Texte by hawci_taeguk
La manière de m'aimer n'est pas compliquée.
C'est ce qu'il m'a dit avant de disparaître, mais il m'a menti. C'est ce qu'il y a de plus dur, Seoha.
Je regarde une nouvelle fois mon téléphone, espérant voir les phrases de l'article changer, disparaître. « Un jeune homme retrouvé mort hier soir au fond d'un parking à Séoul », la photo de Seoha souriant sous ce titre barbare me serre le coeur ; sur tous les putains d'habitants de cette ville, vous m'arrachez le mien ?! Tandis que des larmes roulent le long de mes joues, ma mère entre en un grand bruit dans ma chambre.
- Tu pleures encore ? Me lance t-elle avec mépris.
- Sors de ma chambre.
- Ce n'était pas réellement de l'amour alors ressaisis-toi et va travailler !
- Pas de l'amour ? Je m'emporte. Parce que c'était un homme et que moi aussi ?
- Tu m'as très bien entendue, je n'ai pas passé la moitié de ma vie à t'élever pour... ça.
Elle me lance un dernier regard empli de dégoût puis claque la porte. Espèce de... Il est temps que je me trouve un appartement, très loin d'ici. J'attrape mon sac et l'enfile sur mon dos, sans un mot pour ma mère, je sors dans l'air suffocant de Séoul. Sans but précis, je déambule dans les rues bondées avant d'être pris d'une idée. Ce parking. Je tire mon téléphone de ma poche pour vérifier l'article de ce matin : le parking du 7-Eleven au bout de ma rue. Je retourne sur mes pas et débouche devant la supérette que je contourne pour accéder au parking. Un groupe d'agents de nettoyage attire mon attention, je me dirige vers eux.
- Excusez-moi, messieurs. Vous...
La fin de ma phrase se bloque dans ma gorge.
- Oui, le gamin saignait beaucoup alors ça a laissé pleins de traces, répond l'un des agents.
-Ah, oui bien sûr.
Je sens mes pommettes s'embraser sous le coup de la colère. La seule chose qui les préoccupe c'est que Seoha ait sali leur goudron ? Dégoûté, je me dégage de leur groupe pour faire demi-tour, il n'y a rien à faire ici. Des images défilent dans mon esprit, l'imaginant se faire torturer, souffrir... Excuse moi...
Ma poche vibre, j'en tire mon téléphone et lis le message qui apparaît à l'écran.
« Tu le connais ? »
Le message provient du numéro de Seoha, comment... Avec le message est jointe une photo, je l'ouvre et manque de faire tomber mon téléphone. Le corps ensanglanté de mon aimé s'affiche en grand écran. Un cutter à la main, l'un des agresseurs finit de graver « A tous les PD » sur son torse. Pardon ?! J'essaye tant bien que mal de contenir mes larmes, je ne vais pas pleurer devant ceux qui ont vu ce carnage et qui ne sont embêtés que par la saleté que ça a occasionné. Je tape une réponse.
« C'est vous qui lui avez fait ça ? Qui es-tu ? Montre-toi ! »
Sa réponse tarde, faisant bouillir ma colère faussement dissimulée.
« Je te vois alors ne réagit pas bêtement, je me disais bien que s'il y avait une pédale, il y en avait forcément deux. Tu veux savoir pourquoi ? Vous êtes la honte d'un pays, la minorité honteuse du monde. »
Je jette un regard affolé autour de moi mais seuls les agents de nettoyage entrent dans mon champ de vision, il bluffe. Et puis... La minorité honteuse ? Alors qu'appelles-tu tuer un inconnu ? Raclure ! Nous faisons valoir nos droits un peu plus chaque année, tout ça pour en arriver là ? Cela ne sert à rien de lutter, des gens en arriveront toujours à cette extrémité, c'est un fait et je ne dois pas être le seul à avoir perdu mon amant. Était-ce si dur de vouloir un peu d'amour sans déranger qui que ce soit ? De vivre ensemble notre petit bout de vie sans avoir peur d'être insultés ou bien tués ? Seoha, je suis désolé de ne pas avoir été avec toi, de ne pas t'avoir dit que je t'aimais, de ne pas t'avoir accompagné jusqu'à ce que tu fermes les yeux... J'aimerais que tu sois là pour me dire que tout va bien se passer mais ils t'ont pris, ils ne voulaient pas te laisser à moi... Oh, j'espère avoir bien fait... Dis moi que j'ai été bon avec toi !
Une vibration de mon téléphone me sort de mes pensées.
« Regarde derrière toi. »
Sans réfléchir davantage, je me retourne puis tombe lourdement à terre, assommé, tandis que ma vision vire au noir.
Une puissante gifle me tire de mon inconscience. Ma tête me lance mais j'ouvre tant bien que mal les yeux, me réveillant face à trois hommes aux visages découverts.
- Tu devais bien dormir, me lance celui du milieu. Ça doit être la cinquième gifle qu'on te met.
Les deux autres l'approuvent d'un rire gras. L'homme du milieu, s'apparentant à un chef, empoigna mes cheveux pour me faire regarder son visage.
- Je sais que tu couchais avec l'autre pédale, tu avoues ?
- Oui !
Je lui lance un regard de défi, ce qui me vaut une autre gifle. Avouer ? Comment ça, avouer ? On ne demande pas aux hommes et aux femmes de justifier leurs ébats, non ? Pourquoi je serais différent ? Est-ce que je viens vous réclamer une raison pour aimer ? Non ! Laissez-moi ! Laissez-moi avec Seoha...
- Moonhee, c'est ça ? Demande t-il. C'est mauvais... qu'est-ce qu'on va faire de toi ? Tu imagines si on te relâche et que tu ailles t'accoupler avec tous tes amis ?
Je serre la machoire pour ne pas entrer dans son jeu, il veut que je l'insulte mais je dois rester calme. Me vois-tu ? Je te fais justice, Seoha.
- Nous ne sommes pas des animaux, je lance entre mes dents.
- Bien sûr ! Ça ne te dérangeait pourtant pas d'empêcher le gamin qu'on a tué hier de rencontrer une femme et de faire ce pour quoi on vit ; faire des gosses !
- Ferme-la !
Je racle le fond de ma gorge et lui crache dessus. Je veux le souiller, le souiller comme il l'a fait avec Seoha, l'empêcher de se regarder, de supporter sa propre existence !
-Va chier, pourriture ! je hurle à m'en déchirer la gorge.
Sans pouvoir m'agiter davantage, la peau de mon ventre se déchire. Lentement, je baisse la tête pour regader ce qu'il m'arrive.
Un couteau.
Un couteau transperce l'intérieur de mes côtes, seul le manche reste visible. Je relève les yeux sans un bruit pour observer les visages fendus de larges sourires de mes agresseurs. Une giclée de sang s'échappe de ma bouche, décorant le sol de tâches rouges vives. Comme pour finir son travail, le chef empoigne le couteau et le retire de l'entaille où il s'était logé.
Tandis que ma vision s'assombrit, le visage de Seoha traverse mon esprit. Maintenant je sais à quel point tu as eu mal... Si on n'a pas pu s'aimer ici, j'espère que là-bas on vivra heureux.
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