– 𝓣u vois ces Gardes, postés à intervalle régulier ? questionna Chouette.
Dans le couloir de marbre blanc, ils étaient facilement repérables, malgré le fait que les lieux étaient bondés. Avec leur uniforme alizarine, ils ne passaient pas inaperçus, et Téo réalisa alors que cette couleur signifiait aussi que c'étaient des lions. D'ailleurs, l'anneau d'ambre accroché à leur oreille le confirmait.
Dans ses livres sur les membres du cercle supérieur, elle avait apprit que ce petit bijou servait à empêcher tout lion d'en contrôler un autre. Une fois passé dans un minuscule trou semblable à ceux que l'on faisait pour passer des boucles d'oreilles, l'anneau était refermé à l'aide d'un mélange d'ambre liquide durcissant en refroidissant. L'arracher à l'oreille par la force sembler être le seul moyen de le retirer, mais cela était considéré comme un sacrilège. Il s'agissait en quelque sorte d'une mesure de sécurité supplémentaire.
Téo hocha la tête à la question de sa Mentor personnelle, tout en s'efforçant de ne pas dévisager les Gardes. Elle jouait un rôle, ce n'était pas très différent de ses cours, alors pourquoi angoissait-elle ?
Peut-être parce qu'elle était en train de faire sa première vraie mission. Une erreur de sa part, et tout pouvait échouer.
Elle était surprise de ne pas être encore tombée dans les pommes sous la pression.
– Toutes les deux heures, la garde suivante prend le relais, expliqua à voix basse Chouette. Ainsi, il y a un petit moment de flottement, et c'est à ce moment-là qu'on agira. Et d'après mes calculs, cette relève sera dans un dizaine de minutes. Je te propose donc qu'on se dirige vers la bibliothèque – c'est par-là qu'on trouvera le bureau le plus difficile d'accès d'un des plus hauts responsables de la Caste.
Téo acquiesça de nouveau, son regard brun volant de droite à gauche. Elle essayait d'inscrire le moindre détail dans son esprit. Un des couloirs était légèrement plus étroit que les autres. Là, un Garde à la peau constellée de grains de beauté et en gris perle piquait du nez, et s'appuyait contre une colonne en pensant qu'on ne le voyait pas. Aux endroits où l'on apercevait le sol, on pouvait également voir les couleurs provenant du vitrail du plafond. D'ailleurs, Téo reconnut les couloirs caractéristiques des trois espèces formant la Caste : le rouge alizarine des lions, le bleu céruléen des vierges, et le gris perle des sagittaires.
Elle siffla quand quelqu'un la bouscula, et regretta d'être si petite ; malheureusement pour elle, elle avait les yeux au niveau des dos de tout ce beau petit monde, et elle espérait ne pas perdre Chouette en route. Mais le pire, c'était qu'à ce niveau, elle recevait en plein nez les différentes odeurs corporelles du public. Et avec l'été, elles étaient loin d'être agréables. Elle se mit à respirer par la bouche.
– C'est l'heure, lui glissa Chouette. Suis-moi.
Téo s'exécuta, tout en se concentrant sur la silhouette de la Mentor. Elle faisait tellement attention à ne pas la quitter des yeux, que ce fut avec une surprise non feinte qu'elle réalisa qu'elles avaient quitté la foule. Elles étaient en train de marcher à toute vitesse dans un couloir vide, juste après avoir grimpé plusieurs escaliers.
– Grouille-toi, la relève va pas tarder.
Soudain, Chouette s'arrêta devant une porte, et enleva ses épingles-crochets tout en s'accroupissant. Pendant ce temps, Téo faisait le guet, tendant l'oreille ; les couloirs étaient grands et vides, donc elle entendrait sans doute quelqu'un arriver avant de le voir. D'ailleurs, le bruit du loquet que l'on déverrouille résonna dans l'immense vide.
Elle n'attendit même pas l'ordre de sa Mentor personnelle, et se tourna brusquement avant de foncer dans la pièce.
Une fois à l'intérieur, elle ne put retenir une exclamation d'émerveillement. Tout le bureau était dans les tons gris, et de grands et lourds rideaux à moitiés fermés masquaient la vue sur la cité. Un magnifique bureau en ébène trônait au milieu de la pièce, sur des tapis chamarrés qui semblaient être précieux, de facture étrangère, à leurs étranges motifs symétriques. Quant aux murs, ils étaient couverts de livres. Tout dans ce lieu sentait la richesse et la culture. Le seul défaut que pouvait noter Téo était le fait qu'il semblait froid et vide de vie.
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L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]
Fantasy« Ils sont quatre. Certains ne se connaissent pas. Et pourtant, les fils de leur vie sont indéniablement noués entre eux. Jillan souhaite l'égalité de tous. Meilleur Espion de sa confrérie, ancien Apprenti d'une sénatrice, il reste cependant...