Chapitre 9.II

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– 𝓔s-tu sûr que je ne fais pas trop bourgeuse ?

  — Mais puisqu'on te le dit ! Tu ne veux pas non plus qu'on te fasse un texte pour t'expliquer à quel point tu es bien habillée, ô grande oratrice des Apprentis, lui répondit Corbeau en la regardant par-dessus son livre. Ne compte pas sur moi pour nourrir ton ego.

  Téo fit la moue. Elle se tourna vers Wuly, qui avait décidé de partir à l'aventure dans la bibliothèque dont elle lui faisait des éloges depuis des semaines déjà. Il l'observa à son tour.

  – La seule chose qui te trahi, c'est ta façon de marcher ; tu te tiens trop droite, et tu rejettes les épaules comme une bourgeuse, lui expliqua-t-il, une pile de livres sur la nourriture entre les bras.

  Il lui avait confié qu'il espérait pouvoir améliorer les capacités de ses papilles dégustatives pour parvenir enfin à reconnaître ce qu'il mangeait. Son sens du goût semblait des plus médiocres.

– Donc si je résume, quoi que je fasse, je suis fichue, est-ce cela ?

– Tout à fait, répliqua Corbeau en replongeant son nez dans son livre. Tu ne peux pas renier tes origines.

Comme d'habitude, le Mentor semblait bien désagréable, mais cela n'était guère étonnant lorsque l'on savait qu'il était facilement irritable dès que l'on venait le déranger à la bibliothèque, alors qu'il lisait. Téo le soupçonnait néanmoins de les apprécier, Wuly et elle, car sinon, cela ferait longtemps qu'il les aurait viré de son antre.

  Et à coups de pieds dans le derrière, sans aucun doute.

  – Qu'est-ce que tu sais de la sénatrice ? questionna Téo en ignorant la remarque de son oncle adoptif.

  – Pas grand cho... débuta Wuly, avant de se faire couper par le bruit d'un livre qu'on abattait sur une table.

  Si des yeux pouvaient tuer, Téo et Wuly seraient déjà en Infernyn à l'heure qu'il était sous le regard de Corbeau. Elle croisa les bras, patientant.

  – Bon, si je te réponds, tu me promets de me laisser tranquille ?

  Elle acquiesça, sentit le coin de ses lèvres tressaillir. Elle aurait dû se sentir honteuse de l'avoir poussé à bout volontairement pour obtenir des réponses, mais ce n'était pas le cas : elle était plutôt très fière d'elle.

  – Arysia ne vient plus beaucoup ici depuis que Renard a passé son Espionnage, si bien qu'elle retient tout au plus le prénom des Mentors, et ceux de quelques uns des Espions. Renard a été son unique Apprenti, et on ne sait toujours pas d'où cette lubie lui est venue. Donc tu n'as pas à t'inquiéter, car si tu as de la chance, elle se souviendra peut-être de ton prénom à la fin de ton entrevu. Elle passe aussi un peu de temps dans l'aile est pour que cela ne paraisse curieux, mais elle se fiche pas mal de l'Académie des Opales. C'est bon, j'ai répondu à ta question ? grogna Corbeau.

  – Si je résume ce que tu viens de dire, que je fasse attention à ma tenue ou que je vienne en haillons, cela ne changera rien à ma situation.

  – Mais c'est que tu comprends vite, quand tu veux ! Allez, maintenant laissez-moi en paix, les boulets.

  Téo s'apprêta à répliquer, voulant absolument avoir le dernier mot comme à son habitude, mais Wuly lui attrapa la bras, avant de la traîner hors de la bibliothèque. Elle fut stupéfaire de constater qu'elle était si prévisible (elle avait failli lancer une unième joute verbale qui aurait pu durer des heures) et que son ami avait remarqué ses tendances à se mettre dans des situations délicates.

  – Viens, ou tu vas finir par être en retard, lui dit-il tandis qu'elle tentait de résister.

  Toutefois, Wuly était plus entraîné qu'elle, si bien qu'elle ne faisait pas le poids. Son don de force était bien plus développé que le sien. Tout en pestant, elle se promit de travailler deux fois plus pour avoir – et si possible dépasser – le niveau de son ami.

L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant