Chapitre 28.I : Amie ou ennemie ?

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Je pense dire avec certitude que les personnes que j'aime le moins ici (et pourtant, Ismène sait ô combien j'aime mes camarades) sont Arysia et Lièvre. Cette première, bien que relativement sympathique avec les autres Espions (quand elle se souvient de leur nom), me déteste depuis les premiers jours, sans doute jalouse de ma bonne humeur contagieuse, tandis que le second est méchant – Nylo m'a tout de même dit que, Apprenti, il trouvait amusant de verser quelques gouttes de poison dans les verres de ses camarades, juste assez pour que ceux-ci soient malades ! Et pourtant, la moitié des Espionnes sont sous son charme, ce que je ne parviens pas à comprendre. Alors, comment fait donc Renard pour s'entendre avec eux, et les apprécier ?
Journal intime de Téonary Naryn, an 1428.

𝓛es yeux fermés, la tête vers le bas, Téo sentait le sang lui monter au visage. Elle percevait la brûlure de la corde sur sa peau à travers son pantalon, mais ce n'était pas pour cela qu'elle allait cesser de faire ce qu'elle faisait.

Depuis quelques jours déjà, elle commençait à se sentir angoissée : après la cérémonie funèbre en l'honneur de Rat, que Renard soit devenu Mentor, et que le dernier Apprenti plus âgé qu'elle était devenu Espion, plusieurs membres de la confrérie lui faisaient remarquer que ce serait bientôt à elle de passer son Espionnage. Et, il fallait l'avouer, cette attention soudaine la mettait mal à l'aise.

Elle en avait discuté avec Sarpentyn, son ami qui, quand il ne lui faisait pas les yeux doux, était vraiment agréable. À lui aussi, on faisait les mêmes remarques, même s'il était capricorne, si bien qu'ils cherchaient des moyens pour se détendre.

Sarpentyn lui avait fait découvrir les bonbons au lys de neige il y avait peu, parce qu'il s'agissait de son pécher mignon pour se détendre. Téo avait essayé.

Et cela avait totalement raté.

Mais le pire, c'était qu'elle raffolait des ces friandises, au point qu'elle en avait désormais toujours une boîte sur elle. Ses économies la haïssaient, mais haïssaient encore plus Sarpentyn.

Enfin, elle avait trouvé un moyen pour se détendre : elle montait tout en haut de cette corde qui lui avait valu un bras cassé, enroulait ses jambes à cette même corde, puis elle lâchait ses mains pour se retrouver la tête en bas. Oh, bien sûr que oui, c'était dangereux – tout le monde le lui disait – mais elle était angoissée, et le fait que le sang lui monte à la tête lui permettait d'oublier.

En plus, pour la première fois de sa vie, elle avait fait quelque chose qui était certainement interdit, sans le dire à personne, et sans que personne ne s'en rende compte, avec Saleann.

En effet, dès qu'elles avaient eu le temps et l'inspiration, Téo lui avait parlé de son plan – et Saleann avait tout de suite approuvée. Ainsi, elles avaient laissé la colère monter en elles face au meurtre de Rat, avant d'écrire une lettre de menace – dont elles étaient particulièrement fières, d'ailleurs. Elles ne savaient pas si ce qu'elles espéraient allait fonctionner, mais elles souhaitaient réellement que l'Assassin sache qu'un jour, quelqu'un viendrait venger Rat.

Elles espéraient de tout cœur être cette main vengeresse.

Ensuite, Saleann avait profité de ses libertés d'Espionne pour aller donner cette lettre à un Livreur. Aucune des deux ne savait si elles avaient le droit de le faire, mais en tout cas, elles se l'étaient octroyées.

– Maintenant, tu rentres ici, sale crotte de rat ! s'écria une voix pique-rouge.

Étonnée, Téo ouvrit un œil. Elle avait reconnu la voix d'Emyria, or d'habitude, elle n'était pas si vulgaire. Même dans ses mauvais jours. Emyria était la gentillesse incarnée (enfin, quand Téo était plus jeune), alors pourquoi semblait-elle devenir de plus en plus désagréable ? Elle ne le savait pas.

L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant