L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]

Chapitre 27.II

𝓛'architecture des classes de l'université de Monocle était particulière. Voilà la première chose que se dit Jillan lorsqu'il entra dans une d'entre-elles. Il ne songea pas au nombre important d'étudiants, ni que tous le dévisageait, non, il ne vit que l'architecture de la pièce.

  Aussi, elle sentait les vieux matériaux, il fallait bien le reconnaître.

  La classe était très haute de plafond, assez pour qu'il y ait une mezzanine (sur laquelle Corbeau le surveillait, caché aux yeux des étudiants). Les pupitres semblaient être d'un bois riche, inconnu à Jillan, et donc rare. Au plafond, des gravures représentaient des Sages, des Détailleuses, et cetera, en bref, des membres de confréries lanoises.

  Au niveau de la mezzanine, les livres couvraient les murs, ayant certainement un lien avec les matières étudiées dans cette pièce. Des tapisseries sur le même sujet que les gravures dissimulaient les murs du bas, en dessous du balcon. Jillan était prêt à parier que, derrière l'une d'entre-elle, il y avait un passage secret.

  Enfin, le bureau – son bureau – semblait minuscule par rapport à la horde d'étudiants face à lui, tout seul sur une estrade et devant un tableau à craies trois fois plus grand en largeur que Jillan en hauteur.

  Jillan déposa brutalement ses notes sur le bureau, le dos droit, avant de regarder de haut chaque étudiant, les mains croisées derrière lui. Il devait faire preuve d'autorité avec eux dès le début, sinon ce serait un carnage. Il n'avait que quelques années de plus qu'eux, ce qui était visible, et comme il remplaçait leur professeur habituelle (tombée malencontreusement malade la veille après que Corbeau lui ait rendu une petite visite de courtoisie), ils pourraient penser qu'il laisserait tout passer s'il était submergé.

  Heureusement qu'il avait eu de sacrés professeurs en les personnes de Fennec, Loup et Corbeau. Chouette n'était pas aussi impressionnante, mais n'en avait pas besoin, car tous les Apprentis l'aimaient. Jillan était incapable de se faire aimer comme elle, alors autant se rabattre sur l'autorité.

  – Bonjour à toutes et à tous, débuta-t-il bien fort (depuis la dîme, il s'entraînait pour être plus à l'aise à l'oral), je suis le remplaçant de Mme Vyllas, M. Janiam, et...

  – ...vous pensez que vous avez des choses à nous apprendre, peut-être ? ricana une fille au premier rang.

  Bien entendu, il aurait dû si attendre. On lui avait donné une classe de jeunes d'une quinzaine d'années, dans laquelle se trouvait les enfants de trois grandes figures de l'Astriale. Il aurait dû s'attendre à ce qu'Isebell Noiselas, fille de Téonal Lion, l'un des plus désagréables sénateurs, ne lui rende pas la vie facile.

  Jillan ne répondit pas. À la place, il descendit de son estrade, doucement, vint se placer devant Isebell, qui dut lever la tête pour continuer de le défier. Elle semblait se trouver à l'aise, entourée par Ynaseriam Criol, fils de la dirigeante, et Kanwill Melym, fils de Noal Vierge.

  Jillan saisit le pupitre d'Isebell, avant de le tirer en avant, pour qu'elle soit séparée de ses amis. En se trouvant isolée, et surtout très remarquable, elle devrait se calmer.

  – Amenez donc votre chaise ici, mademoiselle, fit-il d'un ton doucereux.

  Elle ne bougea pas, réfléchissant. Jillan l'avait déjà coincé. Soit elle restait assise sur sa chaise, sans pupitre, ridicule devant sa classe, soit elle lui obéissait, et il venait d'assurer son autorité. À contre-cœur, certainement parce que son orgueil l'exigeait, elle avança sa chaise, se replaçant derrière son pupitre, seule.

  – Bien, je disais donc : je suis M. Janiam, et comme vous l'avez remarqué, quel que soit votre rang dans la société, cela m'importe peu. Avec moi, vous êtes tous égaux, ce qui signifie que si un seul d'entre-vous me manque de respect, ou refuse de travailler, il sera puni comme il se doit. Est-ce bien compris ?

  Sa voix monta imperceptiblement sur le dernier mot. Il avait failli lâcher un « sissi ? » traître.

  Les étudiants échangèrent un regard, sans un mot, avant d'acquiescer. Oui, ils avaient compris qu'ils ne pourraient pas faire ce qu'ils voulaient avec lui.
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Publié le 04/09/2021