T1:Mutilation

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Texte by HLfan1507

Plus elle dessinait vite et mal, plus quelqu'un qui le verrait aurait du mal à relire.

Elle écrivit avec rapidité, sa main traçant de grandes lignes sur sa feuille. Elle écrivit ce qu'elle ressentait, toute la douleur en elle, tout ce qu'elle n'osait dire tout haut. C'était ainsi qu'elle restait en vie. Ainsi qu'elle ne les quittait pas, ainsi qu'elle survivait sans qu'ils en aient la moindre idée.

Sur mes bras j'ai les marques d'un passé non effacé

Non effaçable

Chaque soir elles sont changées

Un passé qui me poursuit

Qui me suit jusque dans mes nuits

Ces marques je les sens à chaque instant

Je les porte jusque dans mes meilleurs moments

Les gens pensent que mon sourire est artificiel

Ils ont raison : il cache ce qui ne peut être montré comme tel

Marques qui témoignent d'un traumatisme non refoulé

Au contraire, bien sauvegardé

Un souvenir qui me rend dingue, qui m'obsède à chaque instant

Qui m'oblige à me graver jusqu'au sang

Jusqu'à ce qu'en dehors j'ai plus mal qu'en dedans.

Elle reposa le stylo et s'interdit de relire. Elle attrapa à la place une petite boîte d'allumettes, l'ouvrit et en alluma une. Elle la lâcha en même temps que son texte dans sa poubelle en métal au fond noirci. Elle avait trop fait brûler de papier dans cette poubelle.

Une fois le poème consumé, elle se tourna vers la fenêtre. La sensation libératrice habituelle n'était pas là. La sensation d'être tranquille, sereine, cette sensation qu'elle ne ressentait qu'à ces moments, elle n'était plus là. Les larmes l'inondèrent, l'incendièrent, l'enterrèrent, la réduisirent en cendres et éparpillèrent les morceaux d'elle comme autant de feuilles mortes. Sans faire de bruit, elle s'allongea sur son matelas et étouffa ses sanglots dans les draps.

Lorsqu'elle eut vidé ses canaux lacrymaux, son esprit était comme vide, absent. Comme à chaque fois qu'elle allait trop mal pour qu'une centaine de mots et une allumette lui fasse du bien. Sans pouvoir rien y faire, elle savait ce qu'il allait se passer maintenant. L'histoire se répète toujours, c'est une boucle. À toutes les échelles le monde tourne en rond, et elle n'échappait pas à la règle. Elle allait mal, elle écrivait, elle brûlait, elle pleurait, et... Elle n'osait pas prononcer le mot. Du bout des doigts elle caressa les cicatrices sur son avant bras. Régulières, toutes de la même taille, toutes faites avec le même instrument. Elle savait ce que ses parents en pensaient, elle ne portait que des manches longues. Il faut être fou pour faire ça. Non Maman, non Papa. Il suffit d'être mal. Terriblement mal. Les larmes tentèrent de la submerger à nouveau, mais la jeune fille réussit à les garder en elle. Telle un zombie son corps se dirigea vers la salle de bain, sans prendre garde de ne pas faire de bruit malgré l'heure tardive. Sa main baissa la poignée de la salle de bain et en ouvrit la porte, refermée tout de suite après. Le tiroir fut ouvert, la trousse de toilette à son tour. Le rasoir perdit sa lame qui tomba dans la main ouverte de la jeune fille. Ses yeux la contemplèrent dans le miroir, comme si elle était une étrangère. Puis la main tenant la lame s'approcha de l'autre bras, elle s'activa rapidement, traçant de grandes lignes sur sa peau.

Plus elle dessinait vite et mal, plus quelqu'un qui le verrait aurait du mal à relire.

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