LGDC Tragédies ~ Cycle 2 : Spirale ~ Tome 5 ~ ○ Soleil Noir ○

| Chapitre 45 |

  « ᴄᴀ ᴠᴀ ғᴀɪʀᴇ deux jours et trois nuits que Nuage du Lion et Plume Sombre sont portées disparues... La même pour Nimbes de Jais. La situation du Clan est plus que désastreuse, sœurette, » souffla t-il. 
  Allongé sur le dos près de sa sœur, Nuage de Ronce observait le ciel étoilé avec intérêt. Il savait que, peu importe l'endroit où Pelage d'Écureuil et Nuage de Geai étaient, ils veillaient sur eux. Ça lui réchauffait le cœur rien qu'à cette pensée même s'il en était encore très affecté. 
  L'apprentie rousse se mit à bâiller et à trouver le temps long. Elle avait encore passé une journée bien remplie et un entraînement brillant au dépit de passer du temps avec ses frères ou ses camarades de tanière. 
 « On devrait dormir, non ? » proposa Nuage de l'Écureuil en refoulant ses larmes. 
  Le novice brun fut un peu déçu, il voyait de moins en moins sa sœur, mais c'était en même temps une occasion de ne pas être en retard lors de son rendez-vous nocturne avec Nuage de Rêve. Il effaça son sourire pour ne rien laisser paraître. 
  « Je te rejoins, je vais au petit coin. » 
  La rouquine hocha la tête et lui fit ''au revoir'' d'un signe de queue avant de disparaître derrière le bouquet de fougères couvrant l'entrée de la tanière des apprentis. Nuage de Ronce vérifia que personne d'autre que lui n'était réveillé pour partir du camp en catimini. Il slaloma entre les différents arbres et rejoignit la rivière. La novice du Clan du Lac l'attendait, sa queue entourant ses pattes. 
 « Salut ! lança t-il avec un sourire. 
 —  Salut, » fit-elle avec la même impassibilité que d'habitude. 
  Il se mordit la lèvre inférieur. Il avait beau la voir depuis plusieurs lunes, Nuage de Rêve ne lui avait jamais décoché un seul sourire. Après tout, elle ne savait pas comment faire, ça lui était inconnu. L'émotion que décrivait son visage était souvent de la tristesse, ses yeux étaient voilés par une profonde amertume. 
 « Au fait, je voulais savoir, mais tu ne m'a jamais répondu... commença t-il. Pourquoi toi et Nuage de Glace vous êtes malheureuses ? » 
  L'apprentie tricolore se mit à contempler le sol et à soupirer. Elle éprouvait toujours ce même chagrin profond et amer en pensant à sa sœur. Elle garda un moment le silence. Durant ce dernier, Nuage de Ronce pu entendre son pouls devenu lent. 
 « Nuage de Glace peut lire dans les pensées des autres et cela a rendu notre mère folle. Les autres apprentis l'évitent mais quand elle était chaton ils la traitaient de monstre. Maintenant c'est les guerriers qui la traitent comme ça. J'essaie de la protéger comme je peux... mais... je n'ai jamais réussi à la voir sourire, et je n'ai jamais réussi non plus. J'aimerai tant pouvoir y faire quelque chose... mais elle n'a aucun ami. Voilà pourquoi, » conclut-elle, une lueur pâle dans le regard. 
  Le jeune félin du Clan de la Plaine eut énormément de peine pour son amie. Le cœur battant la chamade, il lui donna un coup de langue sur l'oreille, mais elle se leva et fit un mouvement de recul. Elle se sentait un peu trop proche de lui, tout d'un coup, ça n'allait pas ! 
 « Nuage de Ronce... Nous sommes seulement amis, pas vrai ? » 
  L'intéressé eut bien du mal à cacher sa déception. Si elle ne le considérait que comme un ami, il en aurait bien mal au cœur, mais en même temps, il comprenait sa décision. 
 « O-oui, si tu veux... Même si j'avoue que... je t'aime... avoua t-il. 
 —  Il me semblait bien l'avoir comprit, déclara t-elle d'un ton froid, puis elle le regarda dans les yeux. Je ne veux pas être bannie à cause d'une relation interdite, et ce pour une seule et unique raison ; je serai toujours là pour ma sœur quoi qu'il arrive, et ça, je lui ai promis. 
 —  Je comprends bien... » 
  Il savait que de toute façon, ces histoires-là se finissaient mal. Il n'avait pas à reprocher à Nuage de Rêve son refus. Si tel était sa décision, il l'acceptait. Ils restaient toujours amis, alors à quoi bon ? 
 « ...Et je pense qu'il faudrait mieux que l'on soit amenés à ne plus nous revoir, » reprit la femelle tachetée. 
 —  Mais... » voulut-il protester, ses yeux s'emplissant de larmes, mais il bascula en arrière avant d'avoir pu continuer sa phrase. 
  Il eut l'impression de s'étrangler avec sa salive et réalisa qu'il avait encore une crise. La jeune chatte s'affola et le tint contre le sol tout en appuyant sur ses poumons pour l'aider à respirer. Puis, elle poussa sa langue du bout du museau pour éviter qu'il s'étrangle avec et nettoya la bave. Elle était toujours précautionneuse dans ces moments-là. Sa crise finit par se calmer et il dû avoir le temps de reprendre son souffle quelques instants tandis qu'elle l'aidait à se relever. Il toussa un peu puis regarda sa sauveuse avec un sourire pour la remercier. Pour cette dernière, son air avait changé. Elle semblait montrer une certaine tendresse. 
 « Désolée, Nuage de Ronce de ne pas l'avoir remarqué mais... j'ai vraiment l'impression que tu as besoin de moi malgré tout... marmonna t-elle, les yeux baissés. 
 —  Non, ne t'inquiète pas... Tu n'es pas obligée d'accepter de m'aimer. Mais j'aimerai qu'on continue à se revoir quand même, si ça ne te dérange pas... 
 —  Bien sûr, accepta t-elle, les yeux brillants d'une lueur indéchiffrable. Pour le moment, je vais rentrer chez moi. A demain. » 
  Il la regarda un moment disparaître derrière la rivière et lança : 
 « A demain ! » 

~°~

   De son côté, Nuage de Harpie attendait toujours Nuage de Souffre. Ce n'était jamais son genre d'arriver en retard. Pessimiste comme elle était, plus le temps passait, plus le désespoir l'envahissait. Elle avait beau se répéter qu'il se faisait sûrement retenir par Etoile de Frayeur, elle n'arrivait pas vraiment à se convaincre. Après tout, elle n'avait pas pu venir ces derniers temps après la bataille...

  La bataille ? repensa t-elle. Et si... Oh non... Il est quand même pas... Ses yeux s'emplirent de larmes. Aucune trace de sa douce odeur, même datant des dernières nuits, n'était présente. Il... non, c'est pas possible... il ne peut pas être... mort ! Emplie d'amertume, la noiraude retourna à la combe, clopin-clopant.