Chapitre 4.II

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  – 𝓟apiers, ordonna le garde à l'entrée de la Cité du Commerce.

  L'ombre fronça les sourcils – une de ses mimiques les plus fréquentes.

  – Tiens, l'insécurité est telle qu'il me faut désormais justifier mon identité ? demanda-t-elle.

  – Monsieur, vos papiers ou vous ne pourrez pas entrer.

  – Bien, bien, je vous les donne. Mais je ne retire en rien ce que j'ai dit. Je me pensais arrivé à Amrynen, et non à Opaltys. Vous savez que la Deuxième Grande Guerre est terminée depuis quoi ? Trois-cent-trente-deux ans ? En conséquence, je ne suis pas un ennemi.

  Il tendit ses papiers d'identité au garde, qui les prit sèchement après l'avoir fusillé du regard. Impassible, lui se contenta de siffloter en attendant qu'on les lui rende. Il aimait faire tourner les autres en bourrique.

  – Bien, vous pouvez y aller, M. Enwel. Passez un bon séjour à Amrynen.

  Synolab Enwel remercia poliment le garde en ajoutant une de ses remarques atypiques. Tandis que le garde grommelait quelque chose dans sa barbe en s'écartant du passage, il relança Accalmie, sa fidèle monture.

  La Foire aux Thenes battait son plein. Il avait à peine mis un pied dans Amrynen, que le brouhaha l'enveloppa. Les odeurs des épices des îles de fleurs elwissiennes, des épices de Wailtmeth, ou encore des savons fabriqués par les prêtresses et prêtres d'Aneylanh, venus tout droit de Buulo, flottaient dans l'air

  La cacophonie du marché était telle, qu'il ne parvenait qu'avec difficulté à entendre les marchands qu'il croisait.

  Synolab savait exactement où il se rendait, car il devinait sans mal que son amie – qui n'aimait pas le changement – n'avait sans doute pas déménagé. Et si jamais quelqu'un avait tenté de l'expulser, il savait que Bena l'aurait envoyé balader avec violence.

  Il fallait le reconnaître, son amie pouvait être un vrai dragon, et elle terrifiait ses employés. Une femme merveilleuse, en soi.

  Synolab emprunta la rue principale, encombrée par les étals de marchandises. Il y en avait tant qu'il dut mettre pied à terre. Tenant d'une main la longe d'Accalmie, il tenta de se frayer un chemin parmi Amrynois et visiteurs, tous dehors pour profiter de la Foire, malgré la fraîcheur environnante.

  Bien vite, il réalisa que c'était chose compliquée. Même en étant bien plus grand et imposant que la plupart des gens, il ne parvenait pas à se dégager un chemin sans forcer. De sa main libre, il vérifia s'il avait toujours sa bourse : les événements étaient propices au vol, et il ne tenait pas à perdre ses économies.

  Soudain, quelqu'un vociféra derrière lui.

  – Faites place, par Séléné ! Ne savez-vous donc pas qui suis-je, bande d'ignares ? Pour qui vous prenez-vous, pour m'empêcher d'avancer ?

  Synolab jeta un coup d'œil derrière lui, fronça les sourcils. Une jeune femme d'un vingtaine d'années et de bonne naissance était encore juchée sur son cheval et, rouge de colère, tentait d'écarter la population à l'aide de sa cravache.

  À première vue, on aurait pu la penser Lunienne, avec ses boucles blondes et ses yeux bruns légèrement bridés. Mais à la teinte de sa peau, bien plus sombre que celle immaculée des Luniens, et mise en valeur par une tenue de cavalier couleur crème, Synolab devina qu'elle possédait des origines weliennes.

  La jeune femme continuait de tempêter, et sa colère amusa Synolab. Les personnes impatientes le distrayaient, en général. Elles donnaient l'impression de ne jamais avoir de temps, de ne jamais profiter de la vie.

L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant