Chapitre 3

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C'est décidé ce soir je vais voir Alwin. Je lui parlerai dès qu'il sortira du lycée, quand Sandra ne sera pas avec moi, juste après le cours d'histoire-géographie. Et même si j'ai l'occasion de l'approcher au cours de la journée je le ferai. A condition, bien sûr, que mon amie ne me voit pas.

J'attends que toute cette journée passe. Je n'ai fait qu'observer ce garçon mystérieux. De ce que j'ai pu remarquer il n'est pas violent, ou du moins c'est une impression que j'ai, il l'a l'air plutôt posé. Alwin me paraît juste irrité par les adolescents pourris-gâtés par leurs parents, qui grouillent dans ce lycée. Je pense qu'il est comme moi, un peu plus mature qu'eux à cause de la vie et des épreuves qu'on a pu rencontrer. C'est terriblement injuste que des regards aussi haineux lui soient portés, je déteste le lycée. Cet endroit est l'enfer et rempli de centaines démons.

Les gens y sont toxiques et adorent chercher les problèmes. Je n'ai aucune idée de si c'est partout pareil mais notre lycée n'est pas sain pour les élèves. Je me souviens de tout ce qui avait été dit sur moi.

- Thémis ? On y va ? Je suis crevée, j'ai envie de me jeter dans mon lit.

Je tourne la tête vers Sandra qui me sort de mes pensées et hoche la tête. C'est le moment de me débarrasser d'elle en toute délicatesse.

- Je dois passer à la vie scolaire pour faire quelque chose, alors pars sans moi, ne t'inquiète pas.

Elle hausse les épaules et acquiesce puis s'en va après m'avoir saluée. J'attends quelques minutes qu'elle se soit bien éloignée du lycée et descends. Je vais attendre Alwin ici le temps qu'il sorte de notre cours.

Deux minutes plus tard, je vois sa silhouette mince et élancée passer à côté de moi. Je marche juste derrière lui essayant de retrouver tout le courage qui m'a maintenant quitté. Mon cœur bat trop fort de stress. Cela fait vraiment longtemps que je n'ai pas parlé à quelqu'un d'autre. Peut-être n'est-ce pas une bonne idée. Je m'apprête à faire demi-tour quand ma conscience me retient. Il faut bien que je prenne mon courage à deux mains.

J'inspire un grand coup et vais me placer à ses côtés, me faisant toute petite. J'ai l'impression que mon palpitant va sortir de ma poitrine.

- Alwin ?

Il tourne la tête, les sourcils froncés, en me regardant d'un air méfiant.

- Ça va ?

- Oui, répond-il hésitant.

- Tu restes tout le temps tout seul.

Ma remarque le fait râler. C'est vrai que ça peut paraître un peu intrusif mais ce n'est que bienveillant.

- Je sais. Je n'ai pas besoin de traîner avec des gamins.

Je soupire, il est renfermé sur lui-même et je ne peux que le comprendre mais ça va être dur de lui parler. Je ne sais pas comment m'y prendre, je n'ai pas sociabilisé depuis un bout de temps assez conséquent.

- Je veux bien être ton amie, enfin t'aider... si jamais tu...

Cela fait vraiment longtemps, je crois que ma phrase sonnait bizarrement. Comment on dit à quelqu'un que l'on veut sympathiser ? Il n'y avait que la maternelle et de la primaire où c'était simple, pour le peu que je me rappelle, on allait voir les gens et d'une simple question on pouvait devenir amis. Je le faisais quelques fois quand j'étais plus jeune mais maintenant c'est une autre histoire.

- Je ne suis pas intéressé. Je n'ai pas besoin d'une copine ou quelqu'un avec qui m'envoyer en l'air ou faire je ne sais quoi, alors laissez-moi.

Je m'indigne et ouvre grands les yeux, jamais je n'ai sous-entendu ça. Bien sûr que non ! Jamais je ne voudrais quelque chose comme ça de lui, d'un inconnu.

- Quoi ? Mais je ne veux pas de ça moi. Je ne suis pas comme ces filles qui viennent te voir.

- Ça ne change rien, fous moi la paix.

- S'il te plaît écoute moi. Je ne m'intéresse pas aux rumeurs. Je ne veux pas les écouter, juste me faire une idée de toi par moi-même.

