Chapitre 20.V

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  𝓖walirely Alidore, capitaine de la garde d'Amrynen, regarda ses soldats faire sortir les candidats perdants de la pièce. Ne restait plus qu'avec elle les maires – l'ancien et le nouveau –, Fadem Poisson, ainsi que deux de ses plus fidèles combattants.

  Puis elle remarqua dans le coin de la pièce un autre homme. Celui qui n'avait pas réagi lors de l'annonce de la mort de Jolya Lerum.

  – Que faites-vous encore là ? questionna-t-elle avec sévérité.

  L'homme se contenta de lui offrir un sourire hideux. Alidore remarqua qu'il avait le nez légèrement de travers, comme s'il avait été brisé.

  – M. Enwel est mon associé, expliqua Mme Marlpe, le nouveau maire, une très belle femme. J'estime qu'il est en droit d'assister à cet interrogatoire.

  – Mais...

  – Laissez, capitaine. Je ne pense pas que M. Enwel soit une menace, n'est-ce pas ? avança Fadem Poisson.

  – En effet, mon Seigneur.

  Alidore plissa les yeux, pinça les lèvres. Très bien. Si le sénateur le disait, elle laisserait passer ce manquement au règlement. Elle était bien décidée à résoudre le meurtre de la candidate Jolya Lerum – même si, pour cela, elle devait interroger Mme Marlpe (et peut-être M. Enwel, du coup), sa nouvelle employeuse, à qui devait aller sa loyauté.

  Mais la loi était la loi, et elle n'y dérogerait pas.

  – Messieurs-dames, merci de bien vouloir me suivre, déclara-t-elle en leur faisant signe. J'espère pour vous que vous n'êtes pas de petites natures, car je me dois de vous montrer le corps.

  – Pas d'inquiétude pour cela, répondit M. Enwel.

  À ses côtés, Mme Marlpe roula des yeux, et pressa deux doigts contre ses tempes.

  Alidore s'autorisa un sourire, que personne ne pouvait voir. Ah les hommes, toujours à vouloir montrer leur bravoure. Mais combien d'entre-eux étaient partis vomir ou avaient tourné de l'œil en voyant un vrai cadavre ?

  Beaucoup. Vraiment beaucoup. D'ailleurs, Alidore ne les comptait plus.

  Elle sortit son trousseau de clés, et jeta un regard derrière elle tandis qu'elle introduisait la bonne clé dans la serrure (l'expérience, certainement). MM. Grynsgram et Enwel semblaient encore être dans leur assiette, mais Mme Marlpe et Fadem Poisson avaient déjà blêmi.

  Alidore poussa la porte, et elle entendit des hoquets de frayeur, tandis qu'elle laissait tout le monde passer devant elle. Elle comprenait leur réaction, même si, pour sa part, elle ne réagissait plus ainsi. Quoiqu'on en disait, la cité avait son lot de mort au quotidien, et Alidore avait apprit à calmer les battements de son cœur quand elle apercevait un cadavre.

  Par contre, elle devait bien avouer que celui de Jolya Lerum était très propre par rapport à ceux qu'elle trouvait parfois avec sa patrouille. Certes, les vêtements de la candidate avaient été plus ou moins déchirées, mais ce n'était guère étonnant : les mendiants se servaient librement.

  Mais sinon, c'était un beau cadavre.

  Si on pouvait qualifier un cadavre de beau.

  C'était surtout la blessure qui avait donné la mort à la candidate Lerum qui intéressait Alidore. Faite à l'arme blanche, elle était propre, et précise – le tueur avait visé le cœur, et il avait fait un travail de maître. De plus, le corps ne présentait aucune trace de coups ; soit la victime avait été surprise, soit elle connaissait son agresseur.

L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant