Chapitre 8.II

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𝓚anwill Melym ne parvenait pas à se convaincre d'aller rejoindre ses camarades.

Ces derniers profitaient du peu de soleil que l'on pouvait voir à Ylthenas, avant de devoir vivre de nouveau confinés dans l'orphelinat. Les tempêtes de neige étaient bien plus violentes dans la Cité d'Argent cette année, si bien que ce serait de la folie de ne serait-ce qu'ouvrir la porte lors de ces dernières.

  Pourtant, Kan n'avait pas le cœur à jouer. Il se sentait seul, terriblement seul, et ce depuis le départ de sa sœur, il y avait déjà un mois. Il ne parvenait toujours pas à croire qu'on avait osé les séparer.

  Cela le mettait en colère, cela le rendait triste. Il trouvait que le temps passait moins vite, que les jours se ressemblaient. Même ses camarades ne trouvaient plus amusant de le harceler, tant il ne réagissait plu.

  Il avait entendu le docteur Trintyam affirmer que, s'il continuait ainsi, son état deviendrait inquiétant. Mme Griflyn aussi semblait anxieuse, et d'habitude, cela l'aurait rendu triste, l'aurait fait changer. Mais rien ne le rendait plus triste que d'être séparé de sa seule amie, son unique sœur. En fait, tout était triste.

  On lui avait conseillé de lire, mais cela lui rappelait Téo et son entrain lorsqu'elle parlait de ses dernières lectures. On lui demandait de venir faire des batailles de boules de neiges, mais il se souvenait de la dernière qu'il avait fait avec sa sœur.

  En réalité, tout lui rappelait Téo – logique, étant donné qu'ils avaient vécu et tout fait ensemble. Il voyait la trace de son passage partout. Parfois, il se retrouvait encore, la nuit, à frapper doucement contre le mur, pour réveiller sa sœur dont le lit se trouvait dans le dortoir juste derrière. Il faisait toujours cela quand il avait des cauchemars, mais maintenant, il n'y avait plus personne pour le rassurer comme le faisait Téo.

  Assis tout près du feu dans le salon, Kan laissait son regard se perdre dans les flammes. Distraitement, dans un mauvais tic qui revenait, il s'arracha les petits morceaux de peau au bout de ses doigts. Téo n'avait jamais cessé de tenter de lui faire oublier ce tic, et pendant un moment, cela avait fonctionné.

  Mais maintenant qu'elle n'était plus là, il recommençait.

  Ah ! Si sa sœur le voyait, il savait pertinemment qu'elle lui ferait une remarque de son crue : « Eh bien, Kan ! T'es-tu pris pour un rôti, à te dorer au feu ainsi ? ». Elle lui remonterait le moral, avant de l'entraîner dans l'une de ses bêtises, comme elle avait le don de faire. Il ne serait pas là, en train de s'arracher la peau.

  Il la connaissait si bien, et elle le connaissait si bien...

  Plongé dans ses pensées, il entendit à peine la porte s'ouvrir. Un coup d'œil rapide lui apprit qu'il s'agissait de Mme Griflyn. Il resserra autour de son corps la couverture dans laquelle il s'enroulait d'habitude avec Téo lors des contes auprès du feu.

  — Kanwill ? appela doucement la directrice.

  Bien qu'il l'ait entendu, il ne réagit pas. À quoi bon ? Cela n'aurait pas fait revenir sa sœur. À partir de ce raisonnement, il avait jugé que plus rien n'était important.

  Au coin de sa vision périphérique, il vit un mouvement, et comprit que Mme Griflyn venait le rejoindre. De nouveau, elle l'appela, de nouveau, il ne répondit pas. Elle soupira, avant de s'accroupir – malgré son âge avancé d'humaine – et de poser sa main sur son épaule.

Face à ce contact, Kan daigna enfin relever ses yeux vers elle.

  — Que se passe-t-il donc ? questionna-t-il dans un murmure.

L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant