L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]

Chapitre 15.III

𝓢eule la Grande Lune commençait à se lever, ce soir-là.

Debout, devant le perron des Grynsgram, Synolab songea à Séléné, la déesse de la Grande Lune, sœur aînée de la déesse Ismène. D'après les légendes, Séléné et Ismène étaient tout aussi différentes que leur lune respective. Celle de Séléné, grande et bleue, représentait la tentation de la beauté et de la facilité, tandis que celle d'Ismène, petite et argentée, était censée évoquer la réflexion et la bienveillance.

Synolab en connaissait, des légendes sur les dieux du cercle astral. Après, étaient-elles justes ou non, cela, il ne le savait pas.

Fronçant les sourcils tout en passant distraitement une main dans ses cheveux (il avait perdu l'espoir de les coiffer correctement depuis bien longtemps), il tira sur la cordelette qui pendait près de la porte. En levant les yeux, il vit qu'elle était reliée à une clochette, qui tintinnabula joyeusement.

Quelques instant plus tard, un domestique ouvrit la porte.

– Bonsoir, M. Enwel. Monsieur vous attend dans son bureau, à l'étage. Le dîner aura lieu à vingt heures. Si vous voulez bien me suivre.

Le domestique s'effaça pour le laisser entrer, avant de se diriger vers l'escalier. Synolab s'attarda en bas des marches, salivant d'envie en percevant les délicieuses odeurs de viande braisée qui s'échappaient des cuisines (son estomac faillit même gargouiller). Puis il tendit l'oreille en entendant un enfant rire, suivit de la réprimande d'une femme.

Il s'imagina sans mal qu'il s'agissait d'un des fils du maire. S'il ne se trompait pas, le plus âgé devait avoir seulement six ans, tandis que le plus jeune n'avait pas plus d'un an. Quant à la voix de femme, c'était certainement la gouvernante des enfants, car il voyait mal Laena Grynsgram parler sur ce ton, dans son état.

Le domestique toussota. Synolab se retint de grogner (décidément, plus personne n'était patient aujourd'hui) et offrit un sourire fourbe au domestique, juste avant de s'engager dans l'escalier, sans faire un bruit.

– Pas besoin de faire comme si j'étais en retard, déclara-t-il cependant, je sais bien que je suis à l'heure, et même en avance. Alors ne vous faites pas de souci pour votre emploi ; vous n'allez pas le perdre.

Il passa près du domestique, se pencha vers son oreille.

– Enfin, pas aujourd'hui.

Synolab ricana en frappant amicalement l'épaule du domestique, qui avait blêmi au point qu'il aurait pu rendre jalouse une neige déjà immaculée, victime de la passion dérisoire de Synolab d'embêter les autres. Puis il le laissa seul dans le couloir, sachant où se trouvait le bureau de Maleo.

Arrivé devant celui-ci, Synolab frappa à la porte, avant d'entrer dans la pièce, les deux mains plongées dans ses poches (tiens, il semblait avoir oublié de sortir la chute de tissu myrtilais qu'il avait trouvé à la mairie, peu après la réunion de l'après-midi), l'air décontracté – il s'était forcé à défroncer ses sourcils.

Maleo était assis dans un fauteuil vert bouteille posé derrière une table basse, tandis que son grand bureau en bois blanc prenait l'ombre juste devant une bibliothèque assez impressionnante. De grands chandeliers, dignes du palais de n'importe quel sénateur, se trouvaient aux quatre coins de la salle, bien qu'ils n'étaient pas encore allumés. Ainsi, la seule lumière était celle orangée qui parvenait de l'extérieure. Par une fenêtre, Synolab aperçut la Grande Lune, qu'il voyait lorsqu'il était sur le porche.

– Ah ! Synolab, je ne vous attendais pas de sitôt ! s'exclama Maleo en se levant.

Il était vêtu d'une riche chemise bleu smalt, couleur des poissons, couleur de la ville dont il était le maire. Sa ceinture était sertie de quelques pierres précieuses, des saphirs essentiellement, et Synolab se demanda si elles étaient vraies. Comme toujours – et contrairement à lui – Maleo était parfaitement coiffé, et pas un cheveu brun ne partait dans tous les sens.