LGDC Tragédies ~ Cycle 2 : Spirale ~ Tome 5 ~ ○ Soleil Noir ○

| Chapitre 46 |

     ᴘᴇᴛɪᴛᴇ ᴄᴇɴᴅʀᴇ sᴇɴᴛᴀɪᴛ ses yeux la brûler tout d'un coup. Elle se lécha la patte et se la passa frénétiquement sur ses paupières. Elle cilla plusieurs fois, elle avait l'impression que sa vision était devenue légèrement trouble. Déboussolée, elle fit quelques pas et entendit un couinement de protestation. Elle se tourna et vit un chat blanc avec des taches d'une couleur qu'elle arrivait à peine à identifier. 
 « Oh, désolée, Petite Question... 
 —  Moi c'est Petit Lièvre, » répliqua l'intéressé. 
  Elle ferma un moment les yeux et les rouvrit. Sa vision s'était stabilisée. Qu'est ce qu'il s'est passé ? se demanda t-elle, confuse. Elle regarda Petit Lièvre en louchant un peu. 
 « Dé-désolée ! s'excusa t-elle. 
 —  Pas grave ! Regarde où tu vas la prochaine fois ! » 
  Elle hocha la tête et braqua son regard sur la barrière de fougères et de ronces qui recouvrait l'entrée de la pouponnière pensivement. Elle devrait sûrement parler de cela à une guérisseuse, mais, maintenant que Plume Sombre était portée disparu, elle trouverait ça plutôt ennuyant d'entendre Pluie d'Étincelles parler. Elle chancela un peu puis se dirigea vers l'extérieur. Seul Petite Question et Petit Lièvre restaient dans la pouponnière avec les reines, ils avaient eu du mal à s'endormir la nuit dernière. 
  Elle sourit en voyant Petite Chute et Petite Lune bavarder de tout et rien. Elle les appréciait beaucoup, elles étaient incroyablement gentilles. Elle pouvait les entendre de là où elles étaient, parlant des chatons de Plume de Fouine nés il y a tout juste cinq jours ; Petite Fouine, Patte en Or et Petite Colombe. C'est vrai, ils sont adorables ! Elle avait hâte qu'elles ouvrent les yeux. Elle préféra les laisser entre sœurs et s'éloigna. 
  Elle continua son chemin en s'absorbant dans l'admiration du sol aux herbes fanées. Elle se cogna contre une grande patte et entendit un lourd fracas dans la poussière. Par chance, elle n'eut pas mal et ne trébucha pas. Elle se retourner pour savoir qui était tombé. C'était une guerrière grise mouchetée et elle reconnut facilement Onde de Chance. C'est normal, elle est aveugle, songea la chatonne gris cendre. 
 « Pardon, » lança la chatte mouchetée sans se retourner. 
  La petite femelle la regarda un moment. Onde de Chance ramassa quelques plumes et quelques brins d'herbes puis repartit. Elle avait déjà croisé ses iris bleus et avait un regard si perçant qu'elle avait toujours eu l'impression qu'elle la voyait malgré sa cécité. Prise de curiosité, Petite Cendre la suivit et entra ainsi dans la tanière des guerriers, vaste et pleine d'arômes de fleurs. Onde de Chance garnit un nid soigneusement.
 La jeune femelle admira sa patience et sa rigueur à faire un travail aussi ennuyant et pénible. En le finissant, Onde de Chance poussa un soupir fatigué, puis elle quitta la tanière en traînant les pattes pour se diriger vers celle des apprentis. Petite Cendre eut un instant de la peine pour elle, puis eut une idée. Elle fila hors du gîte et coupa Petite Chute et Petite Lune en pleine conversation. Elles sont toujours prêtes à tout pour aider les autres, songea t-elle. 
 « Hé ! protesta Petite Chute glacialement. J'espère que c'est pour une bonne raison que tu nous interrompt ! 
 —  Ne soit pas si dure ! la réprimanda gentiment Petite Lune. Je suis certaine que Petite Cendre a une idée à nous exposer. » 
  La chatonne rousse baissa la tête et murmura un "désolé" d'un air penaud. Sa sœur lui sourit et lui donna une pichenette du bout de la queue pour la réconforter. La petite femelle mouchetée releva la tête et afficha un air amusé. Petite Cendre regarda ses deux camarades, ses moustaches frétillantes d'amusement. 
 « En fait, je pensais que l'on pourrait aider Onde de Chance à finir les nids. Elle a l'air fatiguée, et plus vite son travail sera fini, plus vite elle pourra se reposer, expliqua la chatonne cendrée. 
 —  Bonne idée ! s'écrièrent-elles à l'unisson. 
 —  Super ! Des questions ? 
 —  Je peux te poser une question ? » fit Petite Question, qui venait d'arriver avec Petit Lièvre et Patte Ternie. 
  Petite Lune se tourna vers son frère et se mit à pouffer. 
 « Ben... Tu viens d'en poser une ! » s'esclaffa t-elle. 
  Petite Chute la suivit dans son rire, imitée par Petite Cendre et Petit Lièvre. Patte Ternie était toujours aussi impassible et Petite Question parut frustré. Il prit un air boudeur. 
 « Mais euh ! 
 —  Soit pas vexé frérot, miaula gentiment Petite Lune. 
 —  Pose donc ta question, s'enquit Petite Cendre en rompant son éclat de rire. 
 —  Pourquoi t'a confondu Petit Lièvre avec moi tout à l'heure ? » demanda t-il, ses yeux bleus et ronds emplis de curiosité. 
  Petite Cendre tenta de rapidement improviser. Elle ne savait pas vraiment ce qui lui était arrivé ce matin pour se tromper entre le physique des deux chats et préférait paraître crédible. 
 « Je voyais un peu flou, désolée... s'excusa t-elle. 
 —  Pourquoi ? questionna t-il encore. 
 —  Petite Question... soupira Petit Lièvre. 
 —  Quoi ? 
 —  Ne pose pas de questions sans réponse, Petite Cendre ne sait pas tout... » 
  Le chaton tacheté de noir hocha la tête et prit une mine sérieuse et froide. Comme le silence qui régnait la rendait mal à l'aise, Petite Cendre reprit : 
 « Bref, c'est pour aujourd'hui ou pour demain ? 
 —  Aujourd'hui évidemment ! On va pas attendre demain ! Venez on fait la course ? proposa Petite Chute. 
 —  Carrément ! approuva sa sœur. 
 —  J'opte ! » fit Petite Cendre. 
  Petite Chute fut ravie. Elle se tourna vers son frère et lui expliqua ce qu'il se passait avant qu'il ne pose la question. Il était peu attentif, parfois. Puis, elle regarda Patte Ternie. Ce dernier était toujours de marbre. 
 « Tu dois donc courir avec nous et arriver le plus rapidement possible à la tanière juste là-bas, lui indiqua t-elle. Ça marche ? 
 —  D'accord, » fit-il en se mettant à la hauteur de ses camarades pour se préparer à courir. 
  Elle se plaça sur la ligne de départ et attendit un moment avant de lancer le top départ. Ils démarrèrent tous en même temps mais Petite Chute et Petite Lune furent un peu à la ramasse. Petit Lièvre était juste devant eux et à leur grande surprise, ce fut Patte Ternie qui fut en tête, bien que Petite Cendre le talonnait de près. Il fut le premier à arriver dans la tanière des apprentis, où Onde de Chance s'était installée pour refaire un nid. 
  Petite Cendre se glissa près de la guerrière et observa un moment ses yeux bleus clairs aveugles. Elle lui donna un petit coup sur la patte pour faire remarquer sa présence. 
 « Coucou Onde de Chance ! On est venus t'aider ! 
 —  M'aider ? répéta la chatte grise mouchetée. 
 —  Faut bien que tu te reposes après ! Du coup on te ramène quoi ? » 
  Onde de Chance décrivait les fleurs et les feuilles à ramener ainsi que les plumes afin que les litières soient les plus confortables et douillettes possibles. Petite Cendre avait hâte de mettre cœur à l'ouvrage ! 
 « On va te chercher tout ça ! promit la petite femelle en s'éloignant. Ne bouge pas ! » 
  Elle rejoignit rapidement son groupe pour leur donner des instructions. 
 « Bon, moi je vais chercher les plumes, Petite Chute tu vas chercher de la mousse sèche, Petite Lune tu vas chercher des feuilles d'arbres fruitiers, ce sont les plus douces, Petit Lièvre tu vas chercher des marguerites, des coquelicots et des boutons d'or, Patte Ternie tu vas chercher des fougères et Petite Question tu vas chercher de la paille et de l'herbe ! 
 —  Pourquoi ? bougonna t-il. 
 —  Tu le sauras plus tard ! » assura Petite Chute en le pressant d'un signe de queue. 
  Les chatons se dispersèrent chacun de leur côté, tous leurs sens en éveil et toute leur énergie prête à être utilisée afin d'aider la guerrière aveugle.