2T: Mutilation & Rencontre

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Texte by : 1234lisez

 Ce journal m'a été offert par Léo pour que je puisse y raconter ma vie et me libérer ainsi de tant de secrets qui me font pleurer tous les soirs mais je ne trouve pas la force de les écrire noir sur blanc.

Lundi 27 mai

  Cher Journal, ça y est, je me suis décidée après quelques années de te livrer mon ancienne vie celle avec ma mère alcoolique.

  Mon père est mort pendant le mois de décembre 1996, c'était mon seul compagnon de tous les jours. A l'école, je n'avais qu'une hâte c'était qu'il vienne me chercher. Je ne participais jamais aux jeux qu'organisaient les autres enfants et personne ne venait vers moi. Personne ne faisait le premier pas et moi non plus. Je restais assise dans un coin et rêvais de ce que j'allais faire avec mon père le soir même. En revanche, chez moi, je redoutais quelque chose : ma mère, le soir très tard quand elle revenait de bars. Elle nous lançait des insultes et me battait quelque fois, alors j'avais appris à m'en protéger. Mais, mon père est mort me laissant seule avec ma mère, j'avais perdu ma seule raison de vivre. A Noël, il m'avait offert un chien blanc tacheté se nommant Bello. Il m'avait fait promettre de m'occuper de lui et je me devais de tenir cette promesse pour la mémoire de mon cher papa. Je voulais mettre un terme à ma vie qui empirait de jours en jours, de toutes les manières possibles mais j'étais retenue par cette promesse qui me poussait à vivre . Je me mutilais pour souffrir comme avais dû souffrir mon père.      

     Il est tard, je te raconterai la suite demain, Léo avait raison cela me fait du bien de dire mon passé.

Mardi 28 mai

  Je reprends mon récit dès les premières heures de la journée.

  Je cachai tant bien que mal mes marques sur mon bras car je savais que si quelqu'un les voyait, on me considérerait comme une folle et je serai bonne pour l'asile. C'est ainsi que je fus contrainte à porter des manches longues en été. Pourtant, je ne voulais pas arrêter, car me mutiler me faisait du bien, cela me permettait d'évacuer la rage qui bouillonnait au fond de moi. En parallèle, je prenais soin de Bello, ma seule raison de vivre à ce moment là. Je le voyais grandir, s'émerveiller de toutes choses et me rendre l'affection que je lui portais. Je l'aimais comme on aime un frère, c'était le frère ou la sœur que je n'avais jamais eu. Je vécus de cette façon là pendant trois années qui me parurent interminables. Pendant cette période, ma mère me battit plus de fois que jamais auparavant. Alors que j'atteignais mes 14 ans, mon chien mourut brutalement d'une maladie rare. Je restais cloîtrée dans ma chambre durant cinq longs jours sans manger, je ne partais plus au collège et ne laissais pas ma mère entrer dans ma chambre. Je m'acharnais sur mon bras de tout mon cœur pour libérer ma tristesse et évacuer ma colère. Mais rien de tout cela ne marchait et, une nuit, je pris la résolution de faire ce que j'aurais dû après la mort de mon père, sauter du pont Notre Dame. Je rédigeais une lettre pour ma mère, fis mon lit pour montrer que mon départ était mûrement réfléchi, puis je descendais à pas de loup, ouvrais la porte tout doucement et m'éloignais rapidement en direction de la silhouette du pont qu'on voyait au loin.

  Léo sonne la cloche, je dois y aller ; je continuerais plus tard.

Jeudi 6 juin

  Je t'avais oublié, mais je reprends à présent le fil de mon histoire.

  Après m'être trouvée devant le pont face à l'eau, je pris une grande inspiration puis montais sur la rambarde, je regardais d'un point de vue unique ; la cité s'étalant sous mes yeux . Pour me donner du courage, je comptais jusqu'à trois puis je sautais... mais je fus rattrapée par un garçon d'à peu près mon âge à la peau mate. Il possédait de splendides yeux verts mis en valeur par sa redingote vert émeraude. En revanche, ses cheveux de couleur marron foncé étaient gras et pendouillaient tristement autour de son visage. Il me fit une pression avec la main qui me retenait pour m'indiquer que je pouvais m'appuyer sur lui pour remonter sur le pont. Puis une fois dessus, il s'en alla dans une direction en silence me faisant signe de le suivre. Il ne me posa aucune question pendant le chemin que nous fîmes, donc, silencieux . Je me demandai où il m'emmenait. Enfin, nous arrivâmes devant une petite masure  à l'écart de la cité. La porte d'entrée, d'un jaune qui devait être vif il y a bien longtemps, s'ouvrit dans un grincement.

  Je dois y aller, je reprendrais la semaine prochaine.

Dimanche 16 Juin

  L'intérieur de la maisonnée était propre mais mal éclairé ; une seule lampe pendait au plafond de la pièce principale. Le mobilier était assez modeste tout en respectant un certain confort. Une bibliothèque garnie était adossée à un mur, quelques fauteuils traînaient et un imposant poêle trônait au milieu de la pièce. Le garçon qui m'avait précédé me fit signe de le suivre vers un petit escalier caché dans un coin. Il me fit visiter ce qui devait être sa maison sans un mot. Soudain un déclic se fit dans ma tête, l'étrange garçon ne m'avait pas parlé depuis notre rencontre, il s'était exprimé seulement par geste, il devait être muet ! Je lui posais la question poliment pour ne pas être indiscrète et il me fit un signe de la tête que oui.

Le soir

  Je soupai le soir même avec lui et il me paraissait très gentil. Il me montra une chambre dans laquelle il y avait un lit, une commode et un évier.

   Au cours de la semaine, nous apprîmes à communiquer ensemble par différents moyens ; par écrit, nous nous faisions passer des mots ou alors grâce à une cloche avec laquelle  nous nous appelions. Nous fîmes aussi connaissance. Nous  nous racontions, par l'intermédiaire du papier, nos histoires assez proches nous liaient. Léo, celui qui m'a sauvée, m'apprit patiemment la langue des signes pour que je puisse communiquer avec lui sans papier. Ce fut notre langage secret lorsque nous avions de la visite. Aujourd'hui, nous n'utilisons plus ce stratagème. Néanmoins nous parlons en langue des signes  dans notre maison, celle où je suis entrée pour la première fois il y a 40 ans,  et j'apprécie le silence qui règne ainsi dans cette demeure contrastant tellement avec le bruit que faisait ma mère quand elle rentrait le soir. Je n'ai pas voulu avoir d'enfant avec Léo pour ne pas les décevoir en étant une mauvaise mère comme fut la mienne. Nous vivons heureux maintenant à l'écart de la ville et de son activité foisonnante.

Mercredi 4 septembre

  Léo est mort ce matin dans un accident ; quand je l'ai amené chez le médecin, il était déjà trop tard pour le sauver. Il était ma seule raison de continuer, mon amour, mon compagnon ! Sa mort est trop horrible à supporter pour moi. Je ne peux plus avancer, je me dois de le rejoindre, lui et mon père. J'ai fini ce carnet. Je suis arrivée à la dernière page aujourd'hui, je le laisse à celui qui voudra lire mon histoire. La fin de ce carnet témoigne la fin de ma vie, je m'en vais vers le pont Notre Dame.

  Adieu La terre et les humains, je vais vers vous papa et Léo. J'ai hâte de pouvoir vous reparler et de vous dire combien je vous aime.

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