C'est vrai. Je ne veux que me faire une idée de qui il est, sans faire attention au fait qu'il soit supposé fou ou je ne sais quoi. Je sais parfaitement qu'elles sont pour la plupart toutes fausses. Je ne veux qu'aider Alwin, sans vouloir quelque chose en retour.

- Tu sais, tu devrais les écouter. Et je peux te le dire, tu ferais mieux de partir et me laisser tranquille.

- Pourquoi ?

- C'est mieux pour tout le monde.

Je secoue la tête et soupire.

- Tu n'es pas facile.

- Non, je ne le suis pas. Je ne te l'ai jamais fait croire.

- Je le sais, réponds-je. Mais je ne pensais pas que tu te renfermais autant. Tu sais, je veux uniquement t'aider.

Il ne veut décidément pas me parler. Mais je vais retenter dans quelques jours. Car je vois bien qu'il s'enferme dans quelque chose de toxique pour lui-même, la solitude. Après la nuit qui a changé toute ma vie j'ai commencé à faire de même et heureusement que j'avais déjà une amie qui était déjà là et qui m'a empêchée de m'isoler. Sinon je serais restée seule. Sauf que c'est la pire chose à faire. Avoir une amie m'a permis de me libérer, en plus de ma psychothérapeute. La combinaison de ce dernier et d'une amie m'avait permis de rester à la surface et de ne pas me noyer dans le tsunami qui avait tout retourné dans ma vie.

Je rejetais tout le monde, encore plus que maintenant, heureusement que j'avais Sandra. Et même si je me protège des inconnus, de chaque personne de ce lycée, une majorité des professeurs comprise, ce garçon, Alwin, réveille quelque chose qui me pousse à vouloir le connaître. C'est loin de me ressembler mais c'est bien plus fort que moi.

Cela me perturbe, je ne me retrouve pas dans cette volonté en même temps que j'ai l'impression que c'est bien une partie de moi. C'est un étrange contraste. Je n'ai pas cette habitude d'aller vers les gens, de vouloir leur apporter mon aide mais ce n'est pas par égoïsme ou égocentrisme, je cherche juste à connaitre le moins de personnes possibles à lesquelles je dois donner ma confiance, chose très difficile. Mais je suis plutôt bienveillante, c'est cette partie de moi que je retrouve.

En vérité je n'en sais rien. J'essaye désespérément de comprendre mais cela reste difficile. Je me rends compte que je ne sais même pas qui je suis réellement. Je ne l'ai jamais vraiment su, je n'ai pas souvent eu l'occasion de vivre totalement moi-même.

Je me rends compte que je me connais peu, même pas du tout.

- Alors, si tu veux désespérément m'aider, j'ai une idée.

Mes yeux s'écarquillent et un petit sourire vient orner mon visage. Cette idée m'intéresse.

- Laquelle ?

- Pars. Laisse-moi seul. Comme tu l'as dit, je ne suis pas facile. Donc, si ça te dérange autant tu n'as pas de raison de continuer de venir me les casser.

Il me regarde fermement dans les yeux avant de s'éloigner dans une rue. Je reste plantée en plein milieu du trottoir perdue dans le tourbillon mes pensées. Je ne sais pas comment je vais l'aider, il est tellement renfermé, méfiant envers tout le monde.

Il s'est créé une carapace, il y a quelques années, j'ai fait comme lui, sauf que ma carapace n'était pas aussi forte. Je me protégeais de tout mais ne jouais pas un autre rôle. Or c'est exactement ce qu'il fait, je le sais, je le sens et j'en suis sûre. Il ne m'a pas l'air d'être si différent de moi, juste en mauvais état, un peu cabossé. La vie ne l'a surement pas épargné. Et tout ça c'est ce qui me fait dire qu'il est quelqu'un de bien.

Alors je me dois à mon tour d'aider quelqu'un à rester à la surface et à ne pas couler. Il faut juste que je garde ma motivation et que je trouve un moyen d'y arriver. Cet objectif ne sera pas facile à atteindre. Mais si je n'essaye pas c'est sûr que jamais cela ne se produira, alors autant essayer.

Cicatrices LunairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant