Texte by The_Bookeuse
Assise dans mon lit d'hôpital et branchée sur diverses machines médicales aux bips incessants, j'attends la venue de mon copain. Atteint de cancer en phase terminale, je n'ai plus l'occasion de sortir depuis longtemps et les visites sont rares.
Je repense à notre rencontre. Je le revois lui, son bras plâtré et sa beauté fulgurante, et moi, simple jeune fille enturbannée pour cacher les dégâts de la chimiothérapie. A ce moment je pouvais encore me promener dans l'établissement.
Je me rappelle l'avoir immédiatement remarqué, avec son air bagarreur et ses cheveux noir corbeau, alors que je faisais un tour dans le parc. Lui aussi m'avais aperçue et m'avait accostée sans timidité. Nous nous étions tout de suite entendus.
Mes pensées s'envolent vers un autre souvenir. Mon premier baiser avec lui. A l'endroit exact de notre rencontre, deux jours avant que je sois consignée dans ma chambre, il m'avait attrapée par le bras, et sans grand discours, m'avais embrassée. Je ne pourrais jamais oublier ce moment plus que magique pour moi. Je souris en y repensant.
Une nouvelle scène apparaît dans mon esprit. Il est assis sur mon lit, pleurant la mort de sa mère dans mes bras. Elle aussi malheureusement atteinte de cancer. Cet événement a déclenché en lui une peur irréversible : celle de ma mort. Depuis cet instant, il n'a jamais cessé de me protéger.
Un infirmier entre dans la chambre, il vient me faire les soins habituels. Je suis plus fatiguée que d'habitude mais la nuit passée à lire doit y être pour quelque chose. Je ne touche pas non plus à mon plateau repas, moi qui étais si gourmande auparavant. J'ai perdue l'appétit lors de l'apparition de ma maladie.
Quelqu'un ouvre doucement la porte, me tirant de ma rêverie. Le visage de mon petit-copain apparaît dans l'ouverture. Un sourire illumine aussitôt mon visage. Voilà de quoi rendre ma journée formidable !
Nous passons les habituelles présentations et nous embrassons directement en un baiser langoureux. Ses magnifiques lèvres m'avaient manquées. Il vient ensuite s'asseoir à côté de moi et place ses bras autour de mon cou. Il me regarde amoureusement, sans se soucier de la perte de mes cheveux ni de mon teint de cadavre. Il m'aime comme je suis.
Lui n'est pas malade, et je me suis toujours demandée la raison de son amour envers moi. Après tout je suis destinée à mourir, alors qu'il peut profiter d'une longue et belle vie. Pourtant, nous sommes toujours ensemble.
Nous discutons de sa journée, en alternant paroles et baisers. Le soleil se décline dans le ciel, au rythme des heures qui passent. Je suis maintenant allongée sur ses genoux, à regarder un film pendant qu'il me triture les cheveux.
Je décide de lui annoncer ce que j'ai appris ce matin sans plus attendre :
- Je n'ai plus beaucoup de temps à vivre.
Sa respiration se coupe.
- Combien de temps ?
- Une semaine au maximum.
Je sens une goutte tomber sur mon front. Des larmes coulent sur son beau visage. Il ne me répond pas immédiatement. Au lieu de cela, il me sourit faiblement et dit avant de m'embrasser:
- Alors profitons-en.
Au bout d'un moment il finit par partir, forcé par les infirmiers. Il fait presque nuit, je dois dormir. Ce que je ne fais pas, soudain prise de violentes nausées. Je me sens d'un coup plus fatiguée, lourde et fiévreuse. Des médecins arrivent en urgence, pour m'administrer des produits dont je ne connais même pas l'origine.
Je finis m'endormir, ou perdre connaissance, je ne sais pas vraiment. En tout cas je ne souffre plus et me sens plus légère. Une image s'impose à moi : mon copain faisant la grimace pour me faire rire, lorsque j'ai appris que je ne pouvais plus sortir. Puis de nouveau lui, mais lors de mon anniversaire, en compagnie de nombreux infirmiers auxquels je me suis attachée. Pour finir, j'aperçois son magnifique sourire. C'est la dernière chose à laquelle je pense.
- Heure du décès, vingt-deux heures et quatorze minutes.
J'étais malade, lui non, nous vivions un amour impossible.
