé inhumain, je fis demi-tour et la pris dans mes bras, afin de la porter jusqu'à la ville. Bien que son corps ne réagissait nullement, j'eus la vague impression que ses joues se mirent à rougir lorsque ses pieds décollèrent du sol.

Les regards des deux gardes, ainsi que de ceux de tous les pans dans les champs aux alentours, se posèrent sur nous. Certains semblait intrigués, d'autres troublés, mais personne ne pouvait rester indifférent à l'approche d'un long marcheur au visage maculé de sang, à la peau noircie par la crasse, et aux vêtements réduits à l'état de lambeau, portant dans ses bras une pan inexpressif, elle-même souillé par ce qui avait visiblement été une bataille sanglante, et une odieuse détention .

– Hola ! Nous interpella l'un des deux gardes. Mais d'où est ce que vous revenez vous deux pour vous retrouver dans un tel état ?!

– Probablement des enfers, lui rétorquais-je. Mais l'important n'est pas d'où l'on vient, plutôt ce que nous venons faire ici. Qui dirige Eden ?

Autre Monde - Journal d'un long marcheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant