Chapitre 2.II

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  𝓣éo s'installa aux côtés de Kan lors du petit déjeuner. En silence, elle prit une pâtisserie au centre de la table, ainsi qu'un verre de jus d'orange, avant de se retourner vers son frère.

— Alors, es-tu prêt pour une nouvelle bataille de boules de neige ? demanda-t-elle avant de mordre dans sa pâtisserie.

— Avec toi ? Évidemment ! s'exclama Kan, nous allons encore les vaincre !

— Je ne parierais pas là-dessus, morpion.

Cette dernière phrase avait été lancée par Ryniam, un de leurs camarades de treize ans. Il avait surpris leur conversation, et il ne parvenait pas à accepter le fait que son équipe à lui avait perdu contre celle de Téo et Kan. De plus, il faisait partie des Merveilleux qui ne les appréciaient pas.

— Et pourquoi donc ? questionna Kan avec douceur.

Ah, Kan ! Quand est-ce que tu comprendras qu'avec ce genre de personne, il faut se montrer ferme ? se demanda Téo en prenant une nouvelle bouchée de sa pâtisserie.

— Parce qu'avec la potiche qui vous sert de sœur, vous ne serez que deux petits boulets pour votre groupe. Vous les ralentirez plus qu'autre chose, affirma Ryniam avec condescendance.

Téo se sentit rosir à la mention de « potiche ». Elle ne savait pas vraiment ce que voulait dire ce mot, mais elle savait qu'il était péjoratif. Dès qu'un des Merveilleux le prononçait en présence d'un adulte, il se faisait immédiatement réprimander — ce qui la confortait dans son idée. Elle n'avait pas l'intention de prendre part au conflit, cependant, cette intention avait changé à l'instant même où Ryniam l'avait impliquée.

— Quoi ? Êtes-vous donc jaloux du fait que notre équipe a gagné ? questionna-t-elle une fois sa bouchée avalée.

Les Merveilleux avaient pour habitude de se vouvoyer entre eux. Téo ne dérogeait à cette règle que lorsqu'elle s'adressait à Kan, et la réciproque était vraie.

Ryniam lui lança un regard noir digne d'un Tenebris, ces créatures de l'Infernyn, ces créatures de la mort. Cela lui prouva qu'elle avait raison ; elle s'était très vite rendu compte qu'elle parvenait à cerner les autres avec facilité. Pour en ajouter une couche, elle lui sourit à pleines dents.

— Et vous, qu'est-ce que cela vous fait d'être une troufionne ? répliqua-t-il.

— Vocabulaire ! cria quelqu'un autour de la table.

Téo perdit le peu de sang-froid qu'elle possédait — même si elle ne savait pas ce que voulait dire « troufionne » — et fusilla du regard Ryniam. Elle hésitait réellement à lui envoyer son verre de jus d'orange à la figure — même si ce n'était guère acceptable de la part d'une dame — , mais Kan lui fit signe de laisser tomber. Si elle avait su ce que voulait dire l'insulte de Ryniam, peut-être ne l'aurait-elle pas écouté.

Ainsi, elle ignora Ryniam, et repartit à l'assaut de son petit-déjeuner. Ryniam, persuadé d'avoir gagné, fanfaronna.

— Eh quoi ? Vous ne parlez plus maintenant, petite potiche ! s'exclama-t-il, l'air victorieux.

Téo fit grincer ses couverts, tout en serrant les dents. Elle devait se contenir.

Les dames ne répondaient pas. Les dames restaient silencieuses. Les dames étaient insignifiantes. Voilà ce qu'on lui avait appris.

Pourtant, lorsque Ryniam fit passer à tout le monde qu'il avait « bouclé le clapet de l'autre potiche », les mots fusèrent avant même qu'elle essaye de les retenir. En un instant, elle se remémora tout ce qu'elle savait et avait deviné de Ryniam.

— Et vous, qu'est-ce que cela vous fait d'être en manque d'amour et de vous attaquer à plus petit que vous ?

Le silence se fit. Plus personne ne pipait mot, écoutant la querelle entre les deux Merveilleux. Kan lança un regard suppliant à Téo ; visiblement, il ne voulait pas qu'elle se mette encore leurs camarades à dos. Mais elle n'en avait que faire : Ryniam l'avait insultée, et son orgueil n'aimait pas cela.

— Sale petite garce, cracha Ryniam, les oreilles toutes rouges. Vous allez voir ce que je vais vous f...

— Ryniam ! s'exclama Mme Griflyn en pénétrant dans la pièce, je ne veux plus entendre un mot de ta bouche jusqu'à la fin du déjeuner.

— Mais...

— Il n'y a pas de « mais » qui tienne ! J'entre dans cette salle, et la première chose que j'entends, ce sont des insultes ! Maintenant, silence ! Quant à toi, Téonary, tu viendras dans mon bureau après avoir mangé.

Téo se retint de protester. Ce n'était pas elle qui avait commencé, et elle n'avait dit aucune insulte, alors pourquoi était-ce à elle d'écoper d'une punition ? Elle ne laisserait pas cette injustice avoir lieu, et elle se défendrait, parole de Téo ! Elle n'était pas du genre à laisser attaquer sa fantastique personne...

Kan lui jeta un regard désolé, et elle lui répondit par un haussement d'épaules. Qu'importe, ce qui était fait était fait, même si cela l'agaçait. Elle prit une gorgée de son jus d'orange, ne pouvant ignorer le regard haineux de Ryniam.

Sans y faire attention, elle continua de prendre son petit-déjeuner.
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Publié le 13/03/2021
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Corrigé le 22/06/2021 grâce à MarieSomville

L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant