Texte by : marjokrlm
Une dernière larme roulait sur la joue de la jeune femme alors qu'elle s'éloignait tranquillement du petit restaurant où elle avait rencontré celui qu'elle quittait aujourd'hui. Un sentiment horrible lui déchirait la poitrine. Trois ans. Trois ans qu'ils étaient ensembles et qu'elle subissait tellement de douleurs par sa faute. Mais elle l'aimait. Elle aimait chaque petite parcelle de lui, chaque sourire, chaque je t'aime échangé. Pourquoi fallait-il qu'il parte? Peut-être en avait-il marre d'elle. Il fallait bien qu'elle se fasse une raison, tout le monde finissait toujours par partir. Et pourtant elle le savait, elle le savait plus que personne. Ses parents l'avaient abandonnée à sa naissance, elle avait finit par être adoptée par un couple homosexuel rempli de bonté. Eux n'étaient pas brisés, et ne sauraient probablement jamais ce que ça faisait de l'être.
Parce que même si Charles dépassait toujours les bornes, Iris était amoureuse de lui. Et quand il brisait ses espoirs à coup de juste un dernier et de ce n'est qu'un de plus, elle s'efforçait de penser que ce n'était qu'une mauvaise passe. Ça allait se stopper, pas vrai? Eh bien oui, ça se terminait aujourd'hui. Et elle n'y pouvait plus rien. Il l'avait quittée. Comme un déchet. Il lui avait parlé avec un certain dégoût dans la voix, et Iris l'avait ressenti. Parce que tous les hommes qu'elle accueillait pour lui depuis trois ans la traitaient de la sorte. Comme une vulgaire poupée gonflable.
Un trou béant se formait dans la poitrine d'Iris alors que chaque pas qui la rapprochait de sa famille d'accueil lui rappelait un peu plus qu'elle venait de perdre sa raison de continuer. Un trou énorme, plus qu'énorme. Comme si tout ce qu'elle accumulait dans son pauvre petit cœur se déversait désormais jusqu'à sa tête. Elle pouvait y réfléchir et une fois fait, un trou plus grand se formait. Son cœur se déchirait de partout et de grands espaces apparaissaient.
T'aimes ça salope hein? Non. Ces voix devaient sortir de sa tête. Elle n'avait peut-être plus les bras de Charles pour tout oublier, mais il fallait qu'elle s'en sorte toute seule. Il le fallait. Écarte les jambes, voilà comme ça. Iris voulait crier, mais elle était en pleine rue. Comment des souvenirs passés pouvaient-elles l'affecter à ce point ? Ça va, ma belle, t'as pas besoin de crier. Tous des hommes différents, tous des inconnus. Ils vidaient leur corps dans le siens pour remplir le portefeuille de Charles. Et chaque fois, la pauvre adolescente n'héritait même pas d'un pauvre dollar. Même si elle était triste de quitter Charles, elle était heureuse. Tout était finit. Tout.
Elle marchait plus vite. Une idée commençait à naître dans son esprit brisé. Une idée qui lui semblait bonne, pure, parfaite. Peut-être affecterait-elle-même Charles. Une idée à laquelle elle ne devait pas penser. L'euphorie coulait dans ses veines alors qu'un sourire naissait sur ses lèvres. Elle allait remplir le trou qui la vidait. Elle allait se sentir pleine toute seule. Elle n'aurait plus jamais besoin de qui que ce soit pour la combler. Tout était enfin terminé.
Elle aurait dû se sentir soulagée quand elle avait passé le pas de la porte et que d'un regard rempli de compassion ses pères lui avaient montré qu'ils comprenaient. Ils ne comprenaient rien. Elle aurait dû se sentir soulagée que tout soit terminé et qu'elle soit libérée des hommes qui payaient Charles pour la baiser. Mais elle ne l'était pas. Elle perdait le seul homme qu'elle n'avait jamais aimé et qui l'ait aimée en retour. Brisée, c'était ce qu'elle était. Et elle avait trouvé une drôle de façon de se libérer.
Cette solution se cachait dans la pharmacie. Cette solution tenait entre les doigts d'Iris. Et surtout, cette solution commençait à glisser contre sa peau. Brisée, c'état bien ça. En se brisant encore plus peut-être trouverait-elle le moyen de se réparer. Et pour l'instant, tout fonctionnait plutôt bien. La douleur qu'elle ressentait n'était rien par rapport à ce qu'elle avait vécu ces trois dernières années. Et alors elle se rappelait qu'elle était libérée de ce trafic et de cet amour malsain. C'était terminé.
Le sang glissait contre sa peau et s'écrasait sur le carrelage blanc. Comme un dernier témoignage de sa souffrance. Oui, car Iris ne souffrirait plus jamais. C'était terminé. Iris était maintenant heureuse et libre. Libre. Tout était terminé. Tout allait bien aller. Elle enfonçait sa solution toujours plus creux dans sa peau, comme si elle forçait la raison à entrer dans ses veines. Et au moment où la douleur devenait insoutenable, qu'elle se sentait étourdie et qu'elle se savait déjà à moitié partie, elle murmura d'une façon presqu'inaudible : tout va bien aller.
Et pour une fois, Iris savait que c'était vrai. Car même si elle ne croyait pas en Dieu, elle savait qu'elle irait voler, quelque part entre des nuages. Parce qu'elle sentait son âme se soulever. Inconsciemment, elle grogna une dernière phrase. Peut-être un peu pour elle, peut-être un peu pour Charles. Mais ces mots étaient profonds, car ils s'échappaient de son corps en même temps que le sang qui coulait abondamment.
- Adieux.