𝓐ssis près du feu et serré contre Téo, Kan resserra son plaid autour de son grand corps froid. Il commençait tout juste à sentir son nez de nouveau, mais ses joues étaient encore rouges de la bataille qui venait de finir – et que leur équipe avait gagnée.
Les autres enfants parlaient encore de leur jeu entre eux, pendant que des servantes allaient et venaient avec des tasses de lait chaud au miel et quelques gâteaux. L'orphelinat avait sa petite tradition, chaque hiver, après les sorties de ses pensionnaires.
Effectivement, à peine rentrés de joyeuses festivités à l'extérieur, les Merveilleux se rendaient dans le salon, où il faisait chaud la journée. Ils sortaient les couvertures, s'enroulaient dedans tout en s'asseyant près du feu. On leur donnait alors lait chaud et gâteaux, qu'ils buvaient et mangeaient tandis que Mme Griflyn allait chercher un conte à leur lire. Puis elle prenait place sur une chaise face à eux, leur lisait son livre.
Téo s'endormait souvent sur l'épaule de son frère, bien qu'elle promettait à chaque fois qu'elle resterait éveillée jusqu'au bout de l'histoire. Cela l'attendrissait à chaque fois. Il n'avait peut-être que quelques mois de plus qu'elle, il aimait pouvoir se dire que l'aîné, c'était lui, et que c'était à lui de la protéger.
Maintenant qu'il savait qu'il était capable de tout mémoriser, il avait bien l'intention de garder une trace de ces bons moments.
Le silence se fit lorsque Mme Griflyn entra dans le salon. Tous les Merveilleux se rapprochèrent de la directrice, des étoiles plein les yeux. Ils adoraient tous, quel que fut leur âge, ce moment de partage – même si la moitié s'endormait avant la fin.
– Tout le monde est là ? demanda la vieille femme.
– Oui madame, répondirent-ils en chœur.
– Bien. Aujourd'hui, je vais vous lire le conte des trois cercles.
Le cœur de Kan bondit en reconnaissant leur histoire favorite, à sa sœur et à lui (d'ailleurs, il entendit cette dernière lâcher un petit « génial » enthousiaste). Quand il était tout petit, il fallait absolument que quelqu'un lui lise ce conte avant de se coucher, ou il ne parvenait pas à s'endormir. Au début, il avait demandé à un des plus vieux garçons de son dortoir de le lui lire, ce qu'il faisait volontiers. Mais il était vite devenu majeur, et était entré dans le monde, quittant les Merveilles. En conséquence, c'était une servante affectueuse que les orphelins adoraient qui lui racontait son histoire. Puis, lorsqu'il avait su lire, on avait refusé de continuer ce rite, prétextant qu'il était assez grand pour lire seul.
– Autrefois, commença Mme Griflyn, il y a bien longtemps, les trois cercles étaient plus unis qu'en notre temps. Il n'était pas rare de voir un humain du cercle inférieur s'entendre à merveille avec un Lion du cercle supérieur, ou un Scorpion de ce même cercle avec un demi-dieu du cercle astral.
« Dans ce temps vivaient deux jeunes hommes et une jeune femme. Depuis des années, ils étaient les meilleurs amis du monde. Il y avait le Métamorphe prénommé Wuly, la Balance qui s'appelait Beryna et le demi-dieu Absolyn. Ils étaient inconscients, ce que leur reprochaient souvent leurs proches. Mais ils n'en avaient que faire, tant ils s'amusaient.
« Un jour, ils eurent la sottise de provoquer un membre de cette confrérie disparue appelée Vengeur sans s'en rendre compte. Conscient de l'insulte qui lui avait été faite, le Vengeur punit les trois jeunes. Ainsi, pendant la nuit, il s'introduisit dans la chambre de la jeune Beryna, et la tua sans scrupule.
« Apprenant sa mort, sa famille et le village accusèrent Wuly et Absolyn de l'avoir tuée. Ne pouvant prouver leur innocence, les deux amis décidèrent de trouver le Faucheur, dieu de la Mort, eux-mêmes. Ils étaient décidés à récupérer l'âme de leur amie.
« Mais pour se rendre en Infernyn, royaume des morts, Absolyn et Wuly devaient subir de nombreuses épreuves. Ils devaient se rendre dans le bois aux spectres, plonger sans hésiter dans le lac des pleurs, et nager avec détermination vers le fond, avant de trouver la réponse à l'énigme d'un Tenebris particulièrement acariâtre.
« Ils passèrent sans problème les deux premiers obstacles, mais furent arrêtés dans leur élan par l'énigme du Tenebris, qui était la suivante :
Le matin tu ne me crains pas comme la peste.
A peine doutes-tu de mon existence.
Pourtant je te guette en permanence.
Et dès que tu me vois, tu me détestes.
Un jour, peut-être, de moi tu te débarrasseras.
Regarde-moi bien en face et tu me trouveras.« Absolyn et Wuly réfléchirent plusieurs jours durant, sans trouver la réponse. Le Métamorphe avait réécrit l'énigme sur le sol pour mieux visualiser. Ainsi, chacun leur tour, les deux amis demeuraient des heures entières à fixer le sol.
« Un jour que l'énigme l'agaçait, Wuly lança le bâton qu'il tenait à la main, le faisant atterrir d'une manière particulière sur le paragraphe écrit à même le sol. Absolyn, qui avait pris le relais, se baissa de façon à enlever le bâton, lorsqu'il remarqua quelque chose qui lui était resté invisible depuis le début.
« Il appela Wuly, et lui répéta la dernière phrase en accentuant un unique mot. « Regarde-moi bien en face et tu me trouveras ». Effectivement, si l'on regardait en face la première lettre de chaque ligne, ils pouvaient voir apparaître le mot la peur. C'était tout simplement un acrostiche. Sûrs de leur réponse, ils énoncèrent la solution à l'acariâtre Tenebris, qui les laissa passer.
« Ils rentrèrent ainsi en Infernyn, où ils trouvèrent sans difficulté le Faucheur. Celui-ci, stupéfait de voir des êtres vivants dans son royaume de mort, leur demanda ce qui les amenaient. Ils demandèrent au Faucheur de leur rendre leur amie. Et lui, que gagnait-il à leur rendre l'âme de Beryna ? Absolyn lui offrit l'immunité à toutes les maladies qu'il avait acquis à sa naissance, et Wuly lui annonça qu'il ne se métamorphoserait plus et n'irait plus à Mystena, le royaume des Métamorphes, pendant deux siècles, ce qui représentait de sévères châtiments.
« Le Faucheur accepta le marché, cependant, il ne pouvait pas remettre l'âme de Beryna dans son corps d'origine, car il était trop abîmé par la faute du Vengeur, mais aussi mort depuis trop longtemps. Ainsi, il prit le corps d'une Minome décédée moins d'une heure auparavant, et inséra l'âme de Beryna à l'intérieur.
« Les amis, de nouveau trois, repartirent de l'Infernyn, et furent lavés de la mort de Beryna, qui était de nouveau en vie. Grâce à eux, nous savons désormais que l'amitié et l'amour sont des présents très précieux, plus puissant que la Mort elle-même, termina Mme Griflyn.
La plupart des jeunes orphelins – dont Téo, sans grand étonnement – s'étaient endormis. Kan avait les yeux grands ouverts, encore plongé dans l'histoire. Depuis son plus jeune âge, il rêvait de rencontrer les trois héros de l'histoire, tout comme sa sœur. Malheureusement, personne ne savait s'ils étaient encore seulement en vie. Pourtant, il sentait dans son for intérieur qu'ils étaient encore de ce monde.
Kan s'étira, avant de s'installer confortablement contre Téo, et s'endormit paisiblement, en faisant de doux rêves.
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Publié le 01/01/2021
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Bonjour (et bonne année) à toutes et à tous !Voilà mon cadeau en ce début de nouvelle année: le prologue et le premier chapitre de ma nouvelle histoire !
La suite n'arrivera pas tout de suite, mais je voulais tout de même vous donner un avant-goût de ce que j'écris depuis plus d'un an maintenant !
Et soyez rassurés: je suis en pleine réécriture et bêta-lecture du premier tome. Donc une fois tout ça terminé, je commencerai à publier le premier tome !
Allez, c'est tout pour aujourd'hui !
J'espère que ça vous a plu,
Marie-E. Blue
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Corrigé le 13/06/2021 grâce à MarieSomville
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Petite information liée à la correction ! Lors de cette dernière, j'ai introduit la notion de « psylina ». Celle-ci n'était pas présente à l'origine. Ainsi, pour ne pas trop perturber les nouveaux lecteurs, je tiens à signaler que « psylina » remplace « espèce ». À la différence que la psylina est l'essence caractérisant les capacités de chaque être vivant.Voilà, vous savez tout !
Marie-E. Blue
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L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]
Fantasy« Ils sont quatre. Certains ne se connaissent pas. Et pourtant, les fils de leur vie sont indéniablement noués entre eux. Jillan souhaite l'égalité de tous. Meilleur Espion de sa confrérie, ancien Apprenti d'une sénatrice, il reste cependant...