Chapitre 51

52 9 6
                                    

J'aperçois une partie de mon tatouage dans le miroir. Pégase. Je repense à Alwin, une douleur qui tord mon estomac. La coupure sur ma joue est toujours visible, je passe ma main dessus. Les images de ce moment-là repassent devant mes yeux. Il m'avait prévenu, qu'il était instable, que je ferais mieux de m'éloigner de lui. J'ai dit que je prenais le risque, que j'étais capable d'encaisser. Ça n'excuse pas ce qu'il a fait. Mais j'ai besoin de lui, mon cœur bat à deux cent quand je pense à lui, quand je me rappelle de lui. Il a immédiatement regretté de m'avoir fait peur et de m'avoir blessée.

Cela fait maintenant un peu plus d'une semaine que nous nous sommes disputés. Pas une seule fois nous nous sommes parlé. J'étais avec Sandra la plupart du temps au lycée mais quand j'étais seule je voyais son regard suppliant posé sur moi. Je ne voulais pas aller le voir. Mais je crois que c'était plus par principe car je meurs d'envie de le retrouver et partager des moments comme on le faisait avant.

Je regarde de nouveau le message qu'il m'a envoyé ce matin.

[De Alwin : Je voudrais juste qu'on discute, Pégase. Si tu veux bien, passe chez moi aujourd'hui.]

Peut-être que je ne devrais pas faire ça, pour beaucoup de personnes ce serait inexcusable mais il faut que j'aille le voir. Je termine en vitesse de me sécher puis enfile une robe et des chaussures.

— Tu vas où ? me demande ma mère alors que j'ouvre la porte en précipitation.

— Alwin.

Je pars à toute vitesse. Je ne sais même pas si elle a entendu ma réponse. Je marche le plus rapidement possible jusque chez Alwin, au point où j'en suis essoufflée. J'arrive enfin en bas de chez lui, par chance quelqu'un vient de sortir, je retiens la porte et monte tous les escaliers. Je frappe plus fort que ce que je pensais sur la porte. J'entends le bruit de la serrure et la personne que je voulais voir apparaît. Je lui souris. Il parait étonné que je sois là.

— Thémis. Je ne pensais pas que tu viendrais.

— Je suis venue, je murmure.

— On ferait peut-être mieux de rester éloignés.

Je le dévisage.

— Mais aucun de nous ne le souhaite, rajoute-t-il.

J'avance et mets un pied chez lui. On se retrouve à quelques centimètres l'un de l'autre. J'approche mes lèvres des siennes, nos nez se frôlent. J'aimerais juste que ce soit lui qui m'embrasse. Je ne veux pas qu'il me protège de lui, je n'ai aucune envie qu'on s'éloigne l'un de l'autre. D'un geste précipité, il attrape l'arrière de ma tête et plaque ses lèvres sur les miennes. Je lui ai autant manqué qu'il m'a manqué au vu de la passion qu'il met dans ce baiser. On se sépare, il passe sa main dans ses cheveux et referme la porte derrière nous.

— Je suis désolé Thémis. J'ai envie de me tuer pour avoir fait ça, jamais je n'aurais dû lancer cette assiette. Et jamais je n'aurais dû dire que ce n'était rien ce que tu as vécu. C'est peut-être bien pire que moi.

C'est vrai que ce qu'il m'a dit m'a blessé. Mais je ne veux pas qu'il pense qu'il n'a traversé aucune épreuve.

— Ce n'est pas pire. Ce sont juste deux choses différentes, ce n'est pas pareil. Aucune des deux n'est plus difficile à dire.

— Je m'en veux tellement Pégase. Pardonne moi.

— C'est déjà fait.

— T'es bien trop gentille.

— C'est normal je suis une petite fille naïve.

Je rigole en même temps que lui. C'est exactement ce qu'il pensait de moi au tout début. Il me l'avait même dit en face.

— C'est ce que j'ai dit au tout début mais c'est pas le cas.

Je laisse mon dos se reposer contre le plan de travail.

— Qu'est ce que je peux faire pour me rattraper ? me demande-t-il.

— Tu n'as besoin de rien.

— Reste avec moi cette nuit. Il y a une éclipse lunaire, on pourrait la regarder et observer les étoiles, tu me raconterais d'autres mythes.

Un sourire niais vient prendre place sur mon visage. Il sait exactement quoi faire pour me donner le sourire. Et puis ça fait des lustres que l'on a pas fait ça !

— Et j'ai une idée d'un nouvel endroit où on pourrait aller. C'est un peu plus loin mais ce n'est pas grave.

Je ne cherche pas à en savoir plus. Je regarde mon portable, un appel manqué de ma mère. Je vois son nom s'afficher de nouveau sur l'écran. Je décroche.

— Thémis ! Oh Zeus. T'es où ?

— Chez Alwin.

— Tu sais très bien que je...

— Tout va bien maman. Je vais bien.

Elle soupire et parle plus doucement.

— Viens me voir la prochaine fois. Que je sache au moins quand tu pars, quand tu reviens et où tu vas.

J'esquisse un sourire. Elle s'habitue au fait qu'on soit ensemble. Elle ne m'a pas fait de remarque sur le fait que ce n'était pas bien que je sois avec lui.

— Tu reviens quand à la maison ?

— Demain.

— Thémis...

— On va voir les étoiles et l'éclipse.

— Profitez bien, répond-elle avec le son d'un sourire dans sa voix. Et appelle moi si il y a un problème.

Je lui promets que je le ferai.

— Protège-toi si vous recommencez.

Je pouffe légèrement. Je lui dis de ne pas s'inquiéter. Ça me touche sincèrement qu'elle le prenne mieux. Je finis par raccrocher.

— Ça va ? me demande Alwin, inquiet.

— Tout va bien. Elle commence à accepter... Ta présence et ton importance dans ma vie.

— Je suis content pour toi alors. Et Sandra ?

Je souris d'autant plus. Il n'a pas besoin d'une réponse, l'expression sur mon visage lui indique déjà que tout s'est déjà arrangé.

— Et de ton côté ?

Je ne développe pas plus ma question mais je sais qu'il a compris. Je parle surtout des mails qu'il a envoyés. Un petit rictus apparait sur ses lèvres.

— J'ai des nouvelles.

Immédiatement je me redresse et attend qu'il continue.

— Est-ce que ça te dérange qu'on en discute tout à l'heure ?

Je souris et lui confirme que je peux attendre. Je sens qu'il a hâte de tout me raconter et j'ai hâte de tout savoir. Je sens que tout va bien, que tout s'arrange pour lui.

— Je t'ai dit autre chose l'autre jour quand on s'est disputés. Je t'ai dit que tu étais toujours bloquée dans le passé mais que tu restais dans le déni. Et je suis désolé mais j'ai raison Thémis. Tu fais tout pour m'aider à tirer un trait sur la mort de ma mère, sur mon passage en prison. Alors je ne veux pas te laisser croire que tu vas bien alors que ce n'est pas le cas. Tu laisses encore ton père contrôler ta vie.

Je le regarde en silence. Doucement j'hoche la tête. Je m'en suis rendu compte il y a peu de temps. Il a raison, je fais encore une fixette sur ça. Et je m'en veux de lui avoir reproché de faire la même chose.

— Je sais que je fais ça Alwin. Enfin j'en ai pris conscience. Et je te promets que je suis en train de faire en sorte que ça aille mieux.

Il attrape ma main et noue nos doigts ensemble.

— Je veux t'aider.

Je ne peux pas repousser son aide. Je sais que j'en aurai besoin au moment où on débranchera mon géniteur. Maman en a parlé avec George et lui est en train de l'aider pour qu'elle se prépare à ça. On a pris la décision de le faire.

Cicatrices LunairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant