Chapitre 31.III

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𝓙illan observa la salle, un pichet de bière à la main, tout en restant dans son coin. Zym s'était retiré assez tôt, prétextant une fatigue soudaine, mais il se doutait que ce n'était pas pour cette raison qu'il avait décidé de ne pas faire la fête. Emyria, quant à elle, discutait tranquillement avec d'autres Espions, loin de l'attention. La plupart des Apprentis, les plus jeunes en réalité, étaient partis se coucher car ils avaient tout de même cours le lendemain. Jillan supposa également que les autres Apprentis n'allaient pas tarder, étant donné qu'il n'était pas loin d'une heure du matin.

  Par contre, les autres Espions étaient encore présents. Celles et ceux qui savaient jouer de la musique avaient rapidement ramené leurs instruments, pour créer une ambiance des plus festives.

  Plusieurs couples pouvaient ainsi donc s'amuser sur la piste. Jillan avait remarqué que cela plaisait à beaucoup de ses camarades. Souris et Aigle ne s'étaient pas quittés de la soirée, après avoir couché leur fils qui avait beaucoup protesté. Papillon et Canard se défiaient dans un duel de danse, Zibeline et Écureuil forçaient la vieille Antilope à se trémousser avec eux. Beira les rejoignit, tendit galamment une main pour inviter Antilope. L'Apprenti du premier, Sarpentyn, dansait avec Téonary qui riait aux éclats, des étoiles pleins les yeux. Même si tout le monde savait qu'ils se charriaient en permanence, il aurait fallu être aveugle pour ne pas se rendre compte que la nouvelle Espionne plaisait à Sarpentyn.

  Perplexe, Jillan ne s'occupait pas de l'Apprenti, mais plutôt de Téonary. Depuis le temps qu'ils traînaient ensemble, il la considérait comme une amie — peut-être même sa meilleure.

  Quand il y repensait, d'une certaine façon, c'était grâce à Zym s'il s'entendait si bien avec elle. S'il ne lui avait pas parlé de Supérieur, jamais Jillan ne n'aurait adressé la parole à Téonary — après tout, c'était une Apprentie à l'époque, et il d'une certaine manière, il se fichait un peu des Apprentis, tant qu'ils ne venaient pas l'embêter.

  Et puis il l'avait manipulé, sans aucun scrupule — et même sans s'en rendre compte. Si elle n'avait pas été la pire catastrophe, là non plus il ne se serait pas dit qu'il y avait quelque chose à faire. Jillan était persuadé qu'elle avait fini par le réaliser.

  Pourtant, jamais elle ne lui avait fait le reproche. Certainement parce qu'elle n'y voyait aucun bénéfice. Ça aurait pu s'arrêter là, mais non. Elle n'avait jamais trahi son secret, et elle l'avait même aidé. Voilà comment avait commencé leur amitié.

Il la voyait facilement tous les jours, l'écoutait raconter ses pitreries habituelles, et néanmoins, il venait seulement de rendre compte qu'elle n'était plus la fillette malhabile issue d'un orphelinat de bourgeux, détestée de toute la confrérie à cause de ses origines.

  Aujourd'hui, elle s'occupait des Apprentis et du jeune Leohnas comme s'ils étaient ses frères et sœurs : les jeunes l'adoraient, c'était évident, et c'était réciproque. Pour le coup, elle était bien plus forte que lui sur ce sujet : Jillan était incapable de se faire aimer des autres. Il était trop impassible, ce qui le rendait antipathique. Tout le contraire de Téonary.

  Elle semblait bien s'amuser, tout en profitant pleinement de la vie. Impulsive, orgueilleuse, narcissique, mais en même temps attentive aux autres. Peut-être était-ce pour cela qu'elle l'avait assez bien cerné et qu'il avait terminé par baisser ses barrières avec elle.

  La danse se termina, et les deux amis se dirigèrent vers le buffet, avant de se resservir en boisson. Sarpentyn avala de travers à une remarque de Téonary, et celle-ci se moqua de lui.

  – Tout va bien, Renard ? demanda Emren.

  Jillan sursauta, tout en jurant mentalement après lui ; il n'avait pas vu l'autre Mentor arriver, et il se demandait depuis combien de temps il l'observait. Il n'aimait pas cela.

L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant