T1: Plic , Ploc

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Texte by : DelphTiph

Plic, ploc. Plic, ploc.

Elle croit que cela fuit.

Plic, ploc.

Oui, ça fuit. C'est indéniable.

Un tambourinement raisonne. Elle enveloppe son corps frêle de ses maigres bras, et enfonce ses doigts dans ses triceps, comme pour se raccrocher désespérément à quelque chose. A n'importe quoi, pourvu que cela fasse office d'exutoire, d'échappatoire, de corde de sortie.

Ignorance. Mais cela tambourine encore.

« On sait que t'es là Miel Pops.

— Arrête de fuir espèce de lâche. »

Plic, Ploc. Plic, ploc.

Elle resserre ses jambes contre sa poitrine. Son cœur tambourine si fort qu'elle le sent battre dans ses oreilles. Elle ne veut pas qu'on l'entende. Alors d'une main elle masque sa bouche. Mais son pied glisse et son genou se cogne contre la cuvette. Ses dents se serrent, son estomac se noue, elle est irradiée par une anxiété nouvelle qui la transcende de bas en haut, comme si le monde autour d'elle n'était qu'une bulle dans laquelle elle voyait tantôt flou, tantôt beaucoup trop nettement.

« On t'entend ! Pas comme toi, avec ta cire d'abeille. Hein Miel Pops ? Bzz, bzzz ! »

Fébrilement, elle tend les doigts vers la chasse d'eau pour la tirer.

« Je suis occupée, elle marmonne, si faiblement, qu'elle se demande si elle a vraiment parlé.

— Arrête de mentir, nous prend pas pour des connes. Sors de là ! »

Elle veut être avec son chien, chez elle, libérée. Elle veut rire avec son frère, partager un simple repas avec ses parents sur la terrasse, au soleil.

Mais elle est la, assise sur le sol dégueulasse des toilettes pour filles de son collège, enfermée et presque en hyperventilation.

Plic, ploc. Plic Ploc.

La sonnerie retentit.

« C'est maintenant ou jamais Maëlle. Tu n'aimerais pas arriver en retard j'imagine ? »

La porte subit de nouveaux à-coups. Son corps tremble. Elle a froid, elle a chaud. Plic, ploc. Putain, quand est-ce qu'ils la réparent cette chasse d'eau qui fuit ? Elle n'en peut plus. Elle suffoque.

Des murmures.

« Tu ne t'en sortiras pas toujours. Il y a d'autres moments dans la journée. Quand t'iras butiner en bourdonnant comme une grosse sale au self par exemple. A tout à l'heure Miel Pops. »

Des pas. Une porte qui se ferme, le brouhaha qui se dissipe. Plic, ploc. Puis le silence.

Un silence parfait.

Plic, ploc.

Ou presque.

Les jambes cotonneuses, elle se relève à l'aide du mur. Elle inspire, elle expire. Plic, ploc. Sa main tremblotante déverrouille le loquet, abaisse la poignée, et surveille par l'entrebâillement.

Personne. Elle est seule. Plic, Ploc.

Elle sort.

Plic...

Sa tête part en arrière, brusquée par une main invisible. Ou peut-être qu'elle existe, puisque des rires surgissent de l'autre côté. Elle ne voit que d'un œil, une touffe brune, des dents blanches.

« Pour qui tu nous prends hein ? »

Elle est aveugle. Elle sent juste l'air la quitter, le froid la submerger. Des bulles longent son visage pour la chatouiller. Elle ne respire plus. Elle se débat. Pourquoi fait-il si sombre ? Les bulles ne la chatouillent plus. Elle ne se débat plus. De toute façon, ses mains sont figées, tenues par d'autres beaucoup plus chaudes que les siennes. Ses poignets lui font mal. Son crâne lui fait mal.

Pourquoi la chasse d'eau ne fuit-elle plus ?

Ses cheveux la tiraillent, s'arrachent de son cuir chevelu, l'air emplit ses poumons, se mêlent à l'eau putride qui passe dans ses narines. Elle s'étouffe, tousse. Elle voit trouble. Elle sent mauvais. Elle se sent sale.

« Tiens, peut-être que ça t'aura lavé les oreilles ! »

Non, elle est sale. Ses cheveux lui collent au visage. Elle respire. Une porte claque, et cette fois-ci elle est vraiment seule. Et elle pleure.

Plic, ploc.

Concours d'écritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant