𝓙illan supporta sans rien dire les jérémiades de Zym.
Cela faisait déjà une dizaine de minutes qu'il se plaignait de Fennec et Chouette, mais il refusait de dire quoi que ce soit sur ce qui l'agaçait. En conséquence, Jillan ne pouvait pas le calmer en trouvant les bons arguments.
À la place, il défendait donc les deux Mentors. Après tout, il était bien placé pour savoir que son ami n'était pas modèle de sagesse.
— Un jour, je leur ferais ravaler leurs remarques désobligeantes, râlait Zym tandis qu'ils se rendaient tous deux au réfectoire.
Jillan l'avait croisé dans le couloir des appartements des Espions, alors qu'il sortait de sa chambre. Il connaissait assez bien Zym pour voir quand celui-ci était sur le point de vouloir détruire l'Upsylone entier pour le reconstruire à sa guise.
— Le seul moyen de pouvoir t'opposer à eux sans risquer de sanction serait de devenir Mentor également. Et est-ce que je dois te rappeler que tu as interdiction de passer ton Supérieur ? fit remarquer Jillan.
— Par tous les dieux ! Jill, t'aurais pu en effet t'abstenir de me le rappeler. Dire que je fais partie des meilleurs de cette confrérie ! Tu savais qu'ils sont contre parce qu'ils m'ont jugé mentalement « instable » ?! Ça me révulse à chaque fois que j'y repense !
— Étoile, je le savais. Tu le dis à chaque fois, Zym. Et à chaque fois, je te réponds que faire des erreurs est possible.
Zym renifla avec un mépris non caché. Jillan savait ce qui allait venir. Cette conversation, ils l'avaient eu des dizaines de fois. Les seules variantes arrivaient lorsque Emyria prenait part au débat. Or, elle n'était pas là.
— C'est pas une erreur de leur part ! repartit de plus belle Zym. Ils ont prémédité leur coup, ces âmes noires de Mentors !
— Fais attention à ce que tu dis.
— Oh ! Arrête de te prendre pour ma mère et de me faire la morale, Jill ! Les Mentors utilisent le pouvoir qu'on leur attribut, et ils choisissent les futurs Mentors. C'est un complot, j'en suis certain ! Ils ont pas voulu de moi parce qu'ils ont compris que je les ai percé à jour !
— Tu es beaucoup trop paranoïaque. Et hystérique. Et complotiste.
— C'est ça ! Tout de suite, c'est moi qui suis paranoïaque ! Je suis prêt à parier que toi, tu pourrais devenir Mentor sans mal.
Jillan le regarda en coin en haussant un sourcil. Était-il sérieux ? Lui, Mentor ? Ah ! Jamais ! Tout le monde l'évitait comme la pourwatud, surtout les Apprentis. Même Corbeau était plus apprécié que lui, alors qu'il était la personne la plus ronchonne qu'il ait jamais vu !
Certes, il avait les capacités pour devenir Mentor — enfin, il le pensait. Or il lui manquait quelque chose d'essentiel : l'identification. Les Apprentis s'identifiaient à leurs aînés, mais pas à lui, parce qu'ils le trouvaient bizarre. À partir de là, devenir Mentor se révélait impossible.
C'était là sa déduction, et Zym la connaissait. Pour preuve, son ami reprit :
— Tu devrais essayer de passer ton Supérieur. Comme ça, une fois Mentor, tu pourrais démasquer les autres, au nom de notre amitié !
Jillan secoua la tête, bien qu'il était légèrement amusé au fond de lui.
— Tu es désespérant, affirma-t-il. Tu as oublié que, si on rate son Supérieur, l'issue est la même que lorsque l'on rate son Espionnage ? Tu me détestes au point de vouloir que je quitte la confrérie ?
— Espèce de boulet, va ! T'es bien trop futé pour rater un Supérieur (venant de la part de Zym, c'était là un immense compliment). En plus, je suis sûr que ça pourrait te plaire : le nie pas, t'as toujours aimé avoir le contrôle sur tout – je suis sûr que c'est Arysia qui t'a inculqué ça. Et devenir Mentor te permettrait de tout contrôler dans la confrérie. Reconnais que c'est tentant.
Zym haussa les deux sourcils en rythme, sa colère contre les Mentors déjà oubliée. Il donna à Jillan un coup d'épaule, et ce dernier comprit que son ami attendait une réponse. Il soupira.
— Je reconnais que tu as un don pour présenter les choses sous leur beau jour. Et que c'est tentant. Mais je ne passerai pas mon Supérieur pour autant.
Jillan vit le sourire en coin assez sadique que fit Zym. Quand il faisait cela, il savait qu'il allait dire quelque chose qui risquait de se réaliser (des fois, il se demandait si son ami n'était pas bélier, pour prévoir ainsi les choses).
— Moi, je te paris le salaire d'une de mes missions que tu deviendras Mentor, déclara Zym en tendant la main.
Jillan leva les yeux au plafond. Bon, pour une fois, il était presque certain de gagner, donc pourquoi pas ? Il serra la main de son ami.
— Pari tenu.
___
Publié le 03/04/2021
VOUS LISEZ
L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]
Fantasía« Ils sont quatre. Certains ne se connaissent pas. Et pourtant, les fils de leur vie sont indéniablement noués entre eux. Jillan souhaite l'égalité de tous. Meilleur Espion de sa confrérie, ancien Apprenti d'une sénatrice, il reste cependant...