19 Juillet - Soumission

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Suivant les précieux conseils de Khélios, je profitai de l'absence de notre geôlier pour tenter du mieux que possible de me reposer. Bien évidemment, trouver le sommeil dans cette position si peu confortable n'était pas aisé, voir quasiment impossible. L'absence totale d'indicateur de temps dans cette pièce n'arrangeait en rien la situation, et ce n'est qu'après de longues heures d'attente interminable, que mes yeux parvinrent finalement à se fermer sous la fatigue qui s'accumulait en moi. Ce repos fut de courte durée, car alors que je n'exprimais plus que le désir de me perdre dans mes songes, pour fuir cette réalité cauchemardesque, le remue-ménage que produisit Syrius lorsqu'il descendit les marches me fit immédiatement reprendre connaissance. Je croisai le regard de Khélios, qui lui aussi venait de se réveiller à l'approche du long marcheur fou.

– Écoute, Elio, me lança-t-il une fois arrivé à ma hauteur. Je pense qu'on est parti sur de mauvaises bases toi et moi, ce qui me chagrine au plus haut point. Voilà pourquoi, je tenais absolument à me faire pardonner ce léger différent en te faisant un cadeau.

Alors qu'il m'adressait ces paroles vide de sens, il retourna vers la cage d 'escalier, et ramassa le présent qu'il tenait tant à m'offrir, à savoir la tête de mon cheval, soigneusement découpée, encore dégoulinante de sang. Tout sourire, il me la présenta avec une grande fierté.

– Tadam ! Regarde-moi ce chef d'œuvre, un véritable travail d'orfèvre ! Il faut avouer que sur ce coup-là, je me suis surpassé !

Cette vision m'était insupportable, c'était de la torture psychologique pure et dure. Pourquoi me faisait-il subir cela ? Bon sang qu'est-ce que j'avais bien pu faire pour mériter tel châtiment... M'agitant dans tous les sens, je cherchai par tous les moyens à fuir cette vue qu'il m'imposait en s'égosillant de son rire sadique.

– Bon, je sais que d'ordinaire, tu n'as pas le droit de parler en ma présence, mais là, pour marquer le coup, exceptionnellement, je t'autorise à me dire merci.

Ce n'était pas juste un délire, il attendait réellement une réponse sincère de ma part. C'était insensé, à aucun moment je n'allais le remercier d'avoir découpé Zircon. Pour accentuer le fait qu'il attendait fermement ma réponse, il se pencha et inclina son oreille vers moi. Lorsqu'il vit que je m'étais résigné à ne pas lui répondre, le sourire qu'il affichait s'estompa.

– J'ai passé.... La nuit entière à découper bien soigneusement cette tête, précisa t'il la voix tremblante. Tous ces efforts, rien que pour toi... Et là, tu es en train de me dire... Que tu ne vas pas me remercier... ?

Toujours aucune réponse. Je me contentais de le regarder dans les yeux, et de serrer les dents pour ne pas simplement lui hurler toute ma haine au visage.

– REMERCIE-MOI, MAINTENANT ! S'emporta-t-il en jetant la tête de Zircon à l'autre bout de la pièce, et en venant placer son visage à quelques centimètres du mien.

La tentation était trop grande. Presque par réflexe, je lui crachai toute ma salive au visage, comme signe de mon insoumission. Syrius ne parut nullement désemparé, ou même surpris de ce signe de rébellion. Au contraire, un nouveau sourire se dessina sur son visage. Il s'éloigna de quelques pas, et se mit progressivement à rire nerveusement. D'un geste de la main, il ôta la bave se trouvant sur son visage, qui alla directement se coller sur cette dernière. Puis, il la leva à hauteur de sa bouche, et d'un mouvement ample de la langue, il la lécha dans son entièreté, et se délecta de tout ce que j'avais pu lui rejeter au visage.

J'étais déconcerté. Que pouvait-on faire face à la folie incarnée ? La réponse était simple : rien, à part subir.

– Je suis déçu Khélios, reprit-il calmement. J'osais espérer qu'en mon absence, tu aies enseigné les règles de politesse de base à notre nouvel hôte, car après deux mois passés ici, tu es censé les connaître sur le bout des doigts.

Autre Monde - Journal d'un long marcheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant