Chapitre 6.I : L'Histoire des Espions

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– Une confrérie d'Espions, dites-vous ?

– Exactement. Je pense qu'avec sa propre confrérie, la Ligue ne sera que plus puissante, et pourra se protéger de potentiels ennemis.

Discussion entre la Haute-Dame Orienne de Capricorne, et les Hauts-Seigneurs Onyx de Bélier et Calathel de Taureau, an 13.

𝓣éo courrait à toute vitesse avec Wuly dans les couloirs, sa sacoche battant son flanc. Tous deux étaient en retard pour le cours d'Histoire, au grand dam de Téo — en plus, elle soupçonnait que c'était encore de sa faute. Wuly ne lui avait fait aucun reproche ; il semblait même encore dans les lunes.

Cela ne faisait qu'un jour qu'ils se connaissaient, mais Téo pouvait affirmer qu'elle appréciait Wuly ; bien qu'il était extrêmement différent de Kan, il lui rappelait quand même un peu son frère. Et surtout, il s'agissait d'une des seules personnes qui ne lui faisait pas de reproches sur ses origines.

Essoufflée, elle fut soulagée lorsque Wuly ralentit pour s'arrêter complètement devant une porte de chêne à lourds battants. Au moment où il frappa, elle se dit qu'au bruit, elle devait être bien épaisse. Et elle put le constater à l'instant même où Wuly poussa la porte, la faisant grincer par la même occasion.

— Pardon pour le retard, grimacèrent-ils en même temps.

Tous les Apprentis, assis chacun à leur pupitre, tournèrent la tête d'un seul mouvement vers eux. C'en était presque effrayant. Téo remarqua les regards qu'échangèrent ses camarades entre-eux, et mâchouilla distraitement l'intérieur de sa joue. Elle s'étonna de ne pas entendre de remarques désagréables.

Elle ne le fut plus en voyant le regard que leur jetait Corbeau.

Les bras croisés, appuyé contre le bureau qui faisait face à la petite classe, ses yeux paraissaient plus foncés que ceux de sa sœur alors qu'un profond agacement brillait au fond de ses prunelles. Il ne pouvait pas nier ses origines : il était le portrait craché de Chouette, mais masculin, en plus jeune, et l'air beaucoup moins sympathique. Malingre, le visage creusé et le menton mangé par une barbe de quelques jours, il ne paraissait pas dangereux.

Enfin, au premier abord.

Téo remarqua pour la première fois, tandis qu'il les fusillait du regard, que les yeux de Corbeau n'étaient pas exactement de la même teinte. Le gauche semblait légèrement plus foncé. C'était assez perturbant pour qu'elle jongle entre les deux.

— C'est à cette heure-là que vous arrivez, tous les deux ? gronda-t-il.

— Pardon, répétèrent Téo et Wuly.

Le Mentor renifla avec dédain, avant de leur faire un signe de la tête.

— Allez vous asseoir maintenant ; on a déjà assez perdu de temps comme cela. Ah étoile, et pour vous faire comprendre que vous n'avez pas à arriver en retard, vous me nettoierez cette salle de fond en comble à la fin du cours. Entièrement.

  Téo se retint de justesse de souffler, dépitée. Une journée, et déjà deux punitions. Elle commençait très bien sa vie d'Apprentie, visiblement. Réajustant son écharpe sur son épaule (et réveillant quelque peu sa douleur au bras), elle suivit Wuly vers les deux derniers pupitres vides, au premier rang, juste devant le bureau de Corbeau.

Elle s'installa, avant de sortir d'une unique main ses affaires. Soigneusement — et presque maniaquement — elle aligna feuilles, buvard, encre et plume devant elle.

— Bien, fit Corbeau, maintenant que tout le monde est là, on va enfin pouvoir débuter le cours. Tiens, j'ai bien envie de vous évaluer à l'oral aujourd'hui (un concert de protestations résonna). Ne me regardez pas ainsi : vous pouvez seulement dire merci à vos retardataires de camarades.

L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant