Chapitre 22.II

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  𝓑uulo, située en Jowel et appartenant aux verseaux, était sans aucun doute la cité la plus pauvre de l'Astriale. Bien qu'elle se trouvait près du lac des Miracles, et qu'elle soit la cité welienne la plus au nord, il y faisait une chaleur lourde et pesante en début de Loniner.

  Cela ne dérangeait pas Jillan. Cependant, aux murmures contrariés de Narval, un jeune Espion prénommé Domeron, et aux joues rouges d'Emyria et Téonary, il devinait que ce n'était pas le cas pour tous.

  Jillan jetait des regards curieux aux rues de Buulo. Une couche de terre craquelée et qui partait en poussière recouvrait les pavés, lorsque ceux-ci n'étaient pas déchaussés. On retrouvait également du sable, tout droit issu des déserts de feu situés à l'est, transporté par les chaudes bourrasques. Les bâtiments, souvent bien moins résistants que ceux d'Opaltys, penchaient. Le bois qui les constituait semblait si sec, qu'il ne faisait aucun doute que de nombreux incendies arrivaient. D'ailleurs, une odeur de brûlé flottait dans l'air, écœurante.

  Dans les recoins, à l'ombre, de nombreux sans-abris semblaient sous-alimentés, tandis que leurs vêtements partaient en lambeaux. Heureusement, la plupart ne semblait pas malades, certainement parce que de nombreux verseaux, souvent médecins à cause de leur don d'immunité face aux maladies et reconnaissables à leur tenue lavande, patrouillaient.

Cela était déjà horrible, mais ce n'était rien à côté de l'odeur. Bien qu'on ne voyait rien dans les rues les plus sombres, Jillan savait à coup sûr quand est-ce qu'il y avait un cadavre en décomposition. Il le devinait aussi aux animaux errants qui s'échappaient des ruelles, la truffe pleine de sang et de la viande dans la gueule. Cette odeur, ajoutée aux relents de mauvais alcools qu'on percevait lorsque l'on passait devant les tavernes, donnait la nausée à la petite bande d'Espions.

  Jillan n'était pas retourné dans cette cité depuis qu'il avait quitté son orphelinat, et il aurait bien aimé ne jamais y revenir, étant donné tous les mauvais souvenirs qu'il y avait accumulé. Cela ne lui avait pas manqué. Cependant, il ne pouvait s'empêcher de repenser aux dires d'Omâhn Djêtyhous. Jillan pourrait très bien vérifier s'il était bel et bien le fils de Mowee Lejiner.

  Il verrait s'il avait du temps, après sa mission.

  Cela faisait déjà trois semaines qu'il avait déchiffré le parchemin ocre de la première épreuve. Celle-ci, en soit, ne paraissait pas compliquée, au premier abord ; on avait donné à Jillan une mission. Or, contrairement à ce dont il était habitué, c'était à lui de construire son équipe pour se rendre à Buulo.

  Car dans l'épreuve de la décision, il fallait être capable de prendre une décision. Logique, en soi.

  Quand il avait donné sa réponse à Loup, celui-ci avait comprit le choix de prendre Emyria, qui était, malgré ses seize ans, une très bonne Espionne. Il avait cependant été dubitatif quand il avait apprit que Jillan souhaitait également emmener Téonary et Narval – constituant ainsi une équipe de jeunes Espions, avec en plus une Apprentie.

  « Narval est excellent au tir à l'arc, à l'arbalète, et au lancé de couteaux ; il m'est donc nécessaire pour cette mission. Quant à Téonary, c'est à moi qu'on a confié son apprentissage, pendant que Chouette est en convalescence. Et je pense qu'il faut qu'elle retourne au plus vite en mission pour ne pas faire un blocage », avait-il expliqué.

  Face à ce raisonnement plus que logique, Loup n'avait rien à répondre. De toute façon, il n'en aurait pas eu le droit, étant donné qu'il s'agissait d'une épreuve de Supérieur.

  – J'ai chaud, se plaignit Narval.

  Jillan s'apprêtait à lui dire qu'il n'était pas le seul, mais il n'eut pas le temps, un bruit d'eau ayant retentit. Lorsqu'il se retourna, Téonary était sur la pointe des pieds, sa gourde retournée, et son contenue trempant les cheveux et le visage de Narval.

L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant