Texte by ? (merci de me dire si ce texte vient de vous )
Elle était seule.
Je crois que, parmi toutes les dénominations possibles, c'est celle qui m'a le plus frappé. Celle que j'ai retenu.
Elle était seule au milieu des autres.
Parfois,même au sein d'une foule excentrique, agitée et assurément dense,parfois, certaines personnes semblent seules au monde. Ils me font un peu penser à des animaux albinos. On ne voit qu'eux. Ce sont peut-être les autres qui sont trop sombres ? Pas impossible...
Elle était seule au milieu des autres, elle semblait perdue.
Oui,je me souviens de ce regard trouble qu'elle posait sur son environnement. On aurait dit qu'elle ne voyait pas les gens. Qu'elle était dans une bulle hermétique, avec ses pensées à elle, sa perception du monde à elle. De nature, je suis plutôt curieux.Alors comprenez bien que, ne pas avoir accès à sa vision des choses me dérangeait. Je suis jaloux. Je l'assume.
Elle était seule au milieu des autres, elle semblait perdue. Elle cherchait quelqu'un.
A force de la regarder, je commençais à comprendre où se portait son regard. Sur des garçons, en priorité, aux cheveux blonds, de taille moyenne. Je grinçais des dents. Je sentais grandir en moi une haine viscérale envers la personne qui la faisait attendre. Je ravalai ma rage en même temps que ma salive. Mes yeux tombèrent sur l'écran allumé de mon téléphone. Un message de ma mère me rappelant que j'avais basket. Je serais peut-être en retard...
Elle était seule au milieu des autres, elle semblait perdue. Elle cherchait quelqu'un qui ne viendrait pas.
J'en étais certain à présent. Elle le savait aussi. On pouvait le deviner dans ses mains serrées autour de sa jupe. Une jolie jupe. En jean, brodée de héron blanc, fendu sur le côté. Elle lui allait bien. Mais, tout allait avec elle. Les styles, les époques, les couleurs, tout lui allait à la perfection. Brusquement, je me sentis gauche dans mes vêtements à moi. Elle, elle ne suivait jamais la mode. Ce code strict qui régissait nos vies. Elle s'en était écartée. Parfois, le décalage était si marquant, que je me demandais si elle ne le faisait pas exprès.
Elle était seule au milieu des autres, elle semblait perdue. Elle cherchait quelqu'un qui ne viendrait pas, pourtant, elle continuait à l'attendre.
Ce qui était stupide à mon sens. Le temps est précieux, elle n'aurait pas dû rester là, sur ce banc, à regarder passer les autres. Des anonymes parmi d'autres anonymes. Et même entourée de ces inconnus,elle restait une albinos. Une chienne parmi les loups. Et moi dans tout ça ? Moi je restais planté là comme un abruti. Une bourrasque vint jouer avec ses cheveux. Ils étaient courts, contrastaient avec ceux des autres filles. Ils étaient d'un châtain banal, lisses. Et je ne pouvais pas m'empêcher de les trouver magnifiques. Ma langue claqua, exprimant l'agacement, l'exaspération profonde qui électrisait mon corps devant mon extase.
Elle était seule au milieu des autres, elle semblait perdue. Elle cherchait quelqu'un qui ne viendrait pas, pourtant, elle continuait d'attendre. Elle s'est soudainement mise à pleurer.
C'est à ce moment que je suis véritablement tombé amoureux. Comme on s'endort. D'abord tout doucement puis d'un coup. J'ai vu des perles salées roulées sur ses yeux et s'écraser sur sa jupe, créant des tâches plus sombres. Ma main étrangla la lanière de mon sac de cours alors que l'hésitation m'étranglait, moi. Mes amis n'étaient plus là, je pouvais aller la voir, lui parler - bien que cette pensée me paralysât d'effroi -, sans peur du jugement des autres.Cela faisait des semaines que je l'observais, à la dérober. Elle et son stupide petit-ami. Je le haïssais sans vraiment le connaitre.Je la façon dont il la traitait, comme une moins que rien. Je haïssais chacun de ses gestes, chacun de ses mots, l'air qu'il respirait, les molécules qui le composaient.
Assez.
Ellen'aurait pas dû être seule au milieu des autres, elle n'aurait pas dû avoir l'air perdu. Elle n'aurait pas dû chercher quelqu'un quine viendrait pas, et continuer à attendre. Elle n'aurait pas dû se mettre à pleurer.
J'ai décidé qu'il était temps que ça cesse. Que tout cesse. La torture masochiste que je m'infligeais était contre-productive et ne l'aiderais pas à se sentir mieux. Après avoir longuement tripoté mon téléphone, indécis, j'ai lancé mes jambes en avant. J'ai fendu la foule sans réfléchir, de la même manière qu'on saute du plongeoir. Une fois bien face à elle, je l'ai observé, sans plus savoir quoi faire. Son visage merveilleux s'est levé vers le mien,interrogateur. Ses doux yeux noisette m'ont dévisagé. Un silence ouaté avait rempli mes oreilles, je n'entendais plus que mon coeur battre ma tempe, mon souffle rauque, le bruit que fit ma gorge quand je tentai d'avaler ma salive. J'ai rougi comme un gosse. Pourtant,c'est sans détourner les yeux que j'ai demandé :
<<T'as un truc de prévu, là, maintenant ?
Elle a hésité, puis :
-C'est que... J'attendais Vic...
-Ok, à part ça ? l'ai-je coupé.
-Non.
-Cool, moi non plus.
Le silence est revenu. C'était maintenant ou jamais. Littéralement.
-T'as pas l'air au meilleur de ta forme. Est-ce qu'un chocolat chaud résoudrait le problème ?
Cette fois, je suis parvenu à lui arracher un sourire, un peu triste, mais un sourire quand même :
-Je suis de ceux qui sont persuadé qu'un chocolat chaud résoudrait tous les problèmes du monde. >>
Je me suis dit que j'adorais son humour. J'ai pensé à mon entrainement de basket. Mais tous les entrainements du monde n'égalaient pas son sourire.
-On y va ?
Je souris à mon tour, serrant plus fort sa petite main fine et froide :
-Oui, on y va.
J'envoya un message à ma mère. Il disait simplement :
''Je serais en retard, je traîne avec des potes''
-Je suis ''des potes'' ? Fit-elle.
-Tu es bien mieux. >>
Je l'entrainai à ma suite, vers le café le plus proche, mon coeur chantant dans ma poitrine et mon téléphone vibrant de messages paniqués de ma mère en poche. J'étais heureux.
