𝓐ssise sur son cheval, Téo essuya rageusement les larmes silencieuses (et traîtresses) qui coulaient sur ses joues depuis une demi-heure. Non seulement, cela l'énervait de se voir si faible, mais qui plus est, les larmes lui donnaient froid aux joues qu'elle devinait toutes roses.
Elle avait apprit à monter étant petite, et jamais elle n'aurait pensé qu'elle aurait haï faire cela un jour. Elle avait cessé de se retourner vers Ylthenas lorsqu'elle avait comprit que cela lui faisait plus de mal qu'autre chose. Elle ne reverrait plus sa maison. On lui avait volé son foyer.
Les adieux avec Kan avaient été horribles. Elle ne savait pas qui, d'entre les deux, avait le plus pleuré. Ils s'étaient jurés que jamais ils ne s'oublieraient, et qu'ils finiraient par se retrouver.
« Tu ne m'oublieras pas, hein ? » avait dit Kan entre deux sanglots.
« Jamais ! Et toi, tu ne m'oublieras pas ? » avait-elle alors répondu.
« Jamais ! » s'était-il écrié en la serrant dans ses bras. Elle en avait profité pour graver son odeur (un doux mélange de savon et de violette) dans sa mémoire olfactive.
Avec Mme Griflyn, cela avait été plus facile — Téo n'avait plus aucune larme à faire couler. Pour mieux faire passer ce départ précipité, la directrice lui avait donné le livre de conte qu'elle aimait tant.
D'ailleurs, le livre était actuellement dans son sac. Téo sentit Ydalt lui jeter un regard désolé, tandis qu'Emren l'avait tout juste observée. Il se tenait extrêmement droit sur sa monture, devant elle.
« Nous allons te ramener à Opaltys avec nous », étaient les seuls mots qu'il avait prononcés à son intention. Depuis, il n'avait plus rien dit. Et c'était tant mieux.
Mais Téo avait besoin de savoir. Outre le désir de satisfaire sa curiosité, elle voulait comprendre.
— Pourquoi est-ce que c'est moi que vous avez choisi ?
Ydalt rapprocha son cheval du sien, tout en lui offrant un mince sourire. Téo l'aurait peut-être appréciée, si elle ne l'avait pas arrachée de chez elle.
– Parce que tu es une taureau, et que ta place est parmi nous.
— Et vous, êtes-vous aussi une taureau ?
— Non, moi je suis une bélier. Comme mon frère ; on est comme la dirigeante Fanie Bélier.
— Et lui ?
— Je suis capricorne, répondit sans se retourner Emren, comprenant qu'on parlait de lui. Et lorsque tu veux me poser une question, passe pas via quelqu'un d'autre, Téanissa.
— Téonary, marmotta-t-elle.
Elle remarqua que ses nouveaux « parents » parlaient désormais avec un accent lunien très prononcé — remettant en doute ses théories sur leurs origines — , et qu'ils parlaient bizarrement, un peu comme les domestiques qu'il y avait aux Merveilles. C'était assez étrange, et elle se demandait comme c'était possible. Elle avait envie de les corriger, mais elle savait qu'elle leur devait le respect.
Emren ne répondit pas, mais Téo crut l'entendre marmonner quelque chose qui ressemblait fortement à « qu'est-ce qu'ils sont agaçants, les jeunes taureaux, de nos jours ! ».
— Mais, que faites-vous donc à Opaltys ?
La Ligue à Cornes était basée à Denatys, pas à Opaltys. Cela l'avait fait tilter, plus tôt, mais elle n'avait pas osé poser la question.
— Eh bien, on fait partie des Espions, expliqua Ydalt, de but en blanc. Et une fois là-haut, tu pourras plus nous appeler par nos prénoms.
Les Espions. Téo déglutit, abasourdie. Les Espions, la confrérie secrète de la Ligue à Cornes, uniquement connue de nom. C'était bien un des seuls sujets — avec les langues — sur lequel elle avait des lacunes.
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L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]
Fantasy« Ils sont quatre. Certains ne se connaissent pas. Et pourtant, les fils de leur vie sont indéniablement noués entre eux. Jillan souhaite l'égalité de tous. Meilleur Espion de sa confrérie, ancien Apprenti d'une sénatrice, il reste cependant...