Bonus 3.

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Comme si on lui avait enlevé un membre, il avait l'impression de boiter. De se déplacer en zigzaguant d'un sens à l'autre, avec cette sensation d'être gauche et maladroit, de ne plus savoir où était sa place, où s'asseoir, comment sortir ses affaires de son sac.

Se maudissant de tout son être, essayant de se reconcentrer dans cette nonchalance qui faisait pourtant sa personne, il essayait de redevenir le maître de ses gestes et de toutes ses pensées. Cependant, il y avait ce bureau de premier rang, vide, qui lui rappelait alors qu'un chapitre venait d'être tourné.

La tête haute, ses camarades ne devinaient pas la bataille mentale qu'il était en train de mener, ainsi que le torrent d'interrogations qui le submergeait. Bien sûr, il était conscient que ce qu'il avait ressenti était plus que de l'amitié, mais jamais il n'aurait soupçonné que cela soit si douloureux.

Si la veille il avait perdu ses moyens en se comportant de cette façon-là, il n'avait pas pensé que cette désagréable sensation de perte de contrôle allait encore le suivre le lendemain. Peut-être que ce n'était que l'affaire d'une journée, songeait-il, et que tout allait redevenir à la normale très rapidement.

Mais que signifiait « à la normale » pour lui ? Jusqu'alors, sa normalité était de traîner dans les couloirs à la pause avec cette discrète présence à ses côtés, de manger le déjeuner en face d'une silhouette aux longs cheveux et de parler de temps à autres des devoirs de la journées accompagné d'une autre voix plus douce que la sienne. Qu'allait être sa normalité dorénavant ? A ce jour, le jeune garçon ne voyait que le vide, le vide, et encore le vide.

Trois années de vide, aussi longues les unes que les autres, faite de matières basiques et d'enseignements aussi classiques qu'ennuyeux. Bon élève, il allait passer ces années haut la main, comme coincé sur une péniche qui avance sur l'eau, mais au ralenti.

Cette morose perspective d'avenir l'avait déjà frappé de plein fouet en début de cette année-ci, à la réception d'un courrier lui annonçant le refus de son admission. Un score pas assez élevé pour eux, une sacrée mascarade pour lui.

Il s'était alors habitué à cette idée d'ennui perpétuel, gardant dans le coin de sa tête d'une possibilité de changement, incarnée par ce fameux Championnat. Il avait mis un pied dans cet immense établissement avec cette appréhension d'un avenir aussi plat qu'ordinaire, un avenir qui correspondait à ceux qui l'entouraient, mais pas à lui, ni à elle.

En un sourire, en une seconde, le futur lui avait paru moins lourd, moins pesant, moins ennuyeux. Il avait d'abord pensé à ce Championnat qui aurait pu changer sa vie et la sienne, puis à ces moments qui les attendaient de l'autre côté de la barrière et qu'ils pourront vivre, chacun de leur côté, puis partager, ensemble. Et plus les jours défilaient, plus l'échéance arrivait, et les doutes de réussite également.

Elle lui disait qu'elle n'était pas sûre d'être à la hauteur, que peut-être elle allait rester là où elle était, mais elle l'encourageait quand même, confiante en sa réussite. Si elle avait pu voir l'avenir à ce moment-là...

Et alors qu'elle exprimait ses doutes, lui s'était mis à songer à l'avenir sans changement. Si tout restait à l'identique, si rien ne changeait pour l'un comme pour l'autre et que les jours continueraient à défiler comme ils défilaient à ce moment, et cette idée ne l'avait pas dérangée plus que ça.

La rage de perdre l'avenir qu'il pensait être pour lui avait été une idée qu'il avait toujours détestée, mais la perspective de rester dans son petit train-train quotidien lui paraissait alors moins difficile à porter. 

Cependant, rien ne s'était passé comme prévu.

Il avait échoué là où elle avait réussi, et son futur était devenu plus lourd encore.








L'adolescent se leva de sa chaise de bureau, rangea ses affaires et quitta la salle de classe. Les heures de la journée avaient défilé sans qu'il ne s'en rende vraiment compte, plongé dans un épais brouillard rempli de grisaille. Il avait suivi les cours avec assiduité, comme à son habitude, et c'était comme un robot qu'il avait couvert ses pages de cahiers de notes de leçons.

Enfin, il sortait de sa classe, sans personne juste à côté de son épaule, et se mit à marcher en direction de la sortie.

Le regard fixé sur le sol, il ressassait l'évènement de la veille, entre culpabilité et regret. Culpabilité d'avoir osé faire cela, regret d'avoir été si lâche. Il l'avait fait, mais sans qu'elle ne le sache vraiment, et maintenant il devait se débrouiller tout seul avec ce souvenir-là.

« Shinso Hitoshi ? »

Réveillé de ses pensées et de cette image diffusée en boucle dans son esprit, le jeune garçon releva la tête du sol. A cinq pas de lui, le professeur Aizawa le fixait de son regard froid.

Hitoshi ne dit rien, surpris de voir le héros professionnel s'adresser à lui et quelque peu mal-à-l'aise d'avoir le père de la jeune fille juste en face de lui. Rapidement, il se rappela que les yeux des Aizawa permettaient seulement d'annuler les alters, et non pas de lire les pensées.

« Oui ? répondit simplement le jeune garçon. »

Le professeur lui fit signe de le suivre, ce que l'adolescent fit sans sourciller. Bien que méfiant, comme à son habitude, Hitoshi sentait au fond de lui que quelque chose d'important allait se passer et que son avenir morose était sur le point de changer.

Haruka Aizawa (Partie 3) [MHA]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant