Texte by Hog_818
« Pourquoi ? », c'est la question que je me suis le plus posé. « Pourquoi es-tu parti ? », « Pourquoi ai-dû grandir sans toi ? », « Pourquoi n'étais-tu pas, n'es-tu pas à mes côtés quand j'ai besoin de toi, quand j'ai envie de te voir, quand j'ai envie de te prendre dans mes bras ? » Mais mes bras se referment sur le vide que tu as laissé dans nos vies et les larmes emplissent mes yeux. Que c'est étrange de pleurer un inconnu, quelqu'un qui n'a jamais réellement fait partie de ma vie et que je ne connais qu'à travers des photographies jaunies et des histoires pleines de nostalgie.
Tes proches m'ont souvent raconté tes histoires, ta vie dont j'aurais tant aimé faire partie. Ta fille me confie souvent que sa plus grande tristesse est d'oublier ta voix, qu'après être parti de sa vie, tu partes de ses souvenirs. Ta voix, je l'imagine grave mais pleine de douceur, est-elle vraiment ainsi ?
Petite, on m'a expliqué que tu étais parti au ciel, que tu avais rejoins les étoiles et que tu illuminais le ciel nocturne pour que je n'ai plus peur de cette angoissante obscurité. Que tu étais avec tous ceux qui sont partis, tous ceux qui ont laissé ce trou béant dans nos poitrines.
Papy, comme c'est triste et douloureux de trouver étrange le fait de t'appeler ainsi. Ta femme m'a un jour expliqué que de où tu étais, tu me regardais et que tu étais fier de moi. Est-ce vrai ? Est-ce vrai que malgré toutes mes erreurs et toutes mes bêtises, tu es fier de moi ?
Dans tous les cas, sache que tu peux être fier de ta femme. Depuis près de cinquante ans, elle t'aime d'un amour qui est chaque jour plus fort. Et chaque jour, seule dans sa vieille maison où tu sembles encore présent, elle revit le jour de votre rencontre, de votre coup de foudre. Chaque jour elle revoit ton visage couvert de charbon où seuls deux magnifiques yeux bleus sont visibles. Elle est si forte, ta femme, qui a gardé cet amour inconditionnel même vingt-huit ans après ton départ.
Tu sais, je pense chaque jour à toi. Il y a toujours un geste, un objet, une pensée qui me renvoie à mes souvenirs artificiels. Et chaque nuit, avant de m'endormir je te regarde, posé sur ma table de chevet, seule proximité que je peux avoir avec toi. Et quand j'ai envie de t'embrasser, mes lèvres ne rencontrent qu'un papier glacé tandis que mes bras ne serrent qu'un oreiller, seul réconfort que je puisse avoir dans cette semi-obscurité, alors que tes yeux bienveillants me fixent avec la froideur d'une image figée dans le temps.
Papy, es-tu fier de moi ? M'aimes-tu comme je t'aime ? Tiens-tu la promesse que tu as faites de toujours veiller sur nous ?
Papys, sais-tu que je m'imagine souvent comment aurait été ma vie avec toi à nos côtés ? Tu m'aurais emmenée avec toi à la chasse, nous serions allés aider les voisins à la ferme, nous serions allés à la plage où tu aurais pesté contre le futur prenant le pas sur le passé. Puis tu m'aurais raconté des histoires, les tiennes, tes souvenirs de la guerre, de la Libération, de ton enfance brisée comme celle de millions d'autres. Nous aurions célébré Pâques, Noël, nos anniversaires ensembles...
Mais tout ceci n'est qu'une illusion. Je ne t'ai jamais accompagné la chasse, je suis allée à la ferme et à la plage sans toi, je ne peux pas entendre tes râlements ni tes histoires, Pâques et Noël se font sans toi et mon anniversaire sans le tien et la seule fête que nous passons ensemble est la Toussaint.
Souvent, des anecdotes me font sourire et penser à toi. Quand je regarde des feux d'artifices, ta blague me revient en mémoire ; quand je fais des crêpes je veux les faire les plus fines possibles car je sais que c'est comme ça que tu les préférais ; quand je regarde le nombre de montres à gousset que nous avons, je repense à ta passion. Mais à ces douces pensées se mêlent souvent ces pincements au cœur, quand je pense à l'injustice, aux « ça n'arrive qu'aux autres », quand je pense à ta première famille qui n'a jamais été là pour toi.
Papy, si tu me regardes d'en haut, saches que je t'aime d'en bas